récidiver et alors l'interrogatoire suffit à faire le
diagnostic.
Féréol rapporte une observation d'un homme ayant eu
à
plusieurs reprises une éruption scarlatiniforme avec rougeuren plaques disséminées, fièvre, perte de l'appétit, langue rouge
et dépouillée, toux, enrouement, mal de gorge.
Du 13 au 19 janvier 1876 apparaît la huitième éruption
scarlatiniforme conforme aux précédentes : angine, langue dépouillée de son épithélium, fièvre. L'analogie était si com¬
plète que l'interne du service, M. Colsen, ne put s'empêcher de
croire à une scarlatinejusqu'à ce que l'interrogatoire du ma¬
lade lui eut révélé la particularité du fait ».
Pourquoi ne pourrait-on pas de même, dans un cas où l'éruption serait plutôt morbilliforme, croire à une rougeole?
Il faut rapprocher de ces érythèmes certaines roséoles médi¬
camenteusesqui peuvent perdre le type morbilliforme, scarlati¬
niforme ou commencer par l'un et finir par l'autre, en s'ac-compagnant de desquamation linguale.
Besnier rapporte dans son article Pathogénie des érythèmes (.Annales de dermatologie, 1890), une observation rédigée d'après les notes communiquées par M. Morel-Lavallée, chefde clinique de la Faculté à l'hôpital Saint-Louis.
Il s'agit d'une femme de chambre syphilitique à laquelle on avait ordonné du proto-iodure de mercure. Quelque temps après l'administration du médicament apparaît une éruption
du type morbilliforme avec rougeur de la muqueuse bucco-pharyngée, éruption à laquelle fait suite un érythème à type
scarlatiniforme avec desquamation de la langue. La suite de
l'observation démontre que l'éruption était due, dans le cas
actuel, à l'absorption du mercure.
L'anfcipyrine peut produire également la chute de
l'épithé-lium lingual, en même temps qu'un exanthème pouvant affecter
une forme plus ou moins constante.
Dans ces conditions, le diagnostic peut devenir très difficile,
tout au moins au début de l'affection. En suivant le malade,
en notant et analysant chaque symptôme, et en tenant compte
surtout des commémoratifs, on pourra en général se faire une idée exacte de la véritable nature de l'affection.
Rubéole. — La rubéole présente aussi une glossite desqua-mative qui, quoique inconstante, apparaît cependant assez sou¬
vent pour être mise en ligne de compte. Elle a étésignalée par Balfour.
« Au début de cette phase, comme dans la précédente, la langue était plusou moins généralementcouverte d'un enduit.
Vers la fin de cette phase, elle devint propre et colorée avec des papilles élargies, une véritable langue scarlatineuse ou framboisée devenant subséquemment lisse, et cela survint dans chaque cas ».
On ne pourra pas objecter que cette desquamation n'est au¬
tre que celle de la rougeole ou de la scarlatine. Le mélange hybride de ces deux affections que les Allemands ont décrit sous lenom de Rotheln, n'est observé que dans certaines épidémies,
dans certaines salles où sont à la fois des rougeoleux et des
scarlatineux. Cette rubéole ainsi comprise n'est plus admise aujourd'hui en tant qu'individualité pathologique. La rubéole
est considérée comme une entité morbide, n'ayant rien de
commun avec la rougeole et la scarlatine, mais constituant
une affection spéciale ