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Neuromodulateurs, exercice et cognition : validation expérimentale

Exercice aigu et Cognition

2.4. Neuromodulateurs, exercice et cognition : validation expérimentale

Plusieurs études ont tenté de valider expérimentalement le lien entre libération de catécholamines cérébrales pendant l’exercice et amélioration des processus cognitifs. La principale difficulté transversale à ces études réside dans la complexité de mesure directe des variations de catécholamines cérébrales chez l’humain. Les techniques utilisées sont donc des mesures indirectes, basées sur la quantification des taux de variations de catécholamines plasmatiques qui sont considérés comme concomitants aux valeurs cérébrales, ou dans les mesures de leurs métabolites, estimées comme plus précises.

Dans l’étude pionnière sur cette thématique, Chmura Nazar et Kaciuba-Uściłko (1994) ont mis en relation les changements de performance lors d’une tâche de TRC, réalisée simultanément à un exercice de pédalage incrémenté jusqu’à épuisement, et

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les taux de catécholamines plasmatiques. Les résultats expérimentaux indiquent d’une part l’existence d’une augmentation concomitante de la concentration de NA et A plasmatique et l’intensité de l’exercice. D’autre part, les auteurs montrent que la performance de TRC suit une courbe en U-inversé : la performance s’améliore avec l’augmentation de l’intensité jusqu’à une valeur optimale, située autour de 75% 𝑉̇O2max, tandis qu’une élévation additionnelle de l’intensité entraîne une détérioration du TR. Dans une seconde étude du groupe (Chmura et al. 1998), les auteurs ont investigué l’effet de deux exercices d’intensités et de durées différentes (respectivement 20 minutes au seuil lactique1 + 10% vs 60 minutes à 70% du seuil

lactique) sur la performance d’une tâche de TRC et la variation de catécholamines plasmatiques. Les résultats indiquent une diminution du TR pour les deux intensités comparées aux valeurs de repos. Pour l’exercice intense de 20 minutes, une corrélation négative est indiquée entre le TR et la concentration de A et NA plasmatique : plus la concentration de catécholamines augmente, et plus le TR diminue. En revanche ce résultat n’est pas retrouvé pour l’exercice modéré de durée prolongée. En effet, le taux de catécholamines augmente rapidement pour se stabiliser dès 20 minutes d’exercice tandis que le TR diminue jusqu’à un palier situé à 40 minutes avant de se stabiliser jusqu’à la fin de l’exercice. Même si nous ne pouvons statuer sur l’amélioration du traitement de l’information, notamment en raison d’une absence d’analyse du taux d’erreur, cette étude a été la première à suggérer une corrélation négative entre le TR et le taux de catécholamines périphériques.

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Le seuil lactique est considéré comme l’intensité à laquelle le lactate commence à s’accumuler dans le plasma sanguin. Il est peut être définie par la mesure de l’intensité d’exercice pour laquelle : (i) le lactate atteint la valeur de 4 mmol.l-1 ; (ii) la

première inflexion de la courbe représentant le lactate en fonction de la charge de l’exercice apparaît (Beaver, Wasserman, et Whipp 1985).

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Plusieurs études ont été menées par Mc Morris et al. (1999, 2000, 2003, 2008) dans l’objectif de confirmer cette hypothèse. Malgré une augmentation significative des catécholamines plasmatiques au cours de l’exercice, les résultats de ces études diffèrent entre eux. En effet, les effets de l’exercice sur le TR sont décrits comme facilitateurs quelle que soit l’intensité (McMorris et al. 1999), facilitateurs seulement pour une intensité maximale (McMorris et al. 2003), ou nuls (McMorris et Graydon 2000). Il a donc été proposé que le taux de catécholamines plasmatiques ne soit pas un indicateur fiable et systématique des modifications du TR (McMorris et al. 2003).

