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CHAPITRE I. LES SCENARIOS D’USAGES DU SOL

I.1. Des scénarios pour la planification territoriale

I.1.3. L’approche scénario

I.1.3.2. Critères de classification des méthodes

Il existe plusieurs critères pour classer les méthodes dans les approches scénarios. Dans un premier paragraphe je présente les critères les plus fréquemment rencontrés dans la littérature qui sont la nature des participants et la nature des scénarios produits. Dans le paragraphe suivant, je remets en cause ces critères. Dans un troisième paragraphe je formule une nouvelle classification des méthodes utilisées dans les approches scénario.

Classification des méthodes selon la nature des participants et des scénarios produits

Pour la majorité des auteurs, la nature des informations produites pour caractériser les scénarios est un critère distinctif des méthodes. Ils dissocient généralement les méthodes quantitatives, produisant des scénarios quantitatifs, et des méthodes qualitatives produisant des scénarios qualitatifs. Ce critère (déjà rencontré pour classer les scénarios en tant qu’objet) est souvent combiné à un deuxième critère, la nature des personnes mobilisées. Le plus souvent les auteurs opposent les méthodes mobilisant uniquement des scientifiques et/ou des experts à celles mobilisant ces mêmes scientifiques et/ou experts et des acteurs, c’est-à-dire des porteurs d’enjeux. Le Tableau 3 présente les types de méthodes identifiées par différents auteurs selon ces deux critères de classification. On voit ainsi que certains, comme Van Notten et al. (2003), ne considèrent pas toutes les combinaisons. Leur typologie n’identifie que deux méthodes : la méthode4 intuitive qui repose sur l’élicitation5 de connaissances et de

logiques qualitatives pouvant émaner d’acteurs, d’experts ou de chercheurs et la méthode formelle qui mobilise des outils permettant de produire des informations quantitatives. À l’opposé, Alcamo (2008) considère toutes les combinaisons possibles.

Popper (2008) définit en plus les méthodes semi-quantitatives, méthodes utilisant des modèles mathématiques pour quantifier la subjectivité et les perceptions des personnes impliquées. Ces méthodes n’apparaissent pas dans le tableau suivant.

4 Ils utilisent le terme « approach », mais comme nous l’avons vu dans la section I.1.3.1, la signification des

termes approche, démarche et méthode peut varier d’un auteur à l’autre. Dans ce cas, Van Notten et al. (2003) utilisent le terme approach pour désigner ce que nous avons défini comme méthode.

5 En Gestion des Connaissances, "éliciter" est l'action d'aider un expert à formaliser ses connaissances pour

Tableau 3 : Classification des méthodes selon la nature des participants et la nature du scénario produit Nature du scénario produit

Nature des participants

quantitative qualitative

méthode hybride (Greeuw et al., 2000) Acteurs et chercheurs et/ou

experts méthode participative

quantitative (Alcamo, 2008)

méthode participative qualitative (Alcamo, 2008)

méthode intuitive (Van Notten et al., 2003)

Chercheurs et/ou experts

méthode analytique quantitative (Greeuw et al.,

2000 ; Alcamo, 2008) méthode formelle (Van

Notten et al., 2003)

méthode analytique qualitative (Greeuw et al.,

2000 ; Alcamo, 2008)

