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M4 : femme, installée depuis 2 ans en zone rurale, après une première installation dans une autre région et 2 ans d'exercice hospitalier

M5 : homme, installé depuis 2 ans en zone semi-rurale après une première installation et une longue expérience de médecine préventive

M6 : homme, installé depuis 30 ans en centre-ville

A : un volontaire pour raconter la dernière fois où vous avez prescrit une sérologie VIH M4 : oui, c'était il n'y a pas très longtemps : patient homosexuel chez qui... qui venait pour un problème de brûlures urétrales, chez qui a été découvert un Chlamydia trachomatis, du coup dans le cadre du bilan général d'IST, j'ai fait une demande de sérologie VIH

A : d'accord... donc le truc très cadré du bilan d'IST M4 : voilà

M5 : moi c'était pour une jeune fille de 18 ans qui débutait ? Je ne sais pas, enfin qui avait eu une relation avec un partenaire, je crois que c'était sa première fois d'ailleurs, et qui avait eu des soucis de préservatif, et qui avait très peur d'être enceinte, donc on a fait et le bilan de grossesse, et la prescription de pilule du lendemain, et puis donc un bilan « classique »... et syphilis, je rajoute la syphilis, je sais pas du tout si c'est reconnu mais vu ce qu'on lit, qu'il y en a de plus en plus, je sais pas s'il fallait le faire, mais je le prescris en même temps, quand je fais un VIH je fais une syphilis

A : d'accord

M5 : en sachant que dans le département, d'après ce que je sais, les VIH, il n'y en pas beaucoup, une quinzaine, 15 18, si je dis pas de bêtise et que c'est essentiellement des homosexuels, d'après ce que j'ai entendu dire, si mes sources sont bonnes, qui étaient transfusionnels

A : euh... je crois qu'il y en a plus que 18, après il y a peut-être eu des morts, et j'en ai au moins un qui est hétérosexuel et pas transfusé... moi j'étais plutôt sur une cinquantaine

M5 : ah oui !

A : après, il y a Bourges, Vierzon et Saint-Amand... à Vierzon il y en a pas mal... il faut que je vérifie, du coup... et à Tours, c'est de l'ordre de 100 150

M5 : d'accord... mais c'est une population beaucoup plus importante aussi, en pro rata je sais pas combien ça fait... on est un petit département

A : et on n'a pas de grande ville surtout... du coup, dans vos patientèles, c'est quelque chose que vous ressentez, le fait qu'ils soient peu exposés ?

M5 : c'est à dire ?

A : l'impression qu'il y a moins de risque pour vos patients ?

M4 : non, je ne le ressens pas en terme de « moins de risque ». Par rapport aux patients que je pouvais avoir dans un autre mode d'exercice, j'ai pas l'impression qu'il y a moins d'exposition, mais après j'ai pas les notions de nombre de patients atteints... après moi je le fais de manière systématique, pareil, sur des jeunes femmes pour les pilules, le premier bilan VIH, chez des jeunes assez régulièrement quand il y a besoin d'un bilan sanguin, je pose la question en même temps « quitte à piquer est-ce que vous voulez qu'on fasse une sérologie VIH en même temps ? », souvent je fais ça... et après, quand on découvre une IST, du coup on fait une sérologie en même temps, mais c'est vrai que voilà... on a quelques patients, des populations africaines, on a un centre d'accueil maternel qui n'est pas très loin avec des femmes réfugiées, des choses comme ça, donc de temps en temps, ces femmes là, si on a besoin d'un bilan, on a

tendance à rajouter un VIH en plus... mais voilà, j'ai pas eu cette notion de moins de risque ou de moins de danger

M5, non, moi j'ai pas du tout cette population, mais c'est vrai que tu sais pas, hein, des fois t'es surpris un peu de ce que vont te dire les gens, et puis il y a des choses où ils ne vont pas venir te voir toi mais aller voir quelqu'un d'autre

M4 : oui

M5 : ça c'est clair, parce que sur les choses qui touchent beaucoup l'intime, ils ne vont pas venir t'en parler. Moi dans le cadre... pour illustrer cet état de fait, j'ai eu, ça m'a surpris, un monsieur qui est venu me voir « je veux que vous prescriviez un bilan » hépatites, tout le bazar, syphilis, sida et compagnie, parce que c'était un libertin et son épouse aussi, et une fois par an... et je ne l'ai jamais revu, je ne le reverrais certainement jamais, parce que je ne suis pas son médecin traitant, mais il n'ose pas le dire à son médecin traitant, et je pense... je lui ai demandé pourquoi il fallait prescrire, parce que voilà, je ne suis pas non plus un béni-oui-oui à prescrire tout, il m'a dit ça, je l'ai vu il n'y a pas très longtemps, je suis pas persuadé que je le reverrai au bout d'un an, et il changera peut-être de toubib pour demander ça

