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3. CADRE THEORIQUE

3.8. Secret Médical

La prise en charge d’un adolescent est complexe dûe à la spécificité de ce dernier. En effet, il est nécessaire de tenir compte de sa place sans omettre celle des parents et également tenir compte de sa posture jeune adulte tout en tenant compte de ses limites. L’article suivant explique pertinemment la complexité du secret médical et la prise en charge d’un adolescent. Toutefois, il décrit uniquement le rôle du médecin, notons qu’il y a de grandes similitudes avec l’activité d’une infirmière scolaire, c’est pour cela que nous l’utiliserons quand même tout en tenant compte de nos expériences personnelles.

D’après Caflisch & Chappuis-Bretton (2003) ;

La consultation avec un adolescent a sa spécificité, à savoir une situation de triangulation entre l'adolescent, ses parents et le médecin. Durant l'enfance la consultation médicale se fait toujours en présence des parents, puis elle va progressivement évoluer vers une prise en charge individuelle avec un jeune adulte seul. […].

Chaque consultation médicale se base sur une garantie de confidentialité entre médecin et patient. Par conséquent, au moins une partie de la consultation doit se faire en tête-à-tête avec l'adolescent ; la durée dépendra de l'âge du patient, de sa maturité affective et cognitive.

Cependant lors des entretiens que nous avons effectué nous avons observé qu’il est extrêmement difficile pour certains parents de laisser leur enfant entre les mains d’un professionnel de la santé sans pouvoir être présent. Les parents veulent être impliqués et exigent parfois d’être présents. Le rôle du soignant se doit alors de pouvoir poser un cadre dès le début et expliquer de manière adéquate les motifs qui le pousse à s’entretenir uniquement avec l’adolescent. Bien sûr il faut tenir compte que pour certains jeunes il n’est pas évident de se retrouver confronté avec un adulte inconnu.

Dans un premier temps Il est important pour le soignant de pouvoir s’entretenir avec le jeune seul à seul puis dans un deuxième temps d’inclure les parents. Ces derniers peuvent aussi apporter des renseignements notamment sur les antécédents personnels et familiaux. Finalement des moments de consultations conjointes avec les parents et les enfants peuvent permettre au soignant d’observer la dynamique familiale.

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Confidentialité et secret médical

Dans toute prise en charge d'adolescents une réflexion autour du secret médical s'impose. La question de la confidentialité nécessite d'être abordée ouvertement en début de consultation. Il faut clarifier quelle sera la transmission d'informations aux parents en rendant le jeune attentif au fait qu'il peut, à tout moment, révoquer un accord préalable. Les soignants pourront garantir au jeune la notion d'un secret médical limité, qui implique le maintien de la confidentialité à condition qu'il n'y ait pas de risque majeur d'un danger pour lui-même ou pour autrui. Cette restriction autour du secret médical peut se comprendre, lorsqu'on craint des révélations de violences subies ou de risque de passages à l'acte (par exemple suicidaire). (Caflisch et Bretton, 2003).

La réflexion autour du secret médical peut être élargie à une réflexion autour de la transmission d'informations et au secret médical partagé dans le réseau de soins, car toute prise en charge d'adolescents nous oblige à avoir une vue d'ensemble plus large impliquant non seulement des liens de soins entre patient, médecin et famille, mais également avec le monde socio-éducatif (école, cadre professionnel, foyers éducatifs) et parfois même socio-judiciaire (services de protection des mineurs, tribunaux). (Caflisch et Bretton, 2003).

Droits des adolescents, droits des parents

Chez la personne mineure, selon le cadre légal suisse, l'attribution du droit à la confidentialité tout comme le droit de décider seul d'un traitement médical est subordonnée à la capacité de discernement. Cette capacité est considérée comme acquise dès lors que l'adolescent a atteint une maturité affective et cognitive suffisante pour comprendre les enjeux d'une mesure médicale. Cette capacité de discernement doit être évaluée pour chaque situation.

Sur le plan physique, il peut y avoir des différences dans l’âge de la puberté mais cette dernière n’a pas une influence déterminante sur la capacité de discernement. La maturation cognitive ne dépend pas de la seule provenance culturelle mais d’une foule de facteurs liés à la génétique, à l’histoire personnelle et à l’environnement. (Caflisch et Bretton, 2003).

Dans le Code civile Suisse, nous trouvons la loi concernant la capacité de discernement; article 19 :

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En Suisse, on considère qu'en dessous de 12 ans un jeune n'a pas la capacité de discernement, qu'entre 12 et 16 ans la capacité de discernement doit être évaluée au cas par cas, et qu'au-delà de 16 ans elle peut être admise pour des décisions sans gravité. Selon Meynard, Narring, Navarro & Haller (2008) :

Si l’on sait que les adolescents ne consultent pas volontiers, veulent souvent une réponse rapide et éviter d’attendre, qu’ils ne font pas forcément confiance aux soignants, on sait également que la possibilité d’avoir accès à des soins confidentiels favorise la création d’une alliance avec le jeune et des soins efficaces. Les jeunes sont également très sensibles au fait d’être entendus et respectés, pris au sérieux. Il ne faut pas non plus oublier qu’ils sont dans une période de développement dans laquelle ils cherchent à s’autonomiser en s’attachant à trouver des solutions par eux-mêmes. Ceci est parfois interprété à tort comme un refus de soins ou un manque de collaboration.

Pour conclure, le secret médical est un dilemme juridique complexe car l’adolescent ayant les capacités de discernement a un droit à la confidentialité et à l’autodétermination mais les parents ont aussi un droit à l’information quant à la santé de leur enfant mineur. En d'autres termes, d'un point de vue éthique, les réflexions suscitées peuvent être transcrites dans une forme de dilemme entre autonomie (pour le jeune adulte) et bienfaisance (pour les parents et les soignants).

Les aspects légaux ne servent que de ligne directrice à l’activité médicale. Au centre doivent rester, le bien-être somatique et psychique du patient. Dans une zone grise de la jurisprudence concernant le droit des patients adolescents, trouver la balance entre les intérêts du jeune patient, le respect de l’opinion des parents et les aspects légaux est un défi. (Rutishauser & Schlaepfer, 2006).

Ce dilemme est propre au stade de développement de l’adolescent car le jeune adulte est poussé à établir de nouvelles distances affectives, en écartant ses parents et à cheminer

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vers l’autonomie afin d’atteindre l’indépendance et la liberté. Il n’est pas évident pour lui de trouver un juste équilibre entre ses désirs d’indépendances et sa loyauté auprès de ses parents qui le rassure. Ce carrefour entre l’enfance et l’âge adulte met bien en évidence l’ambivalence relationnelle due aux modifications de la dynamique familiale. D’où la difficulté pour les soignants de créer un lien avec une distance relationnelle adéquate avec le jeune adulte pour éviter un surinvestissement ou au contraire une rupture de relation. Ainsi, la création d’une alliance thérapeutique est nécessaire pour que l’adolescent fasse confiance aux soignants pour que ces derniers puissent répondre spécifiquement à leurs besoins.

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