• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE4: IDE, INVESTISSEMENTS DOMESTIQUES ET PAUVRETÉ EN AFRIQUE

1.1 L’investissement domestique en Afrique Subsaharienne

1.1.1.1 Le secteur agricole

L’agriculture occupe une place fondamentale dans les économies des pays africains. En 1960, la valeur ajoutée agricole dans la région d’Afrique Subsaharienne représentait 27% du PIB. Depuis, cette part a baissé progressivement atteignant le niveau de 18% au début des années 90 et 14% en 2003. Néanmoins, la part de la valeur ajoutée agricole dans l’économie demeure élevée par rapport au niveau mondial qui, en 2000, s’élevait à seulement 3,85% (annexe D, tableau D.3).

La contribution de l’agriculture dans les différentes économies africaines diffère selon la qualité des terres, la nature de la production (exportatrice ou de subsistance) et la structure productive des pays. Ainsi, en 2005, la valeur ajoutée agricole au Burundi, en Centrafrique, au Cameroun et au Rwanda représentait environ 40% du PIB ; alors qu’elle ne représentait que

85 Les investissements extractifs sont fondamentalement exogènes et les investissements dans les services sont principalement publics.

respectivement 2,4%, 5,91% et 7,55% des PIB du Botswana, du Congo et du Gabon86.

Au niveau de la demande de travail, l’agriculture africaine emploie une part importante de la population active. En effet, exception faite du Lesotho (9,7%), le secteur agricole emploie en moyenne 60% de la population active. Dans certains pays, l’agriculture emploie plus que 80% de la population active (Niger et Ethiopie).

Cependant, malgré sa prédominance, le secteur agricole des pays africains ne présente pas d’avantage comparatif décisif. La production agricole par tête est aujourd’hui beaucoup plus faible que celle des autres régions du monde. Cette situation s’explique, en partie, par la tendance décroissante de la productivité et la faiblesse des rendements. En effet, selon Berthelier et al. (2004), pendant les 20 dernières années, la productivité agricole en Afrique Subsaharienne a baissé de 12% contre une augmentation de 14% en Amérique Latine et de 50% en Asie. De même, les rendements céréaliers actuels en Afrique Subsaharienne sont en moyenne égaux à 1,23 tonne/ha soit environ la moitié des rendements en Amérique Latine (2,48) et en Asie (2,94).

Les faibles performances de l’agriculture africaine s’expliquent par de nombreux facteurs. La littérature économique, notamment les travaux de Collier et Gunning (1999), de Hugon (2006) et d’Easterly et Levine (1997), distingue entre les facteurs exogènes et les facteurs endogènes. L’analyse des facteurs exogènes montre que les faibles performances du secteur agricole africain sont dues aux conditions géographiques. Par ailleurs, l’étude des facteurs endogènes montre que les droits de propriétés, la vulnérabilité face au risque et des distorsions du commerce international constituent des contraintes substantielles au développement des investissements agricoles.

Caractéristiques Géographiques

Les considérations géographiques constituent une contrainte non négligeable au développement de l’agriculture. En effet, seulement 36% des terres peuvent être utilisées pour l’agriculture (24% en Afrique Centrale, 50% en Afrique de l’Est et 45% en Afrique de l’Ouest). La majorité du continent est semi-aride ce qui rend la production agricole intrinsèquement risquée. Un tiers des terres accessibles souffrent d’un manque de

86 L’analyse des données montre que l’ampleur de la contribution de l’agriculture à la production totale, ne provient pas de sa productivité ou de sa compétitivité mais plutôt de la faiblesse du secteur industriel.

pluviométrie. La moitié du reste est de qualité non satisfaisante. De plus, la pauvreté des sols a été aggravée par la détérioration de la pluviométrie87 que connaissent les régions d’Afrique de l’Ouest et du Centre depuis les années 60 et 70 (Paturel et al., 1998). L’aridité des terres a aiguisé la dispersion de la population de façon disproportionnelle. Cela a causé la faiblesse de ses taux de densité notamment au Botswana et en Mauritanie où ils sont seulement égaux à 3 h/km² et en Angola, en Somali et au Tchad où la densité de la population88 ne dépasse pas les 13 hab/km² (annexe D, tableau D.4).