M4 : et puis parfois on connaît pas la sexualité des gens, aussi M5 : c'est ça, c'est ce que ça illustre

M4 : il y a un de mes collègues qui a découvert... un de ses patients, qu'il suivait depuis déjà un petit moment, et il a découvert son homosexualité et en même temps le HIV positif, parce qu'il avait découvert des condylomes anaux... découverte de condylomes, et c'est comme ça qu'il a découvert... qu'ils ont parlé plus de sexualité et qu'il a découvert son homosexualité, alors qu'il le suivait depuis un petit moment, mais c'est pas des choses qui étaient venues dans la conversation

M5 : c'est pas évident, hein... moi j'ai un jeune homme, je me pose des questions, mais c'est vachement dur... c'est pas facile d'aborder ça avec les patients... dans ton rôle de médecin, il faut que tu insistes, en disant machin, bidule,... c'est pas facile, je ne lui ai pas posé encore la question, mais je pense que ça viendra... il me dit « je change de partenaire »

M4 : c'est ça ! (rires)

M5 : t'essaies de jouer... avec des réponses qui sont des fois évasives, tu sais pas si c'est des partenaires masculins ou féminins

A: c'est comme « l'ami(e) » M5 voilà, l'amI-E

A : du coup, c'est compliqué, même quand on un doute, d'aller poser la question ?

M5 : non non, si j'ai un doute, je mets les pieds dedans, si tu veux, après... t'es pas non plus la police, je pense que... par rapport à la clientèle que j'avais avant, j'ai quand même une clientèle plutôt... assez... avec un niveau de vie assez élevé, donc... c'est quand même des gens qui ont l'air assez informé donc... après c'est difficile de savoir quel est le niveau d'information des gens par rapport à ça, c'est vrai qu'on en parle sans vraiment tout dire et... c'est pas évident... surtout que moi je ne me suis réinstallé que depuis 2 ans, 2 ans et demi... j'étais en association, je les ai quittés, j'ai mis en place le dépistage organisé des cancers, tout le bazar de la lourdeur hiérarchique, enfin bon... justement, je suis content, on a beaucoup travaillé et j'ai réussi à mettre le dépistage du cancer du col de l'utérus dans le département M4 : très bien !

M5 : on a beaucoup travaillé pour que ça soit un département pilote... donc voilà, à ce moment là on abordait beaucoup les questions VIH, dépistage... pas que du VIH d'ailleurs, parce que le dépistage c'est global, c'est plus les IST que le VIH en général, c'est un package A : d'accord... la difficulté à aborder le soupçon d'homosexualité, bon, c'est pas la police, cette difficulté, c'est un frein personnel, ou c'est l'appréhension de la réaction du patient ?

M4 : oui, moi c'est plus l'appréhension de la réaction du patient, parce que je me dis que s'ils n'en parlent pas... on a des patients qui en parlent directement, en disant « je suis homosexuel,

je vis avec un compagnon »... mais voilà, je me dis que si c'est pas abordé d'emblée, ça demande du temps, quelques consultations, pour cerner un petit peu la personne, pour savoir comment on va pouvoir l'aborder... après, ça arrivera forcément à un moment ou à un autre... mais je ne me vois pas sur une première consultation, comme on dit « est-ce que vous êtes fumeur ? » leur demander « quelle est votre sexualité ? Hétérosexuelle ? Homosexuelle ? Bisexuelle ? »... je ne sais pas, mais je ne me vois pas le mettre en questionnaire comme ça, de manière systématique

A : entre le tabac et les vaccins (sourires)

M4 : voilà c'est ça, je trouve ça plus délicat... après c'est peut-être selon mes propres freins, c'est peut-être idiot, faudrait peut-être poser la question directement et...

A : et pour toi du coup, pareil ? C'est plus l'appréhension de la réaction du patient ? M5 : oui, je crois... je ne me suis jamais posé la question !

A : et oui, je suis curieux !

