elle doit toujours se rendre inaccessible tout en suscitant le désir chez les hors-cible. Enfin,
dans un troisième temps, la marque devra transmettre l’image et le statut vers les produits
qu’elle propose ou envisage de proposer à terme. Ces produits doivent être en cohérence avec
le territoire des valeurs et de légitimité symboliques de la marque.
Par ailleurs, la gestion d’une marque de luxe repose sur sa légitimité et son identité. Comme
le précise Roux (2003), aujourd’hui la légitimité d’une marque française de luxe dont les
fondements reposaient sur la tradition et le savoir-faire ainsi que la création, trouve également
sa source dans sa « capacité à communiquer un imaginaire fort, cohérent, reconnaissable et
unique » (p. 162). Ainsi, trois facteurs clés de succès d’une marque sont la présence d’un
produit phare (ou des produits), d’une culture innovatrice et d’une identité claire et lisible.
Cette dernière s’articule autour de ce que Roux appelle « l’éthique » et « l’esthétique » de la
marque, qui sont les invariants sur lesquels se fonde l’identité de la marque. Ces éléments
invariants permettent de reconnaître la marque dans la durée. L’éthique renvoie au respect des
valeurs de la marque
16et l’esthétique est relative au raffinement, à la subtilité, à la quête de la
perfection, autrement dit « ce à quoi le luxe est reconnu comme façon unique de communiquer
une émotion par la cohérence des sens » (Roux, 2003 : 168).
Cette section fut consacrée à l’analyse du luxe à travers ses différents aspects : le poids
économique du secteur, les produits, le comportement de la clientèle ainsi que les
caractéristiques et la gestion des marques.
La section 2 est dédiée à la présentation succincte du concept de marque et surtout celui de
son image. En effet, comme on le verra dans le deuxième chapitre, les travaux sur l’effet
« pays d’origine » mettent l’accent sur le rôle modérateur que peut jouer l’image de marque
sur les évaluations des consommateurs.
Section 2. La marque, ses fonctions et son image
Cette section fournit des éléments théoriques concernant la marque dont le rôle est important
dans le luxe. Nous proposons donc de définir, dans un premier temps, la marque en tant que
concept (2.1). Puis, dans un second temps, nous présenterons les fonctions de la marque pour
l’entreprise et les consommateurs (2.2). Le troisième point sera consacré à l’image de marque
selon les théories issues de la psychologie cognitive (2.3). Enfin, nous présenterons
succinctement l’apport de la théorie du noyau central à l’analyse de la structure interne des
marques (2.4). Cette approche, introduite par Michel (1997), nous permettra probablement de
mieux saisir la place occupée par le « pays d’origine » en tant qu’une des associations d’une
marque française de luxe.
2.1 Qu’est-ce qu’une marque ?
Lai (2005) précise que le mot « marque » provient du terme germanique « markjan » qui
signifie « territoire que l’on délimite et auquel on s’identifie », autrement dit, la marque est là
pour distinguer et reconnaître les choses. Kotler et al. (2006), en reprenant la définition de
l’Association Américaine de Marketing (AMA), définissent la marque comme « un nom, un
terme, un signe, un symbole, un dessin ou toute combinaison de ces éléments servant à
identifier les biens ou services d’un vendeur ou d’un groupe de vendeurs et à les différencier
des concurrents » (p. 314). Mais la marque ne se limite pas aux éléments de l’identité visuels
(éléments graphiques). Lai (2005) y inclut également les dimensions sensorielles telles que
l’ouïe, le toucher, l’odorat, le goût
17. L’ensemble de ces éléments permet d’identifier et de
définir une marque.
Par ailleurs, dans la partie sur l’effet « pays d’origine », nous avons signalé que chaque
produit est composé d’un certain nombre d’attributs pouvant être classés en deux catégories :
attributs intrinsèques et attributs extrinsèques (Olson et Jacoby, 1972). Alors que les attributs
intrinsèques font partie du produit physique, ce qui veut dire que leur modification
(suppression) entraîne un changement au niveau du produit (par exemple, design, goût,
17 Lai (2005 : 11) parle d’une véritable identité sensorielle d’une marque qui se compose des identités visuelle, sonore, tactile, olfactive et gustative.
fonctionnalité, etc.), les attributs extrinsèques se prêtent davantage à des manipulations, sans
pour autant entraîner de changement au niveau du produit lui-même. Parmi les attributs
extrinsèques, on peut citer le prix, le pays d’origine ou alors la marque.
En sa qualité d’attribut extrinsèque, le rôle de la marque pour l’entreprise et pour le
consommateur n’en demeure pas moins important. Nous présenterons dans le point suivant
les principales fonctions d’une marque.
2.2 Fonctions d’une marque
Aujourd’hui, une marque joue un rôle important tant pour les entreprises que pour les
consommateurs. Pour les entreprises, la marque permet de montrer sa différence par rapport
aux concurrents mais elle constitue aussi une source de richesse, un capital. Pour les
consommateurs, une marque joue un rôle sur le plan social et psychologique : elle permet au
consommateur de montrer son appartenance à un groupe, de se rassurer sur le produit en
réduisant le risque perçu lié à l’achat.
2.2.1 Fonctions d’une marque pour l’entreprise
Michel (2004) insiste sur le fait que les marques constituent tout d’abord une expression des
origines de l’entreprise. Beaucoup d’entreprises y attachent de l’importance et communiquent
de plus en plus sur leur passé, le respect des traditions. Nous avons vu, lors de la section
précédente que l’une des caractéristiques clés d’une marque était justement le respect de
l’histoire personnelle et des traditions (Dubois et al., 2001). Beaucoup d’entreprises valorisent
leur histoire, leurs racines, ce qui leur permet entre autres de se différencier des autres. Cette
différenciation ne s’appuie donc pas uniquement sur les éléments fonctionnels (les avantages
revendiqués pour les produits de la marque par rapport aux produits concurrents) mais aussi
sur les éléments symboliques (valeurs associées à une marque). Le concept d’identité s’appuie
sur la dimension symbolique d’une marque.
2.2.1.1 Marque en tant qu’identité
L’identité d’une marque en tant que concept a été introduite en marketing par Kapferer en
1992. Ce concept est opposé à celui d’image de marque. Alors que l’image de marque est le
résultat du décodage par le consommateur des différents signes envoyés par la marque (tels le
nom de marque, produits, publicités, etc.), l’identité est, selon Kapferer (2001), un concept
d’émission. Elle définit « ce qui doit rester permanent et ce qui peut évoluer, varier, les
figures libres et les figures imposées » (p. 101). L’identité précède l’image et renvoie à ce que
l’entreprise souhaite représenter dans l’esprit des consommateurs, cela renvoie aux « racines
profondes de la marque ». L’auteur ajoute une triple exigence à laquelle doit répondre
l’identité : la durée (permanence dans le temps), la cohérence des signes émis afin que
l’image de marque ne soit pas brouillée et le réalisme.
Kapferer (2001) propose un prisme d’identité qui permet de représenter les six facettes de ce
Dans le document
L'impact de la délocalisation du luxe sur les attitudes des consommateurs : le cas des maisons françaises de luxe
(Page 73-76)