de l’animosité à l’égard d’un pays. Développée par Klein et al. (1998), l’animosité est une
forme d’hostilité (antipathie) vis-à-vis des autres nations qui résulte des « événements passés
sur le plan économique, politique ou militaire » (p. 90). Les auteurs citent le boycott des
produits français par des consommateurs australiens ou néo-zélandais à cause des essais
nucléaires menés par France dans l’océan Pacifique ; on peut y ajouter le boycott des produits
français aux Etats-Unis courant 2003 dû la position de la France contre un conflit armé en
Irak. Enfin, Hirschman (1981) a soulevé l’opposition chez les consommateurs juifs quant à
l’achat de produits allemands. Ainsi, un consommateur qui a un degré d’animosité élevé
vis-à-vis d’un pays n’achètera pas les produits provenant de ce pays non pas parce qu’il croit
qu’ils sont de qualité inférieure comparativement aux produits domestiques mais parce qu’il
est tout simplement hostile face à leur pays d’origine. A la différence de l’ethnocentrisme, la
volonté d’acheter ou de ne pas acheter des produits étrangers est donc indépendante du
jugement de qualité de ces produits. Klein et al. (1998) ont testé leur modèle auprès des
consommateurs chinois qu’ils ont interrogés par rapport aux produits japonais. Il s’avère, au
terme de l’étude, que les deux construits « ethnocentrisme » et « animosité » sont bel et bien
distincts ; que l’animosité des consommateurs chinois envers le Japon était négativement
reliée à leur intention d’achat de produits japonais même si ces derniers étaient très bien
évalués en termes de qualité.
Ces construits sont, certes, intéressants. Cependant, ils n’ont pas été utilisés dans un contexte
de délocalisations des produits. On peut par conséquent se poser la question de savoir lequel
de ces construits permettra de mieux comprendre le comportement des consommateurs
face aux produits délocalisés en partie à l’étranger et qui reviennent sur le marché
3.1.5 Influence modératrice des caractéristiques sociodémographiques des
consommateurs
Parmi les variables sociodémographiques susceptibles de moduler l’effet du pays d’origine,
on peut citer le sexe, l’âge, le lieu de résidence, le niveau de revenu et le niveau d’éducation.
Beaucoup d’études sur l’effet « pays d’origine » ont abordé les différences dans les
perceptions des produits étrangers en fonction du sexe des consommateurs. Dickerson (1987,
cité par Liefeld, 1993) remarque que les hommes et les femmes en évaluant les vêtements
importés versus américains n’utilisent pas de la même façon les différents attributs de ces
produits, y compris le pays d’origine. Dans certaines recherches, on a pu démontrer que les
femmes percevaient les produits étrangers plus positivement que ne le faisaient les hommes
(Schooler, 1971 ; Wall et Heslop, 1986 ; Wall et al., 1988). Dans une autre étude portant sur
les voitures américaines, japonaises et allemandes, Johansson et al. (1985) ont montré que les
hommes avaient tendance à moins bien évaluer les voitures américaines comparativement aux
femmes et, à l’inverse, à mieux évaluer les voitures allemandes. Mais pour d’autres, aucun
effet modérateur du sexe n’a été mis en évidence (Anderson et Cunningham, 1972 ; Graby,
1982 ; Schaefer, 1997).
A l’instar du sexe, l’âge est une autre variable sociodémographique susceptible d’influencer
le comportement du consommateur par rapport aux produits étrangers. En effet, certaines
études ont montré qu’avec l’âge, les consommateurs étaient moins disposés à consommer des
produits provenant de l’étranger (Schooler, 1971 ; Bannister et Saunders, 1978 ; Graby,
1982 ; Johansson et al., 1985). On fait le lien avec le degré d’ethnocentrisme des répondants,
qui est supposé croître avec l’âge (Shimp et Sharma, 1987 ; McLain et Sternquist, 1991).
Le lieu de résidence est également un facteur modérateur de l’effet « pays d’origine ». Les
consommateurs qui vivent dans des pays différents peuvent développer des attitudes
différentes à l’égard des produits (Nagashima, 1970 ; Cattin et al., 1982 ; Han et Terpstra,
1988). De même, la littérature révèle que les voyages à l’étranger peuvent avoir un impact
sur les évaluations des produits provenant de ces pays : l’impact des voyages peut aller dans
les deux sens (positif ou négatif). Par exemple, Papadopoulos et Heslop (1986) ont déterminé
que les consommateurs canadiens ayant visité la Suède avaient des attitudes moins positives
envers ce pays et ses produits que ceux qui n’y sont jamais allés. Le même constat a été fait
pour le Japon. A l’inverse, les consommateurs ayant visité la Grande Bretagne accorderaient
une forte préférence pour les produits britanniques. Cette différence dans les perceptions des
consommateurs vis-à-vis du Japon et de la Suède comparativement à celles vis-à-vis de la
Grande-Bretagne et ses produits, s’explique probablement, selon les auteurs, par la différence
en termes d’image de ces trois pays avant de les visiter. Ainsi, en ce qui concerne la
Grande-Bretagne, l’image initiale auprès des consommateurs canadiens à propos de ce pays était
moins bonne par rapport à ce qu’elle est devenue au moment de leur séjour dans ce pays (les
consommateurs visitant ce pays étaient agréablement surpris). En revanche, les images
associées au Japon et à la Suède ainsi que les produits provenant de ces pays ont suivi
l’évolution inverse. Par ailleurs, Jaffé et Nebenzahl (2001) précisent que la question de la
durée du séjour dans les pays étrangers ou de la fréquence des voyages n’a pas été
suffisamment abordée dans les recherches.
