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4.3 En-dessous du premier point de Lagrange

4.3.2 Sections de Birkhoff dans le problème à deux corps tournant

1 |2z2+ 1|− 1 + z 2+ ¯z2  , et le niveau d’énergie K = 0 est difféomorphe à une sphère S3.

Récapitulons tout ce qu’on vient de dire, en renvoyant au cours d’Alain Chenciner [10] pour plus de détails.

Le flot sur la composante connexe Cε du niveau d’énergie −1/ε2 en-dessous de la première valeur critique, s’écrit comme le quotient par antipodie d’un flot sur la sphère S3 privée d’un grand cercle ; flot qui, après reparamétrage temporel, se prolonge à S3tout entière.

L’équation4.5définit donc à la fois une variété K−1(0), et un flot hamiltonien sur cette variété. Le développement à l’ordre 2 en l’origine de ce hamiltonien donne l’oscillateur harmonique

K0= −(1 − µ)ε2+ |z|2+ |w|2, dont la restriction à la sphère K−1

0 (0) = {|z|2+ |w|2 = (1 − µ)ε2} est précisément le flot de Hopf, lévogyre. Pour ε assez petit, la composante connexe Cε du niveau d’énergie reste proche du cercle z = 0. La troncature ci-dessus a donc un sens, et le flot considéré sur le niveau K−1(0) est proche d’un flot lévogyre. Si l’on souhaite s’intéresser à l’ordre supérieur dans le développement limité de K autour de l’origine, cela nous ramène au cas bien connu µ = 0.

4.3.2 Sections de Birkhoff dans le problème à deux corps tournant

Dans le cas µ = 0, l’équation 4.5 définit un système complètement intégrable : sur le niveau K = 0, les trajectoires évoluent sur les variétés f2 = cste, qui s’envoient par Φ sur les niveaux du moment cinétique. Ces variétés sont des tores, sauf pour deux valeurs critiques où elles dégénèrent en deux cercles d’équation w = ±ifz. Ces deux cercles sont les ensembles sur lesquels les hypersurfaces K = cste et f2 = cste ne sont plus transverses, mais tangentes. Ils s’envoient par Φ sur les deux orbites circulaires – prograde et rétrograde – décrites page60. On est donc naturellement amené à se placer dans les coordonnées suivantes :

ξ1= w + if z

ξ2= ¯w + if ¯z, (4.6) dans lesquelles la variété K = 0 devient la 3-sphère {|ξ1|2+ |ξ2|2= 2ε2}, et les deux orbites circulaires ont pour équation ξ1= 0, ξ2= 0, respectivement. Les équations de la dynamique, elles, deviennent

˙ξ1= i  f −fε2 ε2− ℜ(ξ1ξ2) ξ1 ˙ξ2= i  f + ε f2 ε2− ℜ(ξ1ξ2) ξ2, (4.7)

64 CHAPITRE 4. LE PROBLÈME À TROIS CORPS RESTREINT, PLAN, CIRCULAIRE

où l’expression de f en fonction de ξ1, ξ2est donnée comme la plus grande solution de

f2= 1 − fε1|2− |ξ2|2.

Ces coordonnées sont particulièrement intéressantes pour la formulation du théorème suivant, que nous attribuerons à Poincaré, premier à découvrir des surfaces de section dans le problème à trois corps restreint ([48], [49]), et dont une démonstration se trouve dans l’article de Martin Kummer et Richard C. Churchill [37].

Théorème 4.3.1 (Poincaré). L’anneau {Arg ξ1+ Arg ξ2 = 0 mod 2π} est une section de Birkhoff

pour le flot régularisé sur K−1(0), bordée par les orbites périodiques ξ1 = 0, ξ2= 0. L’application de premier retour y est un twist intégrable.

On pourra se reporter si besoin à la définition0.0.4d’un twist.

La section de Birkhoff en disque et son application de premier retour. Bien qu’il soit

plus agréable de travailler avec cette section en anneau, où les deux orbites circulaires jouent un rôle symétrique et où l’application de premier retour est un twist standard, nous nous intéresserons maintenant à la section de Birkhoff donnée par le disque {Arg ξ1 = 0}. Notre objectif est d’obtenir suffisamment d’informations sur l’application de premier retour pour pouvoir montrer – au chapitre

7 – qu’elle définit un difféomorphisme faiblement tournant du disque, ce qui impliquera grâce au théorème7.3.3que le flot régularisé du problème à deux corps dans un repère tournant est lévogyre.

