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Caractérisation de la variabilité atmosphérique sur l’Atlantique Nord

De nombreuses techniques statistiques permettent de déterminer des modes de va- riabilité atmosphériques en Atlantique Nord : analyse en composantes principales (ACP, Barnston et Livezey (1987)), algorithmes de classification (Vrac et al., 2007)... La grille de lecture adoptée ici repose sur la classification journalière de situations synoptiques caractérisées par la pression de surface de la mer (notée SLP pour Sea Level Pressure) en un nombre fini d’entités. Celles-ci, désignées sous le nom de régimes de temps (Mi- chelangeli et al., 1995), constituent des structures spatiales récurrentes qu’adopte la dynamique atmosphérique. Ces régimes ont une persistance de l’ordre de quelques jours, et sont caractéristiques de la variabilité atmosphérique (intra-) saisonnière. Bien que chaque situation journalière soit unique en termes de SLP, l’agrégation de situations selon un critère de similarité donné (par exemple via un algorithme de minimisation de distance euclidienne) permettent d’identifier un nombre fini de centroïdes qui caractérisent les régimes de temps. Chaque situation journalière est ensuite attribuée à un (ou plusieurs) centroïde(s). L’approche en régimes de temps présente toutefois plusieurs contraintes :

— pour certains algorithmes, certains jours peuvent échapper au processus de classi- fication, car les situations associées ne satisfont pas le critère d’agrégation choisi

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(SanchezGomez et Terray,2005), tandis que pour d’autres méthodes, tous les

jours disponibles sont classés (Deloncle et al.,2007).

— le choix du nombre de régimes n’est pas trivial, car bien que certains outils d’aide à la décision existent (critère d’information bayésien pour l’algorithme d’espérance- maximisation (Dempster et al.,1977; Smyth et al.,1999), méthode du « coude »

pour la méthode de regroupement hiérarchique (Vrac et al., 2007) etc.), aucune

méthode de classification ne peut objectivement être qualifiée de « meilleure » qu’une autre.

Ici, quatre régimes de temps sont choisis pour caractériser la circulation atmosphé- rique sur l’Atlantique Nord en été, et sont illustrés sur la Figure 1.8 (colonne de gauche) par des anomalies de SLP. Les régimes sont caractérisés par des dipôles d’anomalies de

SLP centrés sur la région Euro-Atlantique. Le premier (Figure 1.8a) correspond à une

augmentation de la SLP sur le Groenland et la Mer d’Irminger et une diminution sur la Mer du Nord, synonyme d’un renforcement des vents d’ouest sur l’Europe. Le deuxième

(Figure 1.8b) se caractérise par une diminution de la SLP sur le Groenland et par une

augmentation sur les Açores jusqu’à la Scandinavie. Ces deux régimes correspondent res- pectivement aux structures NAO- et NAO+ (pour North Atlantic Oscillation) relatives

aux deux phases de l’Oscillation Nord Atlantique d’été (Hurrell et al., 2003). Le

régime NAO+ porte aussi le nom de blocage d’été (Summer BL) dans la littérature en raison de : (i) sa persistance et (ii) du fait qu’il « bloque » voire renverse la circulation moyenne d’ouest d’origine océanique, qui est habituellement pénétrante sur l’Europe. Le troisième régime (Figure1.8c) est dominé par des anomalies négatives de SLP sur les mers Nordiques avec une intensité maximale sur l’Islande alors que pour le quatrième régime

(Figure 1.8d), un minimum (maximum) de SLP est obtenu au large de l’Europe (aux

latitudes subpolaires). Ces deux derniers régimes sont respectivement appelés Icelandic Low (IL) and Atlantic Low (AL) de par la localisation de leur minimum d’anomalie de SLP. L’analyse des 68 derniers étés entre 1950 et 2017 indique que les probabilités d’oc- currence de ces quatre régimes sont presque équiréparties, à l’exception des situations NAO+ (légèrement favorisées) et AL (légèrement défavorisées). Chacun de ces régimes explique alors une fraction de la variance de la SLP en été.

L’évolution temporelle des anomalies de SLP relatives à chaque régime d’été depuis 1950 illustre une empreinte décennale forte sur certains d’entre eux. Le régime NAO- semble être davantage excité en phase positive d’AMV, tandis que le régime NAO+ semble être plus excité en phase négative d’AMV . La relation entre l’AMV et les régimes IL et AL est moins claire : l’excitation du régime IL semble être corrélée à l’AMV jusqu’à environ 1990, puis devient anti-corrélée, alors que la régime AL est plutôt marqué par une tendance, avec des épisodes plus nombreux en fin de période.

En hiver, à la fois dans les observations et dans des expériences idéalisées, une phase positive (négative) d’AMV excite davantage un régime NAO- (NAO+), et ce, particulière-

ment en fin de saison (cf. Figure1.9et Peings et Magnusdottir (2014) et Gastineau

et Frankignoul (2015)).

Cette concomitance de l’AMV avec la NAO dénote la potentielle existence de relations physiques entre la variabilité inter-annuelle atmosphérique et la variabilité multidécennale océanique, et a fortiori l’AMV. Ces relations font l’objet de recherches en cours dont les principaux résultats sont documentés dans la prochaine section.

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Figure 1.8 – (colonne de gauche) Centroïdes des régimes de temps construits selon

l’algorithme k-means (Diday, 1973; Michelangeli et al., 1995), à partir de la SLP

journalière (en hPa) en été (du 1er juin au 31 août) sur la période 1948-2017 (Données :

réanalyses NCEP). Le pourcentage moyen d’occurrence de chaque régime est indiqué dans le coin supérieur droit. (colonne de droite) Anomalies standardisées de jours par été pour chaque régime, en bleu les saisons déficitaires, en rouge les excédentaires. La courbe noire représente l’indice d’AMV. Crédits : adapté de la Figure 6 de AcclimaTerra et Le Treut (2018).

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Figure 1.9 – (a-d) Centroïdes des régimes d’hiver observés, issus du géopotentiel à 500 hPa sur la période 1901-2010 (Données : NOAA 20CR). (e-h) Distribution interannuelle de l’occurence des régimes en fonction des phases de l’AMV estimée par composites dans les observations de décembre à mars (DJFM), de décembre à janvier (DJ) et de février à mars (FM). (i-f) Distribution interannuelle de l’occurence des régimes simulée dans le modèle CAM5 dans des simulations où des SST représentatives de l’AMV sont imposés

dans le modèle. Crédits : Figure 3 de Peings et Magnusdottir (2014).