Dans une étude plus récente, Mc Morris et al. (2008) ont évalué si la réalisation de tâches cognitives au cours d’un exercice était associée à une augmentation de l’utilisation de NA et DA cérébrale. Les auteurs ont formulé l’hypothèse qu’au cours de l’exercice, une augmentation de la libération de NA et DA cérébrale avait lieu et était disponible pour la réalisation de la tâche cognitive (Cooper 1973; Chmura, Nazar, et Kaciuba-Uściłko 1994). A ce titre, ils ont décidé de mesurer la concentration plasmatique des métabolites de la NA et DA, respectivement le 3- methoxy 4-hydroxyphenylglycol (MHPG) et l’acide homovanillique (HVA), qui sont considérés comme des meilleurs indices de l’utilisation des neurotransmetteurs NA et DA dans le cerveau que les mesures de catécholamines plasmatiques elles-mêmes. Ainsi les sujets étaient soumis à 4 conditions expérimentales au cours desquelles ils devaient pédaler 6 minutes sur ergocycle, à une intensité fixée à 40% et 80% de leur PMA. Ces valeurs cibles ont été choisies car elles se situent respectivement au- dessous et dessus du seuil adrénergique et cela quelle que soit la condition physique des sujets (Deuster et al. 1989). Dans deux de ces conditions les sujets devaient réaliser simultanément au pédalage, une tâche de TRC à 4 éventualités ainsi qu’une tâche de génération aléatoire de nombre, qui implique la mémoire de travail

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(condition « exercice plus cognition »). Dans les deux autres conditions, les sujets devaient seulement réaliser l’exercice physique de pédalage (condition « exercice seul »). Les auteurs postulent qu’une variation des concentrations de métabolites entre les conditions « exercice seul » et « exercice plus tâche cognitive » serait due à une activité centrale qui pourrait être prédictive des performances de la tâche cognitive. En effet, selon eux, les tâches cognitives impliquant les fonctions exécutives seraient particulièrement dépendantes des voies dopaminergiques et noradrénergiques.

Les résultats de cette étude montrent d’une part que l’exercice à 80% PMA entraîne une augmentation significative du TR comparé à la condition de repos et à 40% PMA. Ce résultat n’est pas en adéquation avec les données actuelles de la littérature qui suggèrent un effet bénéfique de l’exercice sur le traitement de l’information. Néanmoins cette dégradation est compensée par une diminution significative du temps de mouvement comparée aux deux autres conditions. Aucun effet n’est observé sur l’efficacité de la mémoire de travail. Par ailleurs, malgré une élévation de la concentration de MHPG et HVA plasmatique simultanée à l’élévation de l’intensité d’exercice, celle-ci ne diffère pas entre les conditions « exercice seul » et « exercice plus cognition ». Il semblerait donc que l’augmentation de l’activité noradrénergique et dopaminergique soit seulement due à l’exercice lui-même et non à la sollicitation cognitive. Le faible échantillon (n = 12) de la population ainsi que leurs faibles niveaux de condition physique sont des explications potentielles à ces résultats incertains.

Ainsi à ce jour, l’hypothèse catécholaminergique ne permet pas à elle seule d’expliquer les effets bénéfiques de l’exercice sur les performances cognitives.

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EN RESUME

L’ensemble des protocoles expérimentaux ayant investigué l’effet de l’exercice

à travers l’utilisation d’outils comportementaux ou électrophysiologiques, confirment

une augmentation du niveau d’éveil induit par l’exercice aigu.

Ce mécanisme d’éveil est médié par un ensemble de systèmes modulateurs

répartis tout au long du tronc cérébral, regroupés sous le terme de système réticulaire

activateur ascendant. Par ses projections diffuses sur l’ensemble du cortex, le système

noradrénergique du locus coeruleus semble particulièrement impliqué dans le

traitement de l’information ainsi que dans les fonctions exécutives.

A ce jour, la variation de catécholamines plasmatiques lors de l’exercice est

clairement connue et décrite. Néanmoins, les recherches expérimentales ayant tenté

de valider l’hypothèse selon laquelle l’augmentation de la concentration de

catécholamines plasmatiques expliquerait l’amélioration du fonctionnement cognitif

à l’exercice présentent des résultats équivoques.

Pour l’heure, très peu d’études ont validé expérimentalement le lien entre

l’augmentation de la concentration de catécholamines cérébrales et l’amélioration de

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III – Localisation des effets de l’exercice sur le traitement de l’information sensorimotrice