M5 : non mais c'est une bonne question d'ailleurs, ça fait revoir ta pratique aussi, c'est ça qui est intéressant, toujours revoir comment tu travailles, mais... ouias, parce que j'ai eu 2 3 fois des gens, ça m'a interpellé, des gens qui viennent me dire qu'il m'avaient vu à l'occasion d'un dépannage et qui me disent « maintenant je viens avec vous parce qu'avec vous on peut discuter » donc tu vois, je pense que c'est ça qui est important, qu'ils puissent dire « j'ai confiance en vous » donc c'est difficile de cultiver cette confiance, et je pense qu'au bout d'un moment il faut laisser les gens venir... s'ils veulent pas en parler, ben ils veulent pas en parler, après... tu lances un peu des perches, si elles sont pas saisies... faut pas brusquer les gens, si tu les brusques ils vont, à mon avis hein, se recroqueviller dans leur coquille, tu sauras pas, tu pourras faire du bon travail... faut un minimum de respect, je pense qu'il faut respecter les gens... donc ça fait partie de cette pratique « je respecte votre vie, votre vie privée, votre vie intime, si vous ne voulez pas en parler on n'en parle pas » moi je le vois plus comme ça finalement... et l'illustration, c'est un jeune garçon de 20 ans qui vient me voir, je l'avais vu juste une fois, et qui ose me parler de son phimosis, il en avait jamais parlé à son médecin traitant depuis 10 ans, et donc il avait pas une vie sexuelle satisfaisante, un vrai de vrai quoi, et tu te dis... comme quoi il faut vraiment essayer de cultiver ce respect des gens... c'est plus dans ce sens là que je ne leur saute pas sur le dos, curriculum vitae et tout le bazar, avec qui vous avez couché, machin... moi j'aimerais pas qu'on me le fasse, donc je ne le fais pas aux patients, voilà, c'est un peu dans ce sens-là que je me positionne... mais c'est vrai qu'on passe certainement à côté des choses... après c'est difficile ! C'est pas évident de trouver un juste milieu

A : OK... on a évoqué tout à l'heure les bilans d'IST, avec la syphilis... est-ce qu'on aborde d'autres choses dans le bilan d'IST ?

M4 : d'autres pathologies ?

A : d'autres pathologies, et peut-être, est-ce qu'on en profite pour faire de la prévention en même temps ? Comment vous faites la prévention, en pratique ? Qu'est-ce que vous allez dire aux patients, en prévention ?

M5 : la bonne question... (rires) A : le sexe c'est mal ? (sourire)

M5 : non, non... mais ça revient un peu à ce qu'on disait...

M4 : chez les jeunes... femmes, parce qu'étant une fille, je vois beaucoup de jeunes femmes, chez les jeunes femmes, quand elles viennent pour leur renouvellement de pilule, je leur dis que la pilule protège contre le risque de grossesse mais pas contre les maladies sexuellement transmissibles et que ça ne remplace pas un préservatif... euh, voilà... est-ce qu'en terme de prévention je fais autre chose de plus ? Je ne pense pas... peut-être insuffisant (rires) Chez les hommes... ceux qui viennent et qui ont des IST, souvent ils ont quand même l'information...

on leur dit « le préservatif » mais souvent ils ont l'information, mais ils passent outre... c'est plus « je sais mais j'ai fait un écart, c'est exceptionnel »

M5 : c'est toujours comme ça... et après, il y a pas mal, pour les jeunes, il y a pas mal d'information partout... après, trop rabâcher, c'est pareil... j'essaie de me mettre à la place des gens : moi plus on me parle de choses, plus je m'oppose... c'est ma façon de fonctionner, mais plus on insiste, plus je me ferme comme une huître... il faut y aller très très personnellement, c'est ce qu'on disait tout à l'heure, tout dépend de la personne en face de toi, si elle répond facilement quand tu poses des questions ou si tu as juste des oui, des non, t'insistes pas, tu fais entre guillemets le service minimum... après, la prévention, c'est joli, mais faut tout prévenir : tu rentres dans la prévention, tu commences : le sida, et puis après les frottis, et puis après l'hépatite... pfff ! Et le vaccin du gardasil, et le machin... Rien qu'avec quelqu'un, si tu veux vraiment faire le job, tu peux y passer une heure, j'exagère à peine, mais tu peux passer un temps fou... et derrière tu te fais lyncher en salle d'attente ! (sourires) j'exagère, c'est ma façon de fonctionner... mais c'est compliqué... il faut plus essayer de travailler dans la durée, quand tu revois les gens pour les renouvellements, pour les pilules, il faut essayer d'avancer... et puis aussi pour les pilules, hein ! T'entends tout et n'importe quoi, il y a ça aussi, « la première fois je peux pas tomber enceinte » t'as plein de trucs comme ça, donc... pfff ! Il y a beaucoup de choses à voir... et puis expliquer comment on prend une pilule, parce que tout le monde parle de la pilule, mais quand tu insistes un peu, tu te rends compte que les jeunes femmes elles ne savent pas, elles ne savent pas utiliser une pilule !

M4 : j'ai une jeune femme qui avait une grossesse non-désirée, une jeune femme lettrée, elle était en licence, je ne sais plus, de lettres, et en fait elle était enceinte parce qu'elle ne prenait pas de contraception parce qu'elle pensait que tant que ses cycles n'étaient pas réguliers elle n'avait pas de risque d'être enceinte

M5 : oui !

