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2.3 Modélisation des maçonneries réfractaires : application

3.1.1 Schéma de couplage

La notion de schéma de couplage est ancienne et a déjà été utilisée avec succès par de nombreux auteurs. On citera par exemple les travaux de (Marquis 89), et plus directement parmi les documents à l’origine de ce manuscrit les travaux de (Blond 03 et 07) ou encore de (Schmitt 07). Le principe en est simple : représenter sur un graphe les physiques en présence et leurs interactions, comme proposé sur la Figure 46, et en extraire les pôles et interactions dominants.

Mécanique Transport

Thermique

chimie

Figure 46 : schéma de couplage général des physiques en présence

Ce type d’analyse a déjà été proposé dans la littérature pour des applications variées dans les domaines de la mécanique des matériaux, soit pour étudier les interactions simples entre deux pôles, soit pour étudier les interactions entre plus de deux pôles. On notera par exemple la prise en compte désormais « classique » du couplage mécanique / transport fluide au sein des milieux poreux dans la continuité des travaux de (Biot 41) avec notamment en France les travaux d’Olivier Coussy (Coussy 91)(Coussy 04). Dans le domaine de la mécanique des sols, les effets du couplage Thermique / Hydraulique / Mécanique (THM) dans les milieux poreux ont été largement étudiés en lien, notamment, avec la problématique du stockage des déchets nucléaires. Une bibliographie étendue sur la problématique dite THM est présentée dans (Blond 03) et (Blond 03a). Ces dernières années, le cadre dit THM évolue avec un intérêt croissant pour l’intégration des effets liés à la chimie des matériaux, on parle désormais de

THM-C. Le cas emblématique de cette extension est celui de la lixiviation des bétons (Nguyen 07). En dehors des milieux poreux, en géotechnique et mécanique des roches notamment, un grand nombre de travaux sur les couplages mécanique-chimie ont été réalisés parallèlement. En effet, la dissolution des roches (Rambert 07) ou encore la déformation des roches (Regenauer-Lieb 09) sont des problématiques faisant intervenir la chimie et la mécanique. Dans la dernière décennie, inspirés par l’inscription dans un cadre rigoureux de l’effet de la cristallisation induite dans les pores (Coussy 05) (Coussy 06), Riegenauer-Lieb et son équipe ont développé un cadre thermodynamique multi-échelle pour les couplages géomécanique – chimie (Poulet 10). La science des sols n’est évidement pas la seule source de travaux traitant de couplages thermo-chimio-mécaniques. En effet, bien que présentés en-dehors de tout schéma de couplage explicite, les travaux de (Larché 85) s’intéressent à l’effet de la diffusion sur les contraintes mécaniques dans les solides cristallins, c’est donc le couplage transport / mécanique de la Figure 46 qui y est traité. L’effet inverse, c'est-à-dire l’impact des contraintes mécaniques sur les propriétés de transport, est un des sujets d’étude concernant les conducteurs ioniques (SOFC) ou mixtes (MIEC), on citera par exemple les travaux de (Swaminathan 07).

Aujourd’hui, grâce à des ouvrages tels que ceux de Jean Lemaitre (Lemaitre 09) on tend vers la généralisation d’un cadre unifié pour le traitement des couplages multiphysiques, assorti de notations en cours d’uniformisation. Le lecteur intéressé par le développement parallèle des différentes écoles de thermodynamique à dominante thermochimique (Prigogine 68) ou mécanique (Callen 60) se reportera utilement à (Regenauer-Lieb 09) qui présente une bibliographie critique intéressante des transferts de connaissances de la thermodynamique chimique et de la mécanique vers la géophysique, domaine hautement multi-physique.

