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CHAPITRE IV. RESULTATS ET APPLICATIONS

IV.3. Applications

IV.3.4. Application 3 : Vers une substitution du maïs irrigué par une rotation blé dur / tournesol valorisée

IV.3.4.2. Scénario

La construction d’un scénario où une monoculture est remplacée par une rotation est désormais possible. En effet, depuis l’article présentant SPACSS, l’outil a évolué et il est possible de substituer une culture par une rotation dans la mesure où la proportion d’une culture substituée par n autres est respectée au niveau de chaque exploitation (cf. section IV.2).

Dans cette partie, nous ne construisons qu’un scénario dans lequel nous substituons le maïs irrigué par une rotation blé dur irrigué / tournesol irrigué dans les exploitations situées en terreforts et dont le rapport SI/SAU est inférieur à 20 %. Ce scénario s’appelle BT. L’irrigation du tournesol est effectuée, si besoin, en deux apports de 35 mm : le premier juste avant la floraison (∑jT depuis le semis = 800 °C.j), et le second environ un mois après (∑jT

depuis le semis = 1 100 °C.j). L’irrigation du blé dur est effectuée, si besoin, en un apport de 25 mm : à la floraison (∑jT depuis le semis = 800 °C.j).

IV.3.4.3. Evaluation

Le scénario BT a été évalué pour l’année 2000 et comparé à la situation de référence appelée REF24. A l’échelle du système Neste, la surface de maïs substituée en rotation blé dur /

tournesol irrigués s’élève à 10 500 ha, soit 14 % de la surface irriguée totale du système Neste (77 100 ha) et 16 % de la surface de maïs irrigué totale. La réduction de la demande en eau générée par la substitution s’élève à 27 Mm3, soit 23 % de la demande en eau toutes cultures confondues de la situation de référence (116 Mm3).

Cette réduction n’est pas homogène au cours de la campagne. La Figure 30 présente la distribution des demandes en eau d'irrigation cumulées par décades des scénarios REF et BT, du tournesol irrigué dans le scénario BT et du blé dur irrigué dans le scénario BT. Cette figure montre par des flèches doubles l’étalement des périodes d’irrigation du blé dur et du tournesol dans le scénario BT. Pendant ces périodes, pour le tournesol, on observe deux pics de demande en eau : pour l’apport 1 pendant la décade 3 du mois de juin, pour l’apport 2 pendant la décade 3 du mois de juillet. Pendant ces décades, l’écart entre la demande en eau des scénarios REF et BT est amoindri. On observe même que, pendant la décade 3 du mois de juin (qui correspond à la floraison du tournesol), c’est la demande en eau du scénario BT qui est supérieure à celle du scénario REF.

Figure 30 : Distribution de la demande en eau d'irrigation cumulée par décades, de la situation de référence (REF), du scénario BT, du tournesol irrigué dans le scénario BT et du blé dur irrigué dans le scénario BT

La Figure 31 présente l’impact de la substitution du maïs irrigué dans les terreforts des exploitations dont le ratio SI/SAU est inférieur à 20 % par Ugest. La carte 1 montre que la réduction de la demande en eau par Ugest varie de 0 Mm3 dans l’Ugest18 à 6,2 Mm3 dans l’Ugest 15. La carte 2 montre, sous la forme d’histogrammes, la part de cette économie réalisée par rapport à la demande en eau totale simulée pour la situation de référence (REF). Cette part est aussi variable selon les Ugest : elle varie de 0 % dans l’Ugest16 à 53 % dans l’Ugest 15. Ce constat incite à penser que cette part de l’économie d’eau réalisée par rapport à la demande totale en eau simulée pour la situation de référence (REF) est proportionnelle à la

surface de maïs irrigué substituée par rapport à la surface totale de maïs irrigué dans la situation de référence (REF). La carte 3 présente en conséquence sous forme d’histogrammes la part de la surface de maïs irrigué substituée et la surface irriguée totale de chaque Ugest dans la situation de référence (REF). De manière générale, cette part apparaît comme inférieure à la part de l’économie d’eau réalisée par rapport à la demande totale en eau du scénario de référence. C’est d’ailleurs ce que nous observons à l’échelle du système Neste (réduction de la demande en eau de 23 % pour une surface substituée de 16 %). Cette part varie de 0 % dans l’Ugest 16 à 32 % dans l’Ugest 14. Pour illustrer l’efficience de cette substitution, la carte 4 présente la distribution par Ugest du ratio de la part de l’économie d’eau réalisée sur la part de la surface de maïs irrigué substitué. Cette efficience varie de 0,67 dans l’Ugest 14 à 3,34 dans l’Ugest 17 ce qui signifie (1) que dans l’Ugest 14, la part de l’économie d’eau réalisée par rapport à la demande en eau totale de la situation de référence REF est inférieure à la part de la surface substituée par rapport à la surface irriguée totale de la situation de référence (REF) et (2) que dans l’Ugest 17, elle est 3,34 fois supérieure. Dans les Ugest 8 et 16, cette efficience est égale à 1. Dans l’Ugest 8, la part de l’économie d’eau réalisée par rapport à la demande en eau totale dans la situation de référence REF s’élève à 0,17. Elle est égale à la part de la surface substituée par rapport à la surface irriguée totale de la situation de référence (REF). Dans l’Ugest 16, la surface substituée est nulle, il en résulte une économie d’eau nulle et une efficience égale à 1. L’observation des cartes 2 et 3 laisse penser que l’efficience de la substitution est plus forte dans l’Ugest 15. Dans la carte 4, cette efficience n’apparaît que dans la deuxième catégorie (de 2 à 2,49). En réalité, l’efficience de la substitution dans l’Ugest 15 s’élève à 2,49, ce qui positionne l’Ugest 15 à la limite supérieure de la deuxième catégorie.