Le système d’équations4.7s’intègre explicitement en ξ1(t) = r1e1(t)

ξ2(t) = r2e2(t), où α1et α2, solutions des équations différentielles

˙α1= f −fε22− r1r2cos(α1+ α2)) ˙α2= f + ε

f22− r1r2cos(α1+ α2)), s’intègrent explicitement, après changement de temps t ← fdt, en

α1(t) = α01+ t −fε3ε2t −r12r2 sin(2t + α01+ α02) − sin(α01+ α02) α2(t) = α02+ t + ε f3  ε2t −r12r2 sin(2t + α01+ α02) − sin(α01+ α02) . (4.8)

Ces équations explicites permettent d’étudier l’application de premier retour. La question qui vient naturellement est de savoir si cette application dévie la verticale. On rappelle que le système est com-plètement intégrable ; les quantités |ξ1|, |ξ2| sont conservées au cours du mouvement. En paramétrant le disque {Arg ξ1 = 0} par les coordonnées polaires (r2, α2), ceci revient à déterminer si, pour tout angle initial α0

2fixé, l’application

r27→ α2(t(r2))

est strictement monotone – avec t(r2)le temps de premier retour du point (r2, α0

2). Comme α1+ α2= α01+ α02+ 2t,

4.3. EN-DESSOUS DU PREMIER POINT DE LAGRANGE 65

il suffit en fait d’étudier la croissance de la fonction r27→ t(r2). À l’aide de la méthode de Newton et des équations explicites de α1, α2, on résout l’équation α1= 2π, avec α0

1= 0et différentes valeurs de α0

2. Le résultat, présenté figure4.5, présente un léger défaut de monotonie, qui est également visible sur l’image de l’application de premier retour présentée figure4.6. Ainsi, contrairement à ce à quoi on pouvait s’attendre, l’application de premier retour sur le disque ne dévie pas la verticale.

Figure 4.5 – Famille de graphes paramétrée par α0

2, indiquant le temps de premier retour sur le disque {α1= 0} en fonction du rayon r2. On observe un défaut de monotonie près du bord et près du point fixe r2= 0.

Tentons donc, en deuxième approche, de déterminer la manière dont l’application de premier retour ψ fait tourner chaque orbite sur son cercle invariant, en calculant les nombres de rotation. Une méthode pour le faire lorsque le difféomorphisme est une rotation est, étant donné un cercle et un point x quelconque sur ce cercle, de calculer la suite qn des temps de retour proche associés à x, c’est-à-dire tels que ψqn(x) est plus proche de x qu’aucun des ψm(x), avec m < qn. Le nombre de rotation de ψ restreinte au cercle est alors donné par la fraction continue

ρx= 1 a1+ 1

a2+ 1 . . .

,

où la suite anest définie à partir de qnpar l’expression qk+1= ak+1qk+ qk−1.

66 CHAPITRE 4. LE PROBLÈME À TROIS CORPS RESTREINT, PLAN, CIRCULAIRE

Figure 4.6 – Image des verticales {α0

2 = cste} par l’application de premier retour sur le disque {α1 = 0}. La déviation n’est pas tout à fait monotone ; l’application de premier retour n’est pas un twist.

4.3. EN-DESSOUS DU PREMIER POINT DE LAGRANGE 67

On trouvera dans le livre de John Milnor [43] une description détaillée de cette méthode et, dans le livre de Welington de Melo et Sebastian van Strien [41], une adaptation de cette méthode au cas général des difféomorphismes du cercle. Nous avons utilisé successivement ces deux méthodes pour calculer, pour une dizaine de niveaux d’énergie représentatifs – c’est-à-dire régulièrement distribués sur un intervalle au-delà duquel on n’observe rien de significativement différent – les nombres de rotation de l’application de premier retour sur environ 200 cercles invariants. Les deux méthodes donnent sensiblement les mêmes résultats. Un calcul numérique effectué avec environ 105 itérations de l’application de premier retour nous donne une valeur des nombres de rotation, avec une précision de 10−6. Les résultats de ce calcul sont présentés figure 4.7. Pour chaque niveau d’énergie testé, la courbe correspondante décroît strictement avec r2, c’est-à-dire lorsqu’on s’approche du bord du disque de section.

Nous renvoyons au chapitre7pour l’application de ces observations à une esquisse de démonstra-tion du caractère lévogyre des flots sur les niveaux d’énergie du problème dégénéré µ = 0.