Remise en cause de cette classification

Dans la littérature, la classification selon la nature des participants et la nature des scénarios produits est bien formalisée. Cependant, un constat est que les auteurs assimilent le plus souvent les méthodes qui mobilisent des chercheurs ou experts à des méthodes qui produisent des scénarios quantitatifs et parallèlement ils assimilent les méthodes qui mobilisent des acteurs à des méthodes qui produisent des scénarios qualitatifs. Pour établir ces rapprochements, ils évoquent le mode de production de l’information. Les modes de production qu’ils évoquent sont le calcul numérique et la narration. Selon eux, le « calcul numérique » nécessite le recours à un ordinateur (Greeuw et al., 2000 ; Rotmans et al., 2000 ; Van Notten et al., 2003). Il est utilisé par les chercheurs et/ou experts pour produire des scénarios quantitatifs. Selon le dictionnaire Larousse (2009) : « La narration est l’action de raconter des faits sous forme littéraire ». Elle est utilisée avec des chercheurs, des experts et des acteurs pour produire de l’information que les auteurs assimilent à qualitative. Pourtant, la littérature montre qu’il est possible de construire de l’information qualitative ou quantitative quel que soit le mode de production de l’information. Par exemple, des méthodes impliquant des acteurs n’excluent pas le recours à du calcul numérique (ex. Etienne et al., 2003 ; Therond et al., 2009). Bien que le mode de production de cette information (narratif ou calculatoire) soit évoqué dans ces classifications, il n’est pas explicitement mobilisé pour établir des typologies.

De plus, nous avons vu que les auteurs classent les méthodes selon la nature quantitative ou qualitative du scénario produit. Or une approche scénario peut mobiliser plusieurs méthodes, et par conséquent un scénario peut comporter conjointement des informations quantitatives et qualitatives. Je propose donc de distinguer les méthodes quantitatives et les méthodes qualitatives selon la nature des informations qu’elles produisent et non selon la nature des scénarios produits dans l’approche scénario.

Classer les méthodes selon le mode de production de l’information et la nature de l’information produite

Je propose, dans cette thèse, de classer les méthodes non par la nature des participants mais par le mode de production de l’information. Nous distinguerons deux types de mode de production : (1) la narration (méthodes narratives) (2) le calcul numérique (méthodes calculatoires). Nous incluons dans cette dernière catégorie toutes les méthodes qui ont recours à des modèles pour effectuer des calculs numériques (dynamiques, statistiques etc.). Je représente ces critères dans le Tableau 4.

De la même manière que pour les éléments des scénarios je propose dans le Tableau 4, des symboles pour représenter les critères de classification des méthodes.

Tableau 4 : Classification des méthodes selon le mode de production de l’information et la nature de l’information produite

Si l’utilisation d’un support narratif pour produire de l’information qualitative ou celle d’un support calculatoire pour produire de l’information quantitative est très largement acceptée pour les auteurs cités précédemment, il convient de discuter des deux autres. Plusieurs exemples montrent qu’il est possible de produire de l’information quantitative à partir d’un discours narratif. Si cette information est destinée à être utilisée par un modèle calculatoire (qui permettra par exemple de décrire un autre élément d’un scénario), l’information quantitative produite de manière narrative peut ne pas être adaptée, elle nécessitera d’être interprétée pour satisfaire les besoins du modèle. De la même manière, la production

d’information qualitative à partir de sorties de modèles numériques nécessitera une traduction des données quantitatives en données qualitatives. Le problème que je soulève ici est appelé le « double problème de conversion » par Alcamo (2008), ou Therond et al. (2009). Il est nécessaire pour remédier à ce problème d’associer les personnes développant les modèles calculatoires à ses utilisateurs potentiels (chercheurs, experts ou acteurs) afin de leur demander de produire eux-mêmes de l’information quantitative. Citons deux exemples de cette collaboration développeur-utilisateur :

La première consiste à co-construire le modèle calculatoire avec les personnes destinés à utiliser la méthode. Elle peut permettre aux utilisateurs de formaliser l’information quantitative qui doit être utilisée en données d’entrée du modèle de simulation (Antona et al., 2004). Elle peut aussi permettre aux utilisateurs de préciser les règles reliant les sorties quantitatives d’un modèle à des jugements qualitatifs (Sadok et al., 2009). La deuxième méthode consiste à développer des méthodes permettant de quantifier le jugement d’utilisateurs, ou de qualifier les sorties des modèles à partir des jugements d’utilisateurs. Alcamo (2008) cite l’exemple des fonctions d’adhésion (membership functions).