La plus grande économie d’eau réalisée se situe dans l’Ugest 15 où la surface de maïs substituée par une rotation blé dur tournesol irrigués est la plus grande. En revanche, ce n’est pas dans cette Ugest que l’efficience de la substitution est la plus grande. Ce scénario bien qu’il soit exploratoire, aurait pu être envisagé de manière normative lors du débat de Charlas. Dans son évaluation, ces deux types d’indicateurs auraient du être présentés. L’analyse de la variabilité spatiale de l’efficience de la substitution aurait pu emmener des porteurs d’enjeux à remettre en cause le scénario et à proposer, par exemple de ne réaliser cette substitution que dans les Ugest où l’effeicience est supérieure à 1.

IV.3.4.4. Discussion

Dans cette application, une seule évolution possible de la distribution des systèmes de culture est envisagée à partir d’une revue bibliographique et de dires d’experts. La revue bibliographique effectuée en section I.2.1.5, suggère, en approche exploratoire, de comparer un jeu comportant plusieurs scénarios. Un autre scénario possible aurait été d’intégrer du sorgho à la rotation blé dur / tournesol. Cependant, la superficie de sorgho a été marquée par un net recul en 2003, lors du découplage des aides. En effet cette culture bénéficiait de la prime à l’irrigation et permettait ainsi de valoriser des petites réserves d’eau qui auraient été insuffisantes pour du maïs irrigué. En considérant les préoccupations environnementales croissantes des gouvernements et de l’opinion publique (le Grenelle de Environnement, Agriculture Biologique), il serait possible d’imaginer la substitution du maïs irrigué par des systèmes de culture biologiques irrigués. Dans cette application, nous avons fait le choix de ne considérer que les forces de changement Politique Agricole Commune et réchauffement climatique. Une seule évolution possible de chacune d’elles n’a été considérée : pour la Politique Agricole Commune c’est le découplage des aides à l’irrigation ; pour le réchauffement climatique, l’augmentation des sécheresses. Pour construire des scénarios exploratoires avec SPACSS il faudra donc prendre soin de définir une méthode pour identifier un jeu contrasté de forces de changement.

IV.3.5. Conclusion

La première application s’apparente à une approche scénario dont l’objectif serait une analyse de sensibilité de la demande régionale en eau à la précocité du maïs. Cet objectif des scénarios est accepté par Van Notten et al. (2003) ou Börjeson et al (2006).

La deuxième application reste une analyse de sensibilité dans laquelle un agronome intervient pour explorer la sensibilité de la demande régionale en eau à des scénarios, non plus construits de manière systématique (comme dans l’application 1), mais de manière logique et raisonnée ; l’exploration d’un scénario justifiant l’exploration d’un autre. Ce type d’approche est très utilisé dans les exemples que nous avons décrit en chapitre I (e.g. Wechsung et al., 2000 ; Stolte et al., 2003 ; Münier et al., 2004 ; Wang et al., 2008 ). Il démontre bien le caractère itératif de la construction et l’évaluation de scénarios.

Dans la troisième application, l’objectif est de construire une distribution des systèmes de culture probable. A partir de discussions et de la bibliographie, nous construisons un discours

logique et possible portant sur les forces de changement et la distribution finale des systèmes de culture du système Neste. Cette approche s’apparente à celle de Palang et al. (2000) où les forces de changement comme l’état final du système sont exprimés de manière narrative, aucun modèle n’est utilisé pour simuler l’évolution de la distribution des systèmes de culture (Veldkamp et Fresco, 1997 ; Etienne et al., 2003 ; Van Meijl et al., 2006 ; Verburg et al., 2006 ; Westhoek et al., 2006) ou leur distribution finale (Van Meijl et al., 2006 ; Höll and Andersen, 2002 ; Dockerty et al. ; 2005).

Comme dans l’article présenté précédemment (cf. section IV.2), ces trois applications nous montrent la diversité des indicateurs que nous pouvons produire avec SPACSS à partir de la seule demande journalière en eau d’irrigation. Cette diversité soulève des questions comme la pertinence d’un indicateur pour juger de la pertinence d’un scénario normatif.

Ceci dit, l’originalité de cette section réside dans la présentation sous forme narrative (en phrases) des scénarios évalués à l’aide de SPACSS. Cette expression narrative s’appuie sur différents supports (diagrammes, cartes, chiffres) qui facilitent la compréhension des scénarios. Cette expression narrative des scénarios démontre le potentiel de l’outil à permettre de construire et d’évaluer des scénarios poursuivant des objectifs diversifiés.