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Schéma Modalités de la contractualisation proposée aux petits planteurs des anciennes réserves et partage du produit

Planteur Compagnie sucrière 40 t de canne = 14 100 rands 40 t de canne Fonds de rétention

(provision pour coût de production de l’année suivante)

Coupe + transport (forfaits à la tâche) Taxes filière 7 000 rands 5 rands/t = 200 rands 14 100-7 000-5 200-200 = 1 700 rands 1 ha = 40 t de canne 130 rands/t = 5 200 rands

PRESTATAIRES de SERVICES = 12 200 rands

1 %

87 %

4.2.2. La contractualisation érigée en modèle ?

La politique de Black Economic Empowerment (BEE), élargie au secteur agricole AgriBEE a érigé la contractualisation en levier d’action pour tenter de convertir les opérations de transfert d’entreprise en success story. Chaque emerging farmer, le plus souvent engagé dans un schéma de contractualisation prenant en charge tout ou partie du processus de production, est censé être encadré par un mentor (la plupart du temps un agriculteur blanc en activité) chargé de le former et de lui permettre peu à peu de reprendre le contrôle de son exploitation. Par ailleurs, depuis quelques années, les entreprises du secteur sont fortement incitées, par un système complexe de notation, à travailler avec les emerging farmers qu’elles considéraient jusqu’alors avec défiance du fait, notamment, de possibles difficultés de paiement. Un bon score (sur une échelle de 1 à 10) leur donne alors plus facilement accès aux marchés publics ou aux soutiens publics.

D’autres schémas ont été décrits ; c’est le cas, par exemple, de la viticulture dans la province de Western Cape. Il s’agit des contrats share-equity schemes dans lesquels propriétaire et travailleurs sont engagés dans une relation à part de fruit souvent citée en exemple de relative réussite… même si le partage de la valeur ajoutée semble être, là encore, peu favorable aux travailleurs (Lahiff, 2007).

Enfin, pour faire face aux expériences désastreuses de transfert d’entreprises qui se soldèrent par un effondrement de la production, le gouvernement sud-africain a commencé à promouvoir différentes formes de joint-ventures dénommées Strategic Partnerships entre des bénéficiaires de la réforme agraire (notamment via le programme de Restitution) et des entreprises privées (Davis et Lahiff, 2011). Certaines semblent avoir donné des résultats intéressants, notamment dans le cas des terres restituées à la communauté de Makulele, en bordure du parc national Kruger, qui ont donné lieu à un partenariat portant sur des activités touristiques. Toutefois, le bilan dressé par Davis et Lahiff (ibid.) à propos des terres restituées à la communauté de Moletele (dans la même province de Limpopo) est moins engageant. Les quatre entreprises partenaires de la CPA s’étaient engagées sur un partage du profit réservant 52 % à la communauté et 48 % aux entreprises (partage reflétant aussi la composition du conseil de direction de chaque entreprise). Chemin faisant, plusieurs de ces entreprises ayant connu des difficultés financières, les retombées de ces contrats ont été quasi insignifiantes pour la communauté de Molotele. Le contrat a évolué vers un simple bail de 10 à 20 ans, la communauté de Moletele cédant

finalement ses terres moyennant le paiement d’un loyer annuel équivalent à 1,25 % du prix de marché du foncier[ 64].

Dans la région de Jacobsdal, étudiée par Arrazat et Périnelle (2012), d’autres « partenariats stratégiques » étaient en discussion. Les éleveurs laitiers de la région, par exemple, souhaitaient participer au projet Worker Trust Fund. Ce dernier prévoit que l’Etat achète des vaches laitières pour les céder à des employés de l’exploitation laitière intégrée au programme. Son propriétaire prend ensuite en location chaque vache, dès lors intégrée à son troupeau laitier, moyennant le paiement d’un loyer mensuel de 100 rands à son propriétaire. Les ouvriers détiennent ainsi des parts dans l’élevage. Dans la même région, un producteur de légumes souhaitait installer une usine de transformation et prévoyait de céder 49 % des parts à ses employés (qui pourraient les acheter grâce à des aides de l’Etat). Il envisageait également de travailler avec des agriculteurs noirs qui seraient sous contrat avec lui : en échange de la garantie de la totalité de la production, il s’engageait à fournir l’appui technique. Le projet serait en cours de financement.

Il est malheureusement peu probable que ces « partenariats stratégiques » réussissent à redresser la situation et à permettre une véritable renaissance d’un secteur agricole qui ne soit plus l’apanage de la minorité blanche. Quel paradoxe de voir ainsi les anciens propriétaires-exploitants se faire racheter leur exploitations par les pouvoirs publics, au prix fort, pour poursuivre ensuite tout ou partie de leur activité (prestation de service grâce au matériel mis de côté ou reprise en location de leur ancien domaine) ou mettre à profit (via toutes sortes de partenariats) les équipements neufs financés… par les pouvoirs publics au profit apparent des communautés ! Les projets en cours de Recapitalization and Development Project, en dépit du fait que les prestataires de services sollicités devraient être des bénéficiaires de la réforme agraire, risquent de renforcer encore cette tendance.

[ 64]La sucrerie Illovo, dont il a été question à plusieurs reprises, envisagerait la possibilité de prendre en location certaines parcelles en désuétude d’un bénéficiaire de la réforme agraire afin de la replanter et la remettre en état. La location ne durerait que quelques années, aux dires des dirigeants de l’entreprise, le temps pour Illovo de rembourser les frais engagés pour la replantation (Bièque et Kippeurt, 2012, p. 77).

4.3. Le développement d’une agriculture paysanne noire

est-il possible, malgré tout ?

Aucune issue ne semble envisageable sans une remise en cause de l’unicité du modèle de développement proposé/imposé aux bénéficiaires de la réforme agraire sud-africaine et, au-delà, au monde rural dans son ensemble. Pour cela, la question du redéveloppement d’une agriculture familiale marchande, et non plus seulement d’infrasubsistance, semble prioritaire. En effet, quatre millions de Sud-Africains, issus de 2,5 millions de foyers ruraux, seraient aujourd’hui engagés dans une activité agricole (Alibert et Hart, 2009). Malgré un accès des plus limités aux intrants, à l’équipement et aux marchés, et en dépit des revenus extrêmement faibles dégagés par la majorité de ces activités (comme nous avons pu le mesurer dans les différentes régions étudiées), la participation de ces activités à la sécurité alimentaire de beaucoup n’est sans doute pas négligeable. Mais il y a mieux : quand l’accès à l’eau d’irrigation et à un minimum de capital est assuré, une agriculture paysanne relativement dynamique existe encore, ou se développe à nouveau, dans certaines situations. Bien que peu nombreuses et quantitativement négligeables, ces situations méritent qu’on y prête attention. A titre d’exemples, nous en décrivons ici quelques-unes.

4.3.1. A New Forest et dans la basse vallée de la Sadie : des

exploitations maraîchères intégrées aux marchés

En amont du canal de New Forest (municipalité de Bushbuckridge), les agriculteurs ont généralement de l’eau en quantité suffisante pour réaliser deux cycles de culture par an sur des surfaces de 0,5 à 1 ha (activité complétée par un petit élevage de poulets destiné à l’autoconsommation et/ou par un élevage bovin sur les terres communales). Malgré la très petite taille de l’exploitation, elle procure un revenu agricole de 15 000 à 30 000 rands/actif/an, ce qui n’est plus tout à fait négligeable et contribue, avec les aides sociales (pensions), à faire vivre la famille. Tous utilisent des outils manuels, possèdent un pulvérisateur à dos et font appel à la prestation de service pour le labour (Regourd, 2012).

Les maraîchers situés en aval du canal de la rivière Sabie, dans l’ancien bantustan du KaNgwane (supra) sont moins limités en surface. Ils ont entre 10 et 25 ha sous PTO mais n’en mettent qu’entre 2 et 6 en culture. Ils pourraient donc élargir leur surface

cultivée s’ils avaient accès à davantage d’eau (supra). Ils ont un accès au marché plus aisé que les précédents, du fait de la proximité de la ville de Hazyview, et commercialisent leur production dans les petits magasins de la ville et sur les bords des routes. Ce système de production, capable de dégager un revenu agricole convenable, est présenté, à titre d’exemple, sur le graphique 17. Il s’agit du système de production SP9A de la typologie réalisée par Regourd (ibid.).

Source : Regourd, 2012, p. 97.

17, 18

Graphiques Exemple d’exploitations agricoles familiales marchandes

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