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Sensibilité de la téléconnexion au protocole expérimental

Le rappel de l’océan vers des anomalies de SST fixées implique l’introduction artificielle d’énergie via une formulation en flux de chaleur (cf. équation3.1). Le coefficient de rappel des SST, noté γT, est associé à un flux de correction de chaleur noté hfcorr (pour heat flux

correction) tel que :

hfcorr “ γTpSSTM ODEL´ SSTT ARGETq (3.5)

Étant donné que le facteur γT est ici constant, une grande différence de SST est associée

à de fortes valeurs du terme hfcorr, équivalent à un ajout (retrait) d’énergie à l’océan en

phase positive (négative) d’AMV. Cette quantité d’énergie réchauffe (refroidit) les couches supérieures de l’océan, et réduit le différentiel de SST lorsqu’elle est trop froide (chaude) par rapport à la SST ciblée.

Dans ce protocole, il est nécessaire de trouver un compromis entre d’un côté imposer un flux de correction suffisamment fort pour contraindre la SST le mieux possible, et de l’autre limiter son amplitude de manière à ne pas trop perturber l’équilibre énergétique du modèle. A partir de l’équation 3.5, le terme SSTT ARGET étant fixé, il apparaît que

la seule variable d’ajustement de ce flux de correction est le coefficient de rappel γT.

Celui-ci a une valeur de -40 W.m´2.K´1 dans les simulations analysées ci-dessus. Cette

valeur est issue d’études basées à la fois sur les observations (Frankignoul et Keste-

nare, 2002) mais aussi sur des modèles (Rahmstorf, 1995; Servonnat et al., 2015)

et correspond à un temps de relaxation τR de 60 jours pour une épaisseur de couche

de mélange de 50 m. Cette valeur de -40 W.m´2.K´1 limite les phénomènes de pertur-

bation énergétique dans CNRM-CM5 (cf. Note technique DCPP : https ://www.wcrp- climate.org/wgsip/documents/Tech-Note-2.pdf), mais également la détection du signal lié à l’AMV dans la réponse atmosphérique en Europe. En effet, la SST simulée est en moyenne inférieure à la SST ciblée, signifiant un rappel plus faible qu’attendu. La réponse atmosphérique ne devient alors significative qu’en rappelant la SST du modèle vers ano-

malies plus grandes, comme dans 2xAMV et 3xAMV (cf. Figure 2 de Qasmi et al. (sous

Chapitre 3. Mécanismes de téléconnexion entre l’AMV et le climat européen dans le

modèle CNRM-CM5 161

Deux alternatives à l’augmentation de l’amplitude des anomalies de SST ciblée existent pour contraindre davantage la SST en Atlantique Nord :

1. augmenter le coefficient de rappel γT ;

2. utiliser un coefficient variant avec la profondeur de la couche de mélange océanique (notée MLD pour « Mixed Layer Depth ») climatologique locale, pour palier des différences de MLD entre les régions tropicale et extra-tropicale.

L’objectif est ici de quantifier la sensibilité des téléconnexions décrites dans les parties

3et2à (i) l’amplitude du coefficient de rappel et (ii) au type de coefficient utilisé (constant ou variable en fonction de la MLD).

4.1.1 Description des expériences pacemaker aux différents coefficients de

rappel

Pour chaque phase d’AMV, deux ensembles de 30 membres sont générés dans lesquels le rappel de la SST en Atlantique Nord s’effectue vers des anomalies caractéristiques de l’AMV d’amplitude fixée à un écart-type, selon le même protocole que décrit dans l’étude de Qasmi et al. (sous presse), dans lequel seul le coefficient de rappel est donc modifié.

Deux expériences sont réalisés avec des coefficients γT égaux à 240 W.m´2.K´1 et 960

W.m´2.K´1, équivalents à des durées de rappel respectives de 10 jours et de 2 jours pour

une MLD de 50 m. Ces expériences ont pour acronyme respectif AM VM (pour « Mo-

derate ») et AM VS (pour « Strong »). Ces simulations sont comparées à celles menées

avec un rappel standard de 40 W.m´2.K´1. Notées 1xAMV dans les analyses des sec-

tions précédentes, seuls les 30 premiers membres parmi les 40 disponibles sont utilisés

pour effectuer une comparaison objective avec AM VM et AM VS. Ce sous ensemble est

maintenant noté AM VW (pour « Weak ») dans cette section.