M4 : elle pensait qu'elle n'était pas réglée, en fait, parce qu'elle avait des cycles irréguliers... donc voilà, il y avait de l'information mais qui n'était pas passée

A : il y en a aussi qui attendent la fin des règles pour reprendre la pilule

M5 : oui ! Oui ! Il y a beaucoup plus d'information à faire à mon avis sur la pilule, en disant que le premier mois, les gynécos ne le disent pas, que le premier mois t'es pas protégée, aucun gynéco le dit, alors que ça moi j'insiste et tout, j'insiste beaucoup plus sur la pilule, parce qu'à mon avis elles ont beaucoup plus de risque d'avoir une grossesse, moi j'ai pratiqué, j'ai travaillé en gynéco, j'ai fait des IVG... pour les femmes c'est vachement perturbant... le but c'est que les gamines ne se retrouvent pas à 16, 17 ans les pattes en l'air avec un interne ou un médecin qu'elles ne connaissent pas, 3 personnes autour d'elles, c'est vachement dur pour elles, psychologiquement c'est dur... moi j'insiste beaucoup là-dessus, considérant, probablement à tort, qu'au niveau sida, on en parle quand même énormément

A : du coup, vous les trouvez bien informés, sur les IST et le sida ?

M4 : ben, en fait, probablement pas, si on met tout ensemble, si on considère le VIH et les autres IST, parce que c'est vrai, moi je vois beaucoup de chlamydia, de mycoplasme

M5 : moi j'en vois pas du tout ! M4 : moi j'en vois plein ! M5 : j'ai du en voir 3 en 3 ans M4 : j'en vois régulièrement A : chez des femmes surtout ?

M4 : oui, plutôt chez des femmes ; c'était le premier cas chez un homme, et du coup on a été obligé de se poser des questions, comme c'était la première fois que j'en avais chez un homme et que c'était une relation homosexuelle, je me posais même la question du mode de transmission, s'il y avait un portage anal ou oral, etc il a fallu que je recherche un peu

d'information... donc à part ça plutôt des femmes... donc effectivement, si mycoplasme et chlamydia, pourquoi pas HIV ?

M5 : tu fais des prélèvements ? Des frottis et des prélèvements ?

M4 : alors, j'en fais quelques uns mais très peu, en fait, parce que les médecins que je remplace, à part M. , en font très peu. H. en fait pas du tout, parce qu'elle s'est rendu compte quand elle est arrivée que toutes les femmes venaient la voir pour les problèmes gynéco, et elle c'est pas forcément ce qui l'intéresse... donc pour ne pas faire que de la gynéco, elle a dit : les frottis je fais pas. Bon, elle fait les renouvellements de pilule, les consultations, mais pour les prélèvements elle fait une ordonnance pour le laboratoire

M5 : d'accord

M4 : on fait quelques prélèvements de temps en temps pour des patientes qui préfèrent que ça soit fait au cabinet, mais sinon je fais les ordonnances pour que les prélèvements soient faits au labo... des chlamydia assez régulièrement, donc soit les patientes pas assez informées, soit minimisant les risques, en pensant qu'on connaît bien le partenaire et qu'il ne va rien arriver de particulier

A : d'accord... sur l'information du coup, plus sur le VIH, qu'est-ce qu'ils savent, en général ? M4 : je pense qu'ils connaissent les modes de transmission... sur ce qu'il peut y avoir après, sur les traitements, non, là je pense qu'il n'y a pas encore une très bonne information... oui, plus les vecteurs de transmission, je pense que là ils ne sont pas trop la informés. Et puis sur l'utilisation du préservatif, je pense que là, à l'école, il y a quand même eu des informations M5 : dans les facs et tout

M4 : voilà, je pense qu'il y a pas mal de choses de faites de ce côté là A : d'accord

M4 : c'est vrai que j'ai jamais expliqué l'utilisation d'un préservatif, par contre, je devrais peut-être poser la question, savoir s'ils savent comment faire

M5 : je suis sûr qu'il y aurait du boulot ! Tous les accidents de préservatif, c'est quand même étonnant... si on l'utilise bien, normalement il n'y en a pas

A : quand ça craque c'est que c'était mal mis M5 : oui ! Par définition

A : ou alors c'est vraiment bourrin (rires)

M5 : souvent c'est quand même mal posé... là il y aurait certainement du boulot... après, on fait tous pareil, on est obligé de sélectionner sur l'essentiel, parce que t'as pas le temps de voir... après c'est pas sûr que les gens... ils sont pas très bien quand ils viennent te voir... M4 : ils ont envie que la consultation finisse très très vite, s'il y a ça en plus derrière

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