Les cas étudiés depuis 2003 au sein de l’équipe « Thermomécanique des matériaux réfractaires et couplages multi-physiques » de l’institut PRISME, en lien avec l’équipe « Matériaux réfractaires : élaboration, corrosion » du CEMHTI, se distinguent de ceux traités dans d’autres équipes par les couplages qui y sont dominants. De ce fait, l’approche développée présente de grandes similitudes avec celle établie en génie civil (i.e. THM-C) mais également une différence plus que notable : ici la thermique est essentielle et c’est elle qui pilote la quasi-totalité des phénomènes. En effet, bien souvent, le cadre THM-C est réduit en pratique au HM-C. Autre distinction notable, en particulier dans le cas des réfractaires, le nombre de réactifs et produits mis en jeu est très élevé. En cela, la thermomécanique couplée à la chimie des conducteurs mixtes, cadre du master recherche d’O. Valentin (Valentin 07) et de sa thèse actuellement en cours, est beaucoup plus simple : un seul composé diffuse (O2-) et interagit avec le matériau (modification du paramètre de maille).

La Figure 47 propose un schéma de couplage simplifié et adapté à la problématique des céramiques hautes températures. Les couplages dont les effets sont le plus souvent négligeables y sont représentés par une flèche en pointillé. De plus, quelques éléments complémentaires ont été ajoutés afin d’expliciter plus avant la démarche établie jusqu’à présent.

Thermique Chimie Mécanique Transport Activation thermique Gradient de composition déformation de réaction Gradient de Dilatation thermique Déformation permanente Fissuration Rupture (1) (2) (3) (4) (5a) (5b)

Figure 47 : schéma de couplage adapté pour une paroi céramique haute températures

Le schéma de la Figure 47 se lit dans le sens trigonométrique (i.e., anti-horaire). Le couplage thermique / phénomènes de transport (1) se traduit, entre autres, par le terme d’activation thermique de la diffusion et/ou de l’imprégnation capillaire. En effet, en-deçà de la température de solidus d’un laitier l’imprégnation de la paroi réfractaire par ce dernier est ralentie par la présence de solides, voire arrêtée lorsqu’il est complètement solidifié. De même, la dépendance thermique de la viscosité va fortement influer sur la cinétique de l’imprégnation capillaire. Ce couplage Thermique / Transport induit un impact majeur du gradient thermique sur le gradient d’espèces, totalement absent dans les études classiques dites THM-C en génie civil. La pénétration des espèces entraîne, en lien avec les isothermes du gradient thermique et le matériau rencontré (composition, minéralogie), un gradient de composition chimique, c’est le principal effet du couplage transport / chimie (2). Les réactions chimiques et/ou les changements de phases induisent des variations de volume, souvent désignées sous le vocable de « déformations de réaction » (couplage chimie – mécanique (3)) qui, combinées avec le gradient de composition, entraînent un gradient de déformation de réaction. Classiquement, le couplage thermique – mécanique se traduit par une évolution des coefficients de la loi de comportement mécanique et un terme de dilatation thermique (4) qui vient s’ajouter aux déformations d’origine mécanique (5a). De même, le terme de déformation de réaction s’ajoute aux autres déformations (5b), le tout produisant une déformation permanente et/ou une rupture mécanique. Le résultat d’un tel processus est, par exemple, le bombement des tuiles d’UVEOM après plusieurs mois (années) de service comme présenté sur la Figure 48. Cette forme est le résultat de la combinaison de la déformation de réaction (gonflement) et du gradient thermique, qui génère un cintrage de la tuile. En effet, la réactivité plus élevée de la face chaude et la plus grande quantité de réactifs (contact direct avec les fumées) génèrent un gonflement plus important en face chaude qu’en face froide, d’où cette forme de type « flexion ».

En résumé, les températures élevées favorisent les phénomènes de transport au sein des garnissages des réacteurs (diffusion, imprégnation liquide, infiltration gazeuse). Ce transport de réactifs au sein des parois entraîne un gradient de composition, résultant des effets conjugués du gradient de température et des composés en présence (cinétique de transport, isotherme de condensation / réaction). Cette évolution du matériau constitutif de la paroi s’accompagne d’une évolution de ses propriétés (matériau à gradient de propriétés) rendant complexe la prédiction de sa tenue en service, tant mécanique que chimique.

Face à la complexité générée par l’enchevêtrement de phénomènes, le schéma de couplage est un outil permettant de visualiser les physiques en présence et de réfléchir sur l’importance relative des différents couplages. D’une efficacité redoutable pour l’écriture de « scénario » de dégradation, cet outil ne permet ni de quantifier les effets ni de s’assurer de l’exhaustivité des couplages qui sont plus choisis qu’identifiés.

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