La dispersion de la population africaine dépend largement des différences géo- climatiques. En particulier, la densité de la population est faible dans les terres semi- arides et arides (lowland) et elle est forte dans les terres avec un fort taux de pluviométrie (highland). Naturellement, la combinaison de la mauvaise qualité des terres, de la baisse de la pluviométrie et de la faiblesse de la densité de la population ne permet pas la concentration de la production et l’amélioration des productivités. Ceci contraint les ménages ruraux africains à une production de subsistance insuffisante pour constituer une échappatoire à la pauvreté.

Les systèmes de propriétés

Le système de propriété des terres en Afrique se base sur les institutions informelles (Berthelier et al., 2004 ; Collier, 1999). Ces dernières se constituent du village ou du groupe familial. L’appartenance à un groupe est basée sur le lien sanguin. Elle est donc non- élective ce qui résout le problème de la sélection adverse. La vie dans un groupe réduit le coût de l’information et réduit ainsi le hasard moral89. Elle crée une sorte d’assurance mutuelle. Par ailleurs, les institutions sociales traditionnelles en Afrique Subsaharienne ont toujours permis le partage des terres ainsi que leur transfert intergénérationnel par l’héritage. Elles ont plus de légitimité vis-à-vis des populations locales que les systèmes de propriétés officiels basés sur l’établissement de schémas titrés des terres (Collier et Gunning, 1999). Cependant, ces systèmes de propriété ne sont pas adaptés aux exigences d’une production agricole moderne. En effet, ils favorisent les cultures de subsistance et compliquent la communication entre les propriétaires et les institutions publiques ce qui rend difficile la mise en place des politiques

87 La déforestation de plusieurs régions notamment du Golf de Guinée est présentée par les scientifiques comme un des facteurs aggravant de la sécheresse.

88 A titre de comparaison les densités des populations de la Chine et de l’Inde sont égales respectivement à 137 hab/km² et 341 hab/km².

89 Le hasard moral affecte toutes les situations dans lesquelles un individu (l’agent) intervient au nom d’un autre (le principal) et peut ne pas agir dans les meilleurs intérêts du principal.

Vulnérabilité et diversification

Les petits agriculteurs africains évoluent dans des conditions extrêmes de vulnérabilité. En effet, sous des conditions sévères d’aridité, les populations choisissent souvent de produire en autarcie pour des fins de subsistance. Ainsi, selon Collier et Gunning (1999), les fermiers en Afrique sont ceux qui courent le plus de risque au monde. A titre d’exemple, la probabilité d’une faillite totale de la culture agricole dans certaines terres d’Ethiopie, du Zimbabwe ou de Tanzanie avoisine les 10%. La combinaison du risque moral et de l’isolation géographique excluent la possibilité d’une quelconque assurance financière formelle. En effet, les marchés du crédit sont extrêmement averses à ce genre de risque d’autant plus que la valeur de la terre est insuffisante pour constituer une hypothèque viable90.

Les ménages sont donc obligés de se protéger eux-mêmes d’une façon ex ante en diversifiant la production et d’une façon ex post en lissant la consommation. Cependant en diversifiant leurs cultures les ménages perdent les gains d’une spécialisation de nature à étaler le risque sur plusieurs activités et à favoriser les économies d’échelles91. Les ménages africains ont donc des activités économiques hautement diversifiées, plusieurs d’entre elles sont non agricoles92. La réduction de la vulnérabilité par la diversification engendre des coûts importants et un manque à gagner significatif et ce de façon statique et dynamique: Statique, puisque les ménages s’engagent dans des activités à faible productivité et à faible rentabilité ; Dynamique puisque la diversification réduit l’effet de l’apprentissage.

Exportations à faible valeur ajoutée

Les exportations agricoles des pays africains sont concentrées sur un faible nombre de produits souvent à faible valeur ajoutée et fortement volatile ce qui affecte négativement les termes de l’échanges. Ainsi, selon l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et

90 Selon Hugon (2006), la valeur de la terre est très faible en raison de la faible productivité agricole et de la forte vulnérabilité des bétails aux épidémies et aux vols.

