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Le secretome 119

Dans le document en fr (Page 120-132)

Ce chapitre s’appuie essentiellement sur la revue publiée en 2008 par notre équipe dans la revue de médecine interne [239].

1.

Définitions

La sécrétomique est la science permettant l’étude globale des protéines sécrétées (secretome) par une cellule, un tissu ou un organisme à un instant donné et sous certaines conditions. De façon plus cadrée, le secretome est défini comme le sous-protéome correspondant à l’ensemble des protéines retrouvées dans le milieu conditionné de cellules en culture [240].

Ce terme a été employé pour la première fois en 2000 par Tjalsma et son équipe lors d’une étude des protéines sécrétées par la bactérie Bacillus Subtilis [241], puis repris par la suite dans des études sur les cellules eucaryotes [240, 242].

Ces protéines sont des molécules actives, impliquées dans de nombreux processus physiologiques, et indispensables à la communication des cellules avec leur environnement. Certaines sont des hormones également utilisées comme agents thérapeutiques, comme par exemple l’insuline. Le secretome reflète aussi l’état fonctionnel d’une cellule dans des circonstances données. En effet, une cellule peut sécréter des protéines différentes (ou en proportions différentes) en fonction des stimuli et des messages qu’elle reçoit. Par exemple, les lymphocytes B sécrètent une grande variété d’immunoglobulines (IgM, IgG, IgA) dépendant de l’antigène ou des stimuli extérieurs [243]. Les protéines sécrétées jouent donc un rôle crucial dans de nombreux processus physiologiques et pathologiques et cela en fait une source potentielle idéale pour la recherche de cibles thérapeutiques ou de candidats bio marqueurs de nombreuses maladies tels que les cancers. Chez les organismes supérieurs, la sécrétion des protéines est un processus relativement complexe et extrêmement contrôlé faisant intervenir différentes voies.

2.

Les différentes voies de sécrétion

Les protéines sont sécrétées par la cellule selon 3 grandes voies : (Figure 60) [240]. • la voie de sécrétion classique

• la voie de sécrétion non-classique • le relargage par des exosomes

Golgi Endoplasmic Reticulum Plasma membrane transporter Flip flop Classical Secretion Pathway Non-Classical Secretion pathway Exosomes Endosomal recycling Membrane protein proteolysis

Figure 60 : Les différentes voies de sécrétion de protéines par la cellule. D’après Chenau et al. Revue de Médecine Interne, 2008 [239].

Les protéines sécrétées par la voie classique possèdent un peptide signal à leur extrémité N-terminale de 15 à 30 acides aminés les ciblant comme devant être sécrétées. Ce peptide signal dirige la protéine à travers le réticulum endoplasmique, puis il est clivé. La protéine mature est alors transportée à travers l’appareil de Golgi, puis jusqu’à la membrane plasmique dans des vésicules. Ces dernières fusionnent avec la membrane et permettent ainsi le relargage par exocytose des protéines sous forme soluble dans le milieu extracellulaire.

Les protéines sécrétées selon la voie non-classique ne possèdent pas de peptide signal et sont ainsi sécrétées par différents mécanismes ne faisant intervenir ni le réticulum, ni l'appareil de Golgi. Des protéines peuvent être sécrétées par l’intermédiaire de transporteurs membranaires (ex : FGF-1 et -2), par le recyclage de vésicules endosomales préexistantes suivie d’une exocytose classique (ex : IL-1 bêta, HMGB1), ou par un mécanisme de flip-flop c'est-à-dire une translocation de protéines de la couche interne de la membrane plasmique à la couche externe (ex : HASPB) [244].

La troisième voie de sécrétion correspond au relargage de protéines contenues dans des exosomes. Cette voie des exosomes correspond à l’exocytose de vésicules membranaires qui contiennent des protéines exprimées de façon ubiquitaire telles que des enzymes du métabolisme, des protéines du cytosquelette ou des protéines chaperones [245].