Figure4.7 – Famille de graphes paramétrée par l’énergie, indiquant le nombre de rotation en fonction du rayon r2. Toutes les courbes sont strictement décroissantes.

4.3.3 Perspectives

Si, comme les simulations numériques effectuées semblent l’indiquer, l’application de premier re-tour sur la section en disque présentée ci-dessus était un difféomorphisme intégrable dont tous les nombres de rotation sont positifs, alors l’étude des sections en disque menée au chapitre7 implique-rait que ce difféomorphisme soit faiblement tournant, et donc que le problème à trois corps restreint, circulaire, plan, lorsqu’il dégénère au cas µ = 0 – et devient alors un problème à deux corps dans un repère tournant – soit lévogyre. Le cas µ > 0 assez petit étant une petite perturbation de ce système

68 CHAPITRE 4. LE PROBLÈME À TROIS CORPS RESTREINT, PLAN, CIRCULAIRE

dégénéré, il serait également lévogyre – comme remarqué page 81, la condition d’être lévogyre est ouverte dans la topologie C1. Plus précisément, pour µ > 0 assez petit, l’orbite circulaire subsiste en une orbite périodique, qui borde une surface de Birkhoff en disque sur laquelle l’application de premier retour serait une petite perturbation d’un difféomorphisme intégrable faiblement tournant. Nous renvoyons encore une fois à [37] et [10] pour les détails de ces assertions dans le cas d’une surface de section en anneau.

De nombreuses études continuent d’être menées autour du problème à trois corps restreint, plan, circulaire, notamment en-dessous du premier point de Lagrange. Citons en particulier les travaux de Peter Albers, Joel W. Fish, Urs Frauenfelder, Helmut Hofer et Otto Van Koert [1], qui montrent l’exis-tence de surfaces de section sur tous les niveaux d’énergie en-dessous du premier point de Lagrange, pour peu que µ soit assez petit. Cependant, à notre connaissance, aucune n’aborde le problème sous l’angle de l’enlacement des trajectoires.

Interrogeant la pertinence de l’étude de l’enlacement des orbites pour des instances du problème plus éloignées du cas µ = 0 – mais toujours pour des énergies inférieures à la première valeur critique – nous nous orientons dans le chapitre6vers une exploration numérique du système.

4.3. EN-DESSOUS DU PREMIER POINT DE LAGRANGE 69

Quelques quantités exprimées dans les différents systèmes de

coordonnées

position vitesse position vitesse

dans le repère fixe dans le repère fixe dans le repère tournant dans le repère tournant

(Q, ˙Q) Q Q˙ e−itQ −ie−itQ + e−itQ˙

(X, Y, ˙X, ˙Y ) X + iY X + i ˙˙ Y

(q, ˙q) eitq ieitq + eit˙q q ˙q

(x, y, ˙x, ˙y) x + iy ˙x + i ˙y

(q, p) q p − iq

(x, y, px, py) x + iy (px+ y) + i(py− x)

énergie potentielle U moment cinétique M intégrale de Jacobi J (Q, ˙Q) |Q−µe1−µit||Q−(1−µ)eµ it| 2i1(Q ˙Q − Q ˙Q) | ˙Q|2+ i(Q ˙Q − Q ˙Q) + 2U (X, Y, ˙X, ˙Y ) X ˙Y − Y ˙X ( ˙X2+ ˙Y2) − 2(X ˙Y − Y ˙X) + 2U (q, ˙q) |q−µ|1−µ |q−(1−µ)|µ |q|2+2i1(q ˙q − q ˙q) | ˙q|2− |q|2+ 2U.

(x, y, ˙x, ˙y) x2+ y2+ x ˙y − y ˙x ( ˙x2+ ˙y2) − (x2+ y2) + 2U (q, p) |q−µ|1−µ |q−(1−µ)|µ 2i1(qp − qp) |p|2+ i(qp − qp) + 2U (x, y, px, py) xpy− ypx (p2 x+ p2 y) − 2(xpy− ypx) + 2U énergie classique E (Q, ˙Q) 12| ˙Q|2+ U (X, Y, ˙X, ˙Y ) 1 2( ˙X2+ ˙Y2) + U (q, ˙q) 12| ˙q|2+12|q|2+2i1(q ˙q − q ˙q) + U

(x, y, ˙x, ˙y) 12( ˙x2+ ˙y2) +12(x2+ y2) + (x ˙y − y ˙x) + U (q, p)

Chapitre 5

Enlacements dans S

3

Ce chapitre présente la plupart des outils théoriques dont on aura besoin pour étudier le problème à trois corps du point de vue de l’enlacement.

