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Hypothèses et objectifs

L’analyse de la revue de littérature résumée dans les chapitres précédents, indique que l’exercice physique aigu entraîne une amélioration de la performance cognitive de faible magnitude. Cet effet est modulé par le moment de passation et la nature de la tâche cognitive, les caractéristiques de l’exercice physique ainsi que celles des sujets. Néanmoins, la littérature actuelle fait état d’un consensus selon lequel l’exercice d’intensité modérée et de durée limitée (< 60 minutes) entraîne un effet positif dans le plus grand nombre de conditions expérimentales. Selon notre hypothèse, cet effet est principalement médié une augmentation du niveau d’éveil, en réponse à une augmentation de la libération de catécholamines cérébrales.

Par ailleurs, il a été montré que certaines supplémentations nutritionnelles ont le potentiel d’améliorer la performance physique en modifiant le fonctionnement cérébral, mais aussi de retarder l’apparition d’une fatigue centrale en modifiant la synthèse de neurotransmetteurs. A ce titre, le questionnement inhérent à ce travail de thèse a été de savoir si l’utilisation de supplémentations nutritionnelles pouvait potentialiser les effets bénéfiques de l’exercice sur le fonctionnement cognitif.

Les effets des stratégies nutritionnelles sur les aspects cognitifs au cours de l’exercice ont surtout été étudiés à partir de l’évaluation de la perception de l’effort (RPE) (Borg 1982), où il a été montré que l’ingestion de certaines supplémentations nutritionnelles diminuait le RPE. A ce jour, l’efficacité de l’apport de différents suppléments sur le traitement de l’information sensorimotrice et le contrôle de

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l’interférence, dans un contexte exigeant à la fois en termes de sollicitation physique et de charge cognitive, reste peu explorée.

Nous émettons l’hypothèse que l’utilisation de supplémentations nutritionnelles au cours d’un exercice modéré peut améliorer le traitement de l’information sensorimotrice. Concernant le contrôle de l’interférence, notre conjecture est plus modérée puisque les résultats de la littérature restent à ce jour peu éloquents. Il semblerait que ce type de contrôle soit relativement robustes à l’effet de l’exercice (Davranche, Brisswalter, et Radel 2015; Schmit et al. 2015; Tempest et al. 2017). Une étude ayant investigué l’effet de l’ingestion de 100 mg de caféine au repos sur le contrôle cognitif (mémoire de travail) et sur l’activation cérébrale à travers l’utilisation de l’IRMf, suggère que la caféine modulerait l’activité neuronale de plusieurs zones cérébrales impliquées dans le contrôle cognitif et notamment le CCA (Koppelstaetter et al. 2008). Néanmoins, les résultats concernant l’effet de l’ingestion de caféine au repos restent divergents entre l’ étude qui indique un amélioration du contrôle de l’interférence (Brunyé et al. 2010) et celle qui n’en trouve pas (Tieges et al. 2009). Dans ce cadre, nous souhaiterions investiguer l’effet d’interaction entre la nutrition, l’exercice et le contrôle de l’interférence, domaine qui a été très peu étudié dans le champ de la recherche sportive. Le contrôle de l’interférence nous paraît prépondérant puisque, dans de nombreuses disciplines, la performance du sportif est directement reliée à sa capacité à sélectionner les informations les plus importantes, ou à inhiber les réponses qui résulteraient de la prise en compte d’informations inappropriées.

Par ailleurs, le traitement temporel a aussi été investigué. D’une part car il s’agit d’une fonction essentielle qui permet d’encoder les propriétés temporelles des

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évènements, de construire des représentations et de les utiliser pour l’action, mais aussi car ce paradigme est classiquement utilisé pour évaluer de façon indirecte des variations du niveau d’éveil. A notre connaissance, seule une étude a investigué l’effet de l’exercice sur le traitement temporel (Lambourne 2012), et aucune ne s’est intéressée à l’effet d’interaction entre la nutrition, l’exercice et le traitement temporel.

Au cours de nos travaux expérimentaux, plusieurs variables méthodologiques connues pour influencer l’effet de l’exercice sur la cognition ont été contrôlées. Dans ce cadre, des exercices sous-maximaux et de durées inférieures à 1 heure ont été préférentiellement réalisés afin de minimiser les effets de fatigue et limiter la possible altération de la performance cognitive. Par ailleurs, seuls des athlètes de haut niveau ou des personnes entrainées ont participé à ces protocoles expérimentaux. Enfin, en condition de double tâche, l’exercice de pédalage a été préféré à celui de course afin de limiter le coût attentionnel de la tâche physique et favoriser une meilleure allocation des ressources attentionnelles vers la tâche cognitive.

La première étude de ce travail de thèse avait pour objectif d’évaluer l’effet de l’ingestion d’une supplémentation nutritionnelle au repos, à laquelle on attribue des vertus psychostimulantes, le guarana. En effet, cette supplémentation est largement utilisée par les sportifs et par de nombreux consommateurs mais à ce jour très peu d’études en ont investigué l’effet sur la performance d’une tâche décisionnelle. Par ailleurs, l’effet de l’ingestion de guarana sur l’activité du système nerveux autonome reste aussi inexploré.

Dans un second temps, nous avons souhaité investiguer l’effet de l’ingestion d’une solution de CHO et d’un complexe créatine + guarana sur les performances

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physique et cognitive lors de répétitions de sprints. En effet, les récentes études qui suggèrent une action centrale des CHO, soulèvent des questions quant à son effet sur la performance lors d’exercices anaérobies. Par ailleurs, nous avons voulu vérifier si l’effet bénéfique de l’ingestion aiguë d’un complexe de guarana multivitaminé sur la performance cognitive indiqué dans l’étude n°1, était aussi présent suite à une sollicitation physiologique. Au cours de ce protocole, l’ingestion de guarana a été couplée à celle d’un complexe de créatine monohydrate, qui se rapproche des substances classiquement consommées par certains sportifs. La créatine est un acide aminé stocké dans les muscles squelettiques qui provient de sources endogènes et exogènes. Il a été montré que l’augmentation de la quantité de créatine stockée dans les muscles permet d’augmenter la vitesse de régénération des stocks d’adénosine triphosphate lors d’exercices répétés de haute intensité, avec de faibles périodes de récupération (Close et al. 2016). Dans ce type d’exercice, la performance repose fortement sur l’efficacité de la voie anaérobie alactique (système créatine- phosphocréatine) dans les 10 premières secondes de la contraction (Tarnopolsky 2010). Notre hypothèse était qu’une supplémentation aiguë en créatine monohydrate améliorait la performance lors de répétitions de sprints, tandis que l’action psychostimulante du guarana pouvait favorablement influencer la performance cognitive.

Par la suite, notre attention s’est portée sur l’utilisation du rinçage de bouche. Comme nous l’avons expliqué dans notre revue de littérature, cette méthode d’utilisation s’inscrit pleinement dans un mécanisme central, et présente des avantages liés à l’absence d’action métabolique. Pour la première fois, l’effet de CHO, de caféine et de guarana en rinçage de bouche sur le fonctionnement cognitif au cours d’un exercice sous-maximal a été investigué.

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Enfin dans une dernière étude, nous avons souhaité évaluer l’effet de ces mêmes supplémentations nutritionnelles sur le fonctionnement cognitif et sur la performance de tirs au pistolet, chez des athlètes de haut niveau en Pentathlon Moderne.

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Etude n°1 : Evaluation de la performance cognitive et de la variabilité