Enfin, les deux autres variables sociodémographiques que nous aborderons ici concernent les
niveaux de revenu et d’études. Ainsi, il semblerait que plus les revenus du consommateur
sont élevés, plus les attitudes exprimées envers les produits étrangers sont positives (Wall et
al. (1991). Dans la même lignée, Wall et Heslop (1986) concluent qu’avec l’augmentation des
revenus, le consommateur est moins disposé à acheter des produits domestiques.
De même, l’effet du pays d’origine décroit avec l’augmentation du niveau d’éducation. Déjà
en 1971, Schooler avait remarqué que les répondants ayant fait des études évaluaient
beaucoup mieux les produits provenant d’Afrique, d’Europe de l’Est, d’Inde, d’Allemagne et
d’Europe de l’Ouest en général comparativement à ceux qui n’en ont pas fait. Précisons que
ces différences n’ont pas été trouvées pour les six autres pays d’origine des produits pris en
considération par l’auteur. Wall et Heslop (1986) ont également remarqué que les attitudes
envers les produits étrangers ou importés étaient plus positives chez les consommateurs ayant
un certain niveau d’éducation. Enfin, Morgansky et Lazarde (1987), dans leur étude sur le lien
entre la perception du point de vente et celle des origines nationales avec comme produits les
vêtements, sont parvenus à la même conclusion : le niveau d’éducation des consommateurs
influence favorablement les perceptions de qualité des produits, notamment des produits
étrangers (importés).
3.2 Facteurs modérateurs relatifs aux produits et lieu de vente
3.2.1 Influence modératrice de l’image des intermédiaires (point de vente,
distributeur)
Les consommateurs tendent à réduire le risque lors de l’achat d’un produit en effectuant leurs
achats dans un point de vente à image positive. Il s’avère ainsi que plus le point de vente est
prestigieux, moindre est l’effet du pays d’origine (d’Astous et Ahmed, 1992). Reierson (1967)
avait déjà montré que l’association à un distributeur prestigieux (Neiman-Marcus) influençait
positivement les attitudes envers les produits italiens
34.
Thorelli et al. (1989) se sont intéressés à l’impact de l’image du point de vente sur la qualité
perçue, l’attitude globale et l’intention d’achat des chaines hi-fi. Dans cette étude, réalisée
auprès des étudiants américains, les auteurs ont analysé deux origines différentes de produits :
le Japon et Taiwan. Au terme de l’étude, on a constaté que l’image du point de vente pouvait
réduire l’effet négatif d’un pays d’origine mais cela ne jouait que sur la qualité perçue du
produit. Aucun effet n’était signalé pour l’attitude globale ou l’intention d’achat. L’effet de
l’image du point de vente sur la qualité du produit a été confirmé par d’Astous et Ahmed
(1992). Par ailleurs, Chao (1989) a remarqué que la qualité et la crédibilité perçue des trois
produits électroniques fabriqués en Corée du Sud s’amélioraient significativement lorsque ces
produits étaient associés avec des points de vente prestigieux aux Etats-Unis.
3.2.2 Influence modératrice du niveau de garantie offerte
L’effet de la garantie offerte sur l’évaluation des produits a également été largement étudié.
Par exemple, Ahmed et d’Astous (1993) ont réalisé une étude au Canada en travaillant sur
trois catégories de produits : les voitures, les magnétoscopes et les t-shirts. Plusieurs pays de
fabrication ont été pris en considération tels que le Japon, la Corée, l’Inde, l’Italie et la Russie.
Leur modèle multi-attributs a inclus plusieurs variables explicatives dont la garantie
35. Il
ressort de l’étude que c’est la durée de la garantie qui influence le plus les évaluations des
produits : plus elle est élevée, plus son effet est important sur l’évaluation des produits. Les
auteurs ont également montré que l’effet de la garantie était plus important que le pays de
fabrication dans l’évaluation des magnétoscopes, contrairement à l’étude de Chao (1989).
34 Aucun effet n’a cependant été montré pour les produits japonais.
35 Les autres variables explicatives ont été le pays de fabrication, la marque, le prix, y compris le service après-vente et le remboursement.
Ainsi, la garantie diminue le risque lié à l’achat lorsque les produits sont délocalisés, ce qui
Dans le document
L'impact de la délocalisation du luxe sur les attitudes des consommateurs : le cas des maisons françaises de luxe
(Page 126-130)