Nous commencerons par rappeler ce qu’est le nombre d’enlacement de deux courbes fermées et comment il se calcule en pratique dans R3, puis nous proposerons d’autres éclairages pour le com-prendre sur S3.

Nous survolerons ensuite rapidement les liens entre enlacement et systèmes dynamiques sur S3, avec les notions d’enlacement de mesures invariantes et de flots lévogyres, introduites par Étienne Ghys dans [24].

Enfin, nous proposerons une étude d’un système hamiltonien plus simple que celui des trois corps : le mouvement dans un potentiel central convexe, et nous montrerons le caractère lévogyre de ce système.

5.1 Enlacement géométrique

Dans une variété orientée de dimension 3, on peut toujours définir le nombre d’enlacement de deux courbes fermées orientées disjointes k et l, pour peu qu’elles bordent une surface chacune. Dans toute la suite, nous nous placerons sur R3ou S3, où toutes les courbes fermées bordent.

Définition 5.1.1. Soit Σ une surface orientée bordée par k. Le nombre d’enlacement de k et l est le

nombre (algébrique) d’intersections entre Σ et l :

Enl(k, l) = Σ ∩ l.

72 CHAPITRE 5. ENLACEMENTS DANSS3

On remarquera que cette définition ne dépend pas du choix de Σ bordé par k. En effet, si Σ est une deuxième surface bordée par k, alors Σ − Σest une surface sans bord, c’est-à-dire un 2-cycle. Or, comme l borde elle-même une surface, elle est homologiquement nulle, donc d’intersection nulle avec n’importe quel cycle :

Σ ∩ l − Σ∩ l = (Σ − Σ) ∩ l = 0.

On peut étendre par bilinéarité l’enlacement aux couples d’entrelacs disjoints. Cela n’est pas évident au vu de la définition, mais l’application obtenue est symétrique : si Σ1et Σ2 sont deux surfaces à bord, alors

∂Σ1∩ Σ2= Σ1∩ ∂Σ2.

Si cette définition est conceptuellement claire, elle n’est pas très pratique pour les calculs effectifs. Heureusement, sur R3, il existe au moins deux manières constructives de calculer l’enlacement de courbes : soit en comptant des intersections signées, soit en intégrant une forme différentielle explicite. Nous tenterons d’interpréter ces deux approches dans un cadre plus large, qui pourra être adapté au calcul d’enlacements dans S3. Tout d’abord, donnons une caractérisation de l’enlacement.

Proposition 5.1.2. Une forme bilinéaire symétrique α sur les couples d’entrelacs disjoints de R3ou

S3calcule l’enlacement si les deux conditions suivantes sont vérifiées :

(1) Si k × l et k× l sont homologues dans le complémentaire de la diagonale M × M − diag, alors α(k, l) = α(k, l).

(2) Pour (k, l) deux petits cercles comme sur la figure5.1, on a α(k, l) = 1.

Figure5.1 – Deux petits cercles orientés qui s’enlacent une fois.

Démonstration. Considérons Σ bordée par k. Génériquement, et quitte à modifier un peu la surface

Σou la courbe l, on peut supposer que l intersecte Σ transversalement en un nombre fini de points. Autour de chaque point d’intersection entre Σ et l, on trace un petit cercle sur Σ, de même orientation que celle du petit disque qu’il borde. En ôtant à Σ tous ces petits disques, on obtient une surface Σ

bordée par k − k, où k est la somme de tous les petits cercles. Ainsi, k × l − k× l est le bord de Σ × l, et comme Σ et l ne s’intersectent pas, en supposant satisfaite la condition (1) on obtient α(k, l) = α(k, l).

5.1. ENLACEMENT GÉOMÉTRIQUE 73

Appliquons le même procédé en remplaçant k et l par l et k, respectivement. On obtient une nouvelle chaîne l telle que α(k, l) = α(k, l), et k∪ l est constitué de paires de petits cercles comme sur la figure 1. Ainsi, en supposant satisfaite la condition (2), on peut calculer α(k, l) comme somme sur ces paires de cercles de +1 ou −1, selon l’orientation des cercles. Le nombre de telles paires de cercles est le nombre de cercles formant k, c’est-à-dire le nombre d’intersections entre l et Σ (compté géométriquement, pas algébriquement). Si l’on se convainc que le signe de l’enlacement de deux petits cercles correspond au signe de l’intersection dont ils proviennent, on a établi l’égalité α(k, l) = Enl(k, l).