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c Le score de Kemeny pour comparer les éléments de la partie conditionnelle des règles 

Afin de connaître les résultats des différents jeux coopératifs par toutes les coalitions et tous les ordres des joueurs, nous avons choisi de comparer les états de critères deux à deux. En effet, le premier point est d’obtenir un ordre de jeu des états de critères, mais également d’être capable de quantifier cet ordre, afin de pouvoir les situer sur une échelle. En connaissant les rapports des ordres entre eux, on en déduit leur position, donc leur valeur sur une échelle normalisée. Cette méthode permet donc de révéler exactement ce que nous cherchons pour appliquer les valeurs de Shapley : la valeur de chaque ordre possible, soit par analogie le gain de tous les jeux possibles en fonction de l’ordre dans lequel les joueurs jouent. En outre, nous avons besoin de connaître les gains des différentes coalitions, et la théorie du vote possède de nombreux outils pour traiter de cet aspect commun dans la discipline.

Le choix d’utiliser des modèles de comparaison deux à deux est fondé sur les travaux de [Young & Levenglick, 1978], [H.P. Young, 1986]. En effet, [Young, 1995] a démontré que les comparaisons par paires étaient la meilleure estimation possible du maximum de vraisemblance pour la construction d’ordres de préférence. En outre, il a démontré qu’une règle, appelée règle de Young-Kemeny, développée par [Kemeny, 1959], découlant des comparaisons par paires et des travaux

de [de Condorcet, 1785], était la seule à satisfaire trois propriétés importantes :

­ Le critère de neutralité : si on permute les options d’un vote, le résultat est permuté. En d’autres termes, le résultat n’est pas modifié si on modifie l’ordre dans lequel les états de critères apparaissent dans les règles logiques

­ Le critère de continuité : si deux groupes de votants donnent une même préférence séparément, alors cette préférence est toujours gagnante si les deux groupes sont réunis. En pratique, si deux experts donnent un ordre de préférence sur des états de critères qui est identique, notre méthode prévoit que cette préférence soit toujours vraie si on réunit les experts. Cette propriété est nécessaire pour qu’une méthode de choix puisse être considérée comme une méthode de score (nous permettant de quantifier les préférences par la suite), comme l’a démontré [Young, 1975].

­ Le critère de Condorcet : si une alternative est donnée gagnante contre chacune des autres alternatives séparément, alors cette alternative doit être la préférée. Ce critère assure le critère de majorité.

Cette règle revient à utiliser les scores de Kemeny pour comparer les ordres. Ces scores sont homogènes à une quantification de la préférence, comparativement par rapport aux autres préférences. Par analogie, le score de Kemeny est le gain d’un jeu joué dans l’ordre des joueurs donné par l’ordre de préférence. [Kemeny, 1959] définit le score de Kemeny comme suit :

Pour trouver le score de Kemeny d’un ordre de préférence, il faut commencer par comparer deux à deux tous les choix d’une alternative. Tous les votants expriment leur préférence sur toutes les paires possibles. On compte ensuite le nombre de fois où une alternative est préférée par rapport à une autre, et ce pour toutes les alternatives. On obtient alors un tableau de ce type : 1 2 … N 1 - T12 … T1N 2 T21 - … T2N … … … - … N TN1 TN2 … -  

Tableau 6 : table des votes par paires  

Où 1, 2, …, N sont les alternatives du choix

Et pour tout (α, β) de ⟦1, �⟧2, Tαβ est le nombre de votants qui ont préféré

α à β.

Définition :

Soit un choix composé de N alternatives et soumis à X votants.

Le score de Kemeny d’un ordre i des N alternatives est la somme du nombre de votes issus de toutes les comparaisons par paires des N alternatives satisfaisant l’ordre i.