3.

Les méthodes d’analyse du secretome 3.1. Analyse indirecte in silico

La bioinformatique, grâce à la comparaison de séquences et la recherche de la présence du peptide signal, permet de prédire les protéines potentiellement sécrétées par les cellules. Les logiciels SignalP [246] et SecretomeP [247, 248] permettent de rechercher respectivement les protéines sécrétées selon les voies classiques (via la recherche de la présence du peptide signal) et non-classiques. Il n’existe actuellement aucun moyen de prédire les protéines sécrétées par la voie des exosomes.

D’autres approches reposant sur la comparaison de séquences à des séquences références de protéines connues comme sécrétées sont aussi utilisées grâce à des logiciels d’alignement comme BLAST (Basic Local Alignment Search Tool) [249]. Klee et al. ont ainsi reconstitué le secretome prédictif humain, porcin et du poisson Fugu en associant l'analyse BLAST et l'identification des peptides signaux [250].

Ces analyses prédictives permettent de générer rapidement une liste de protéines potentiellement sécrétées par un tissu ou par un organisme. Néanmoins, ces données ne restent que prédictives et peuvent contenir un taux important de faux-positifs ou faux-négatifs.

3.2. Analyse directe par protéomique

Le secretome, de par sa nature, représente une source d’échantillon idéale pour être analysé en protéomique. C’est un sous-protéome, donc une fraction des protéines de la cellule bien moins complexe qu’un lysat cellulaire total. De plus, les protéines sécrétées sont, par définition, solubles, évitant ainsi les risques de précipitation souvent rencontrés avec d’autres types d’échantillons (protéines membranaires, nucléaires,…). Ces études protéomiques nécessitent néanmoins des adaptations. Les cellules doivent être cultivées en milieu conditionné en absence de sérum de veau fœtal afin de ne pas contaminer les protéines sécrétées par des protéines sériques. La préparation de l’échantillon protéique est aussi une étape cruciale. Les protéines doivent, par exemple, être généralement concentrées avant de pouvoir être étudiées.

Tout le panel des techniques protéomiques peut être utilisé pour l’analyse du secretome, que ce soient les approches de types PMF ou shotguns. Un grand intérêt est également porté sur l’analyse différentielle des secretomes, de nombreux processus pathologiques étant connus pour modifier la sécrétion de protéines. Ainsi, des études différentielles utilisant des approches DIGE [240], SILAC [251], ICAT [252] ou iTRAQ [253] ont récemment été utilisées avec succès.

4.

Intérêts du secretome

L’étude du secretome permet de mieux comprendre les processus moléculaires impliqués dans certains états pathologiques. Au niveau des tumeurs, une cellule tumorale présente des modifications de son activité et de son métabolisme, responsables d’une variation de la sécrétion de certaines protéines. Ces variations induisent des changements d’interactions des cellules tumorales avec leur microenvironnement par l’activation de certains processus de tumorogenèse tels que l’invasion / métastase, la néo-angiogenèse ou la survie cellulaire [191]. L’analyse du secretome peut ainsi permettre de mieux appréhender de tels processus et ainsi donner des pistes en vue de la découverte de nouvelles cibles thérapeutiques.

La recherche de nouveaux bio-marqueurs sériques de maladies reste un challenge primordial. Cependant la découverte de telles molécules directement dans le sérum est très difficile de part la nature très complexe de ce fluide (estimée à environ 10000 protéines) et la très large gamme dynamique de concentrations des protéines (du mg/mL pour l’albumine au pg/mL pour les interleukines) [254]. En conséquence, l’analyse du secretome représente une alternative séduisante, les protéines sécrétées par une cellule ou un tissu étant généralement retrouvées dans le sang. Les tumeurs de la prostate sécrètent par exemple en abondance la protéine PSA (Prostate Specific Antigen ou Kallikrein-3). Les différences d’expression de cette protéine sont détectées dans le sérum et utilisées comme critère pour le diagnostic de ce cancer [255]. L’analyse différentielle de l’ensemble des protéines sécrétées par des tissus sains versus pathologiques, grâce aux techniques précédemment citées, représente donc une approche puissante pour la découverte de nouveaux candidats bio marqueurs pour le diagnostic précoce de pathologies [256].