Une troisième expérience dans laquelle le coefficient de rappel γT varie spatialement

en fonction de la MLD est également étudiée. Dans ce cadre, γT “ γVphq est fonction

à l’épaisseur h de la couche de mélange sur chaque point de grille du modèle selon la formulation suivante :

γVphq “ maxpγT, γT

h h0

q (3.6)

où h0 est la MLD de référence égale à 50 m pour laquelle γVph0q “ ´40 W.m´2.K´1.

Dans les régions où l’épaisseur de la couche de mélange est supérieure à 50 m (par exemple dans les gyres subpolaire et subtropical), la SST est alors rappelée via un coefficient supérieure à la valeur standard de -40 W.m´2.K´1, de manière à davantage contraindre

la SST. L’ensemble de simulations est noté AMVW,var.

Pour les quatre ensembles, les 30 membres sont initialisés à partir d’états initiaux choisis de manière aléatoire dans la simulation piControl de CNRM-CM5 (cf. partie 2.1 de Qasmi et al. (sous presse) pour une description de la génération des ensembles). Chaque membre d’un ensemble dispose néanmoins des mêmes conditions initiales que son analogue dans les autres ensembles de manière à les comparer de manière objective.

Chapitre 3. Mécanismes de téléconnexion entre l’AMV et le climat européen dans le

modèle CNRM-CM5 162

Figure 3.10 – Moyenne annuelle de la SST en Atlantique Nord pour une phase positive (boîtes à moustache noires) et négative (grises) d’AMV. Chaque boîte à moustache (une par expérience) correspond à la distribution issue des 30 membres de 10 ans. Le bord supérieur (inférieur) de la boîte indique le premier (dernier) tercile de la distribution. La moustache supérieur (inférieure) correspond au premier (neuvième) décile. Le point et la barre à l’intérieur de chaque boîte correspondent respectivement à la moyenne et à la médiane de la distribution. Les droites rouges horizontales correspondent à la SST ciblée en phase positive (trait plein) et négative (trait pointillé) d’AMV.

La Figure 3.10 montre que l’utilisation d’un coefficient variant avec la profondeur

de mélange dans l’expérience AMVW,var ne modifie pas clairement la distribution de la

SST simulée dans l’Atlantique Nord par rapport à AMVW, excepté en phase négative

d’AMV où la moyenne de la SST en AMVW,var est légèrement plus faible. Cette absence

de changement et l’écart constant entre la SST du modèle et la SST ciblée pourrait s’expliquer par le fait que bien que le coefficient γV est susceptible de prendre des valeurs

supérieurs à γT dans les zones à forte MLD (cf. équation3.6), le facteur multiplicatif

h h0

pourrait ne être pas suffisant grand pour rappeler davantage la SST simulée. La salinité, non contrainte dans les expériences étudiées ici, pourrait également expliquer cette absence

de différence entre AMVW et AMVW,var par le biais de processus qui restent encore à

déterminer.

Pour AMVM et AMVS, les distributions de SST sont beaucoup plus réduites. Elles

traduisent une contrainte de la SST beaucoup plus forte qu’en AMVW, en raison de

l’amplitude des coefficients de rappel équivalents à des rappels de 10 et de 2 jours. Cette dernière valeur correspond par ailleurs quasiment à une configuration de modèle d’océan forcé, i.e. avec une SST fixée. La SST simulée est aussi plus proche de celle ciblée dans

ces expériences que dans AMVW et AMVW,var.

La prochaine partie décrit les effets des différentes valeurs de coefficient de rappel sur la réponse atmosphérique à l’AMV, en considérant le cas de la téléconnexion entre l’AMV et la température en Europe.

Chapitre 3. Mécanismes de téléconnexion entre l’AMV et le climat européen dans le

modèle CNRM-CM5 163

Figure 3.11 – Différence des moyennes d’ensemble de 30 membres sur 10 ans entre une phase positive et négative d’AMV de la SAT (en ˚C) en été (de juin à août) pour les

expériences AMVW, var, AMVM et AMVS par rapport à cette même différence calculée

en AMVW. Les régions pointillées indiquent une différence significative à 95% selon un

t-test.

4.2

Influence du coefficient de rappel sur la téléconnexion entre