Le score de Kemeny d’un ordre de préférences s’obtient en additionnant tous les termes en Tαβ qui satisfont l’ordre considéré. Notons

K le score de Kemeny d’un ordre i sur N alternatives. On a donc :

Si par exemple, dans un ordre de préférence à trois alternatives 1, 2 et 3, l’alternative 1 est préférée à la fois aux alternatives 2 et 3, le score de Kemeny est la somme : T12 + T13 + T23. En théorie du vote, une fois le

score de Kemeny obtenu pour tous les ordres de préférence, l’ordre retenu est celui qui a obtenu le score le plus élevé. Nous n’utiliserons cependant pas le score de Kemeny de cette façon, mais plutôt pour quantifier les ordres de préférence.

La méthode de Young-Kemeny est une méthode qui utilise les principes à la fois de la méthode de Condorcet et de la méthode de Borda, et permet de conserver des avantages des deux méthodes (critère de Condorcet pour la méthode de Condorcet, critère de continuité pour la méthode de Borda). Le système de score qui en découle est une estimation du maximum de vraisemblance.

Pour la suite de l’étude, nous utiliserons cette méthode pour comparer des paires d’états de critères. A cause des interdépendances, ces comparaisons donneront des résultats différents en fonction des états des autres critères par ailleurs. Nous considèrerons donc des coalitions d’états de tous les critères autres que les deux comparés. Pour simplifier, nous dirons que nous « fixons » des états de critères ou des coalitions d’états de critères lors d’une comparaison.

Une fois le score de Kemeny obtenu pour tous les ordres d’un système, est il facilement envisageable d’en déduire le score de

�� = ∑ ���

� �,�=1 �≻� ���� �

Kemeny pour tous les ordres comprenant des coalitions. Il suffit pour cela de considérer tous les pré-ordres où la coalition apparaît, dans tous les ordres possibles de ses éléments constitutifs. Pour obtenir le score d’une coalition, on retient tous les pré-ordres où les alternatives apparaissent de façon directement consécutive, quel que soit l’ordre. Le calcul de la moyenne des scores de Kemeny, pour tous les pré-ordres comprenant la coalition, donne le score de la coalition. Le score de la coalition, que nous avions noté v(PiR) dans la partie précédente, est une des données nécessaires pour obtenir la valeur de Shapley d’un élément. Si on considère une alternative comme une coalition formée d’un singleton, on obtient de la même façon v(i). Il devient alors possible de calculer la valeur de Shapley de tous les joueurs.

Malheureusement, ces propriétés très intéressantes ont un coût. En effet, le nombre de comparaisons deux à deux à effectuer pour un système peut rapidement devenir extrêmement important. En effet, si on pose X le nombre de critères d’un système et Y le nombre d’états de critères, en considérant tous les ordres possibles et toutes les coalitions possibles d’états de critères fixés, le nombre de comparaisons à effectuer est : ∑ ∑ ��(�2)+1���� � �=1 � �,�=1 �>�

où � et � sont respectivement le nombre d’états de critères des critères i et j.

Dans un système simple, par exemple avec 5 critères chacun comportant 3 états de critères, on a 2250 comparaisons à effectuer. Il nous faut donc trouver un moyen de réduire ce nombre d’opérations à effectuer afin de rendre notre méthode fonctionnelle.

C. Comment la théorie des bases de données permet de 

simplifier la construction des règles logiques 

Comme nous l’avons vu précédemment, le nombre de comparaisons à effectuer peut rapidement devenir trop important pour une utilisation industrielle. Il nous est donc apparu nécessaire de chercher les méthodes qui permettraient de réduire ce nombre pour une opérationnalisation de la méthode générale. Intuitivement, on voit que de nombreuses redondances vont apparaître lors des comparaisons. Par exemple, si des critères ne sont pas liés, alors le fait qu’ils votent ensemble ou séparément ne changera pas le résultat du vote, moyennant des règles simples. De la même façon, par transitivité, des interactions vont être traitées plusieurs fois. Dans cette intuition, les interactions sont le levier des redondances. Nous avons donc cherché des outils qui permettent de réduire les comparaisons sur la base de ces interactions. En particulier, des outils issus des travaux sur les bases de données permettent exactement de réduire considérablement la quantité d’informations nécessaires à l’application des outils vus précédemment.

a. Analogie entre les interactions et les dépendances