91 Les conditions climatiques influent sur le degré de diversification des cultures : il paraît que dans les zones à forêts humides et où il y a un taux de pluviométrie élevé, la production agricole est hautement spécialisée. Nous y trouvons seulement une ou deux cultures différentes. Par contre, dans les zones sahéliennes en Afrique de l’Ouest caractérisé par une aridité élevé la production agricole est très diversifiée

92 Selon Cleave (1974) les agriculteurs africains passent beaucoup moins de temps au travail agricole que les ménages asiatiques dont les terres sont très bien irriguées

l'agriculture (FAO), les principales productions agricoles africaines concernent: Le Coton

(5,63% de la production mondiale) avec une production concentrée en Afrique de l’Ouest spécialement au Mali et au Burkina Faso ; le cacao avec une production concentrée au Ghana et en Côte d’Ivoire ; les Arachides en Gambie, au Sénégal et au Tchad ; et le Manioc (53% de la production mondiale) dont la production est concentrée en Centrafrique, en Angola, au Congo et au Congo Démocratique. Le prix de ces produits, lorsqu’ils sont exportables93, dépend énormément du marché mondial ce qui implique une forte volatilité qui se manifeste sur les termes de l’échange des pays de la région. Il faut noter aussi que les exportations agricoles africaines sont limitées par les faibles capacités de stockage, le sous développement des systèmes de transports internes et la longueur des distances entre les centres de productions et les centres de consommation (annexe D, tableau D.5).

En conclusion, le secteur agricole des pays d’Afrique Subsaharienne souffre de plusieurs contraintes exogènes et endogènes spécifiques à la sous-région. Ces contraintes ont eu pour conséquence la faiblesse de la productivité du secteur. Par la suite, l’agriculture subsaharienne n’a pas permis le développement d’une épargne suffisamment importante pour financer le développement d’autres secteurs notamment manufacturier.

1.1.1.2 : Le secteur manufacturier

En 2005, l’investissement manufacturier représentait, en moyenne, seulement 10% du PIB d’Afrique Subsaharienne avec de très fortes disparités. Ainsi, au Swaziland, à l’Ile Maurice, au Cameroun et en Côte d’Ivoire il représente respectivement en pourcentage du PIB 37%, 20%, 19% et 17%. Dans ces pays, le secteur manufacturier se concentre dans l’industrie agroalimentaire ; du textile et habillement ; et de la transformation primaire (bois et produits miniers). D’autres pays malgré leur richesse en ressources naturelles, n’ont pas un tissu manufacturier important. Ainsi, le secteur ne représente que 3,7% du PIB du Nigéria et 3,72% du PIB de l’Angola.

Bien que les coûts directs ne soient pas très élevés, le secteur manufacturier africain n’est pas attractif. Une simple comparaison entre les coûts du travail dans l’industrie du vêtement en Chine et dans certains pays africains montre que le secteur manufacturier en Afrique

93 Exception faite de quelques produits (coton, maïs, cacao, bananes...), les productions agricoles africaines concernent des aliments de base spécifiques à la région dont la demande extérieure est très faible.

Subsaharienne souffre de contraintes autres que les coûts (tableau 4.1). En effet, le salaire mensuel maximal d’un ouvrier semi-qualifié en Mozambique est égal à 50 dollars ; au Madagascar et au Kenya, il est égal à 65 dollars contre plus que le double en Chine (150 dollars). Même si cette différence favorise l’investissement intensif en travail dans les pays africains, l’attractivité de ces pays demeure dérisoire. Certes, la productivité des ouvriers chinois est 1,5 fois plus forte que celle d’un ouvrier kenyan ou malgache mais cela ne compense pas totalement la différence des salaires et n’est donc pas suffisant pour expliquer le manque d’attractivité de l’industrie africaine. Cette dernière souffre d’autres contraintes structurelles amplifiant les coûts de production. A ce titre, les disfonctionnements des plans d’ajustement structurel, la rigidité du marché financier, le coût de l’information et le manque d’infrastructure constituent les plus grands obstacles à l’investissement manufacturier.