Cependant, à ce jour, les différentes études ont été menées in vitro sur des systèmes de cultures cellulaires assez éloignés des conditions physiologiques réelles. Cela soulève la question de savoir si ces protéines sont réellement sécrétées in vivo. Peu d’études in vivo du secretome ont été conduites [257] de part la difficulté à extraire et préparer un tel échantillon.

OBJECTIFS DU TRAVAIL

OBJECTIFS DU TRAVAIL ET CHOIX METHODOLOGIQUES 

Les interactions entre les cellules tumorales et leur environnement jouent un rôle majeur dans le développement de la tumeur, son maintien, sa progression, l’invasion et la néo-angiogenèse. Ces évènements nécessitent une modification de la communication intercellulaire initiée notamment par une modulation des protéines libérées par les cellules tumorales [142]. Une meilleure connaissance de ces facteurs est indispensable car ils représentent des cibles thérapeutiques et diagnostiques potentielles. Nous nous sommes plus particulièrement intéressés au cancer du poumon. Celui-ci est un véritable problème de santé publique et la première cause de mortalité due à un cancer dans le monde. La protéine p53 est un « suppresseur de tumeur » majeur très fréquemment muté dans les cancers. Le cancer du poumon présente la plus grande fréquence de mutation (TP53 muté dans 50 à 70 % des cas) [143, 144]. Le rôle clé de p53 dans la défense anti- tumorale, couplé à sa fonction de facteur de transcription font de sa mutation une modification majeure pour la cellule, entraînant une dérégulation directe et indirecte de l'expression d'un grand nombre de protéines. Certaines de ces protéines sont libérées dans le milieu extracellulaire et leur modulation contribue au changement d'interaction des cellules tumorales avec leur environnement. Paradoxalement, cette influence de p53 a été relativement peu étudiée.

Dans ce travail, nous nous proposons d'étudier l'influence de p53 sur la libération de protéines par des cellules du cancer du poumon. Cette étude est faite sans à priori quant à la découverte des cibles protéiques d'intérêt. Un procédé d'analyse protéomique différentielle robuste et adéquat a donc été établi et validé. Dans un second temps, ces protéines sont recherchées dans un modèle in

vivo pour évaluer l’utilisation du secretome comme source potentielle de marqueurs tumoraux.

Dans la première partie de ce travail, nous avons étudié une technologie innovante de fractionnement, l’isoélectrofocalisation en solution OFFGEL, dans le but de valider son utilisation pour l’analyse des peptides trypsiques d'échantillons complexes (secretome et plasma humain). Sa compatibilité avec la méthode de marquage iTRAQ a également été observée.

Dans la seconde partie, nous avons mis en place un procédé d’analyse protéomique permettant d’étudier l’influence de p53 sur la libération de protéines par la lignée H358 (adénocarcinome de cancer du poumon non à petites cellules). L’expression conditionnelle de p53 sauvage donne des secretomes différents qui sont comparés par analyse différentielle iTRAQ. Les résultats obtenus

in vitro sont confrontés à un modèle in vivo de xénogreffe tumorale chez la souris. Ce modèle

La dernière partie de ce travail est une étude préliminaire visant à évaluer l’intérêt des modèles « secretome » dans la recherche de bio-marqueurs potentiels. Dans ce but, un faible panel de prélèvements de patients a été analysé.

Première partie :

Développement et validation de la technologie OFFGEL

pour la séparation de mélanges peptidiques complexes et

RESULTATS 

CHAPITRE 1 : Développement et validation de la technologie OFFGEL 

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