Tableau 5.8 : Productivité et coût du travail dans l’industrie du vêtement

Production de T-shirt par jour par employé

Salaire mensuel d’un ouvrier semi-qualifié (dollars) Coût du travail par T-shirt (dollars) Madagascar 14-15 55-65 0,16 Kenya 12-15 60-65 0,18 Ghana 12 30-45 0,12 Mozambique 10-11 40-50 0,16 Lesotho 18 82-95 0,19 Afrique du Sud 15 255 0,65 Inde 16 70-75 0,17 Chine 18-22 150 0,29

Source : Cadot et Nasir (2001)

Décolonisation et Plans d’Ajustement Structurel (PAS)

Après la décolonisation, les gouvernements africains ont commis des erreurs de politiques économiques qui ont conduit à l’affaiblissement du secteur manufacturier. En effet, la majorité des pays avait adopté la stratégie d’import- substitution. Cette politique, même si elle favorisait l’industrialisation, a abouti au développement d’un ensemble d’industries inefficientes. Ces politiques décourageaient les exportations ce qui a amplifié, lors de la chute des prix des matières premières (fin des années 70), la dégradation des termes de l’échange et alourdit le poids de l’endettement. Afin de remédier à cette situation, plusieurs pays africains, sous pression des institutions financières internationales, ont adopté les Plans d’Ajustement

Structurels (PAS).

Ainsi, les réglementations favorables à l’import- substitution, ont été démantelées et remplacées par d’autres qui favorisaient le commerce international. Cependant, les PAS ont eu l’effet inverse. En effet, l’industrie manufacturière des pays qui ont adopté n’a pas résisté à l’ouverture aux échanges. En 1980, 14 pays africains avaient une production manufacturière par habitant égale sinon supérieure à celle de la Malaisie. En 1995, aucun d’entre eux ne rivalise avec la Malaisie (Soludo, 1998). De même, l’emploi dans le secteur manufacturier a considérablement baissé sans être compensé par une hausse de la productivité du travail. Bien au contraire, celle-ci a baissé dans 4 pays africains (Ghana, Cameroun, Kenya et le Zimbabwe). Paradoxalement, au Ghana, pays qualifiée comme modèle en PAS, l’emploi dans le secteur manufacturier a baissé de 78.700 en 1987 à 28.000 en 1993 (Collier et Gunning, 1999). En effet, les secteurs tels que l’habillement, les jouets et les chaussures n’ont pas résisté à la concurrence étrangère. Seuls les secteurs miniers ont survécu à cette vague. La faiblesse des investissements locaux n’a pas été compensée par les processus de privatisations et les flux d’IDE étaient aussi en deçà des attentes.

Rigidité du Marché financier

Les marchés financiers des pays africains sont caractérisés par une administration publique des taux d’intérêt les maintenant à des niveaux très faibles (Rama, 2001). La rigidité du taux d’intérêt et le rationnement financier conduisent à une situation d’offre de crédit limitée. La rigidité du système financier et sa faible tendance au changement ont poussé les firmes à s’y adapter ou plutôt à s’en affranchir pour rechercher d’autres sources de financement. Ainsi, au Zimbabwe, seuls 2% des investissements totaux sont financés par des crédits bancaires, au Kenya ce taux est de 15% (Collier et Gunning, 1999).

Par ailleurs, les pratiques de prêts se concentrent sur la minimisation des risques et utilisent comme indice de solvabilité, la facilité d’accès aux devises internationales donnée par la banque centrale aux entreprises. Les banques étant nationales, la plus grande part de leurs actifs sont prêtés à l’Etat et représentent donc une source de financement étatique extrabudgétaire. En Tanzanie, vers la fin des années 80, la banque étatique (monopole) a prêté plus de 60% de son portefeuille à une seule firme étatique agricole afin de lui couvrir ses pertes. De même, Collier et Gunning (1999) trouvent que pendant les années 90, la majorité

des prêts de la Banque Commerciale de l’Ouganda, étaient adressés aux personnels de la même banque.

Coût de l’information

Les frictions informationnelles dans les pays d’Afrique Subsaharienne créent des coûts d’investissements et d’opportunité très élevés. Elles subsistent notamment dans le marché du crédit aussi bien pour les emprunteurs que les prêteurs. D’une part, les entreprises privées ne disposent pas des informations nécessaires sur l’accès au crédit et les modalités de financement externes. D’autre part, les banques subissent un coût d’accès à l’information des entreprises anormalement élevé : inexistence de presse financière, absence d’audit et de comptabilité fiable (corruption élevée) et inexistence d’agences de notation.

Le secteur manufacturier est obligé de se tourner vers les groupes ethniques et familiaux comme réseau d’information. Cependant, la faible concentration des groupes ethniques dans les zones urbaines, c’est-à dire dans les lieux d’implantation des entreprises manufacturières, rend l’information incomplète, inaccessible ou encore complètement inexistantes. Dans certains cas les entreprises étrangères sont mieux informées que les entreprises locales. Selon Easterly et Levine (1997), au Kenya, les firmes asiatiques ont un avantage par rapport aux firmes locales. En effet, celles-ci comptent sur les « rounds de discussion » avec l’administration publique ce qui leur confère une information assez importante. Ceci leur facilite notamment l’accès au crédit et au marché. Ainsi, 80% des firmes asiatiques installées au Kenya peuvent réduire les risques en les partageant avec des systèmes étatiques contre 33% seulement des firmes africaines.

Le manque d’infrastructure

Globalement, l’infrastructure des pays africains souffre de deux maux : l’insuffisance et l’inefficience. L’insuffisance concerne les services fournis à titre de biens publics tels que l’électricité, les routes et les communications. Dans ce cas, seules les grandes firmes peuvent subsister puisqu’elles sont capables de remédier à ces insuffisances. A titre d’exemple, la faiblesse de l’offre d’électricité oblige 78% des firmes nigérianes à compter sur leurs générateurs privés (Rama, 2001). Ceci représente un coût élevé surtout pour les

petites entreprises où il peut être estimé à environ un-quart de la valeur des équipements.

Les infrastructures des pays africains sont aussi caractérisées par l’inefficience. Cette dernière résulte des mauvaises orientations politiques et d’allocation injuste entre les ethnies. En effet, la forte fragmentation ethnique a joué en défaveur d’une répartition juste des infrastructures. Les modèles d’économie politique suggèrent que les sociétés polarisées ont plus de difficulté à créer des politiques de développement fiables permettant d’offrir des biens publics de bonnes qualités comme les infrastructures et l’éducation (Alesina et Tabellini, 1989 ; Alesina et Rodrik, 1994). Or, la forte fragmentation ethnique favorise la polarisation de la société et constitue un des maux les plus spécifiques à l’Afrique94. La forte fragmentation ethnique peut avoir plusieurs effets tels que le risque de discrimination officielle vis-à-vis des minorités, la violence contre les groupes minoritaires et la multiplication des groupes séparatistes (Rodrik, 1999).

La description du secteur manufacturier dans les pays d’Afrique Subsaharienne montre à quel point, tout comme l’agriculture, ce secteur souffre de nombreuses insuffisances et contraintes. Pendant plusieurs années, les Etats africains ont faillit à l’amélioration de la productivité des ces deux secteurs et ont peiné à la construction d’une économie moderne et réglementée par les administrations publiques. En résultat, et en réponse à une demande intérieure importante, les investissements domestiques ont pris la forme d’entreprises informelles aussi bien manufacturières qu’agricoles ou de services. A ce titre, il est indispensable de comprendre le rôle joué par l’économie informelle dans les investissements domestiques et dans la réduction de la pauvreté.

1.1.1.3 : L’économie Informelle

La prédominance de l’économie informelle95 est une caractéristique des pays d’Afrique Subsaharienne. Les études sur la croissance économique ainsi que celles sur la pauvreté et

94Au Kenya, il existe plus de 40 groupes ethniques. Les Kikuyu ont combattu pour l’indépendance et ont réussi à l’obtenir. Ils ont dominé le pays jusqu’en 1978 où le président Moi du groupe Kalenjin pris le pouvoir. Après l’accès de Moi au pouvoir, les investissements en route dans la région de Kenyatta (ancien président) ont chuté de 44% entre 79 et 80 à 16% entre 87 et 88, alors que ces mêmes investissements ont augmenté de 32% à 57% dans la région du président Moi. De même, la part des dépenses de santé entre 87 et 88 allant à la région de Kenyatta était de 18% contre 49% dans la région de Moi (exemple tiré d’Easterly et Levine, 1997).

95 L’Organisation Internationale du Travail (OIT) suggère l’utilisation du terme « économie informelle » à la place du terme « secteur informel ». Cela s’explique par le fait que l’informalité peut correspondre à la production dans des secteurs différents : agricole, manufacturier ou dans les services aux ménages.

le développement ne peuvent être complètes et exhaustives sans prise en compte de ce phénomène aussi bien social qu’économique. Cependant, les termes « secteur informel », « économie informelle », « marché noir » ou encore « économie sous- terraine » renvoient à plusieurs activités souvent différentes en termes de moyens de production, de taille, de compétences et de légalité, ce qui rend difficile la définition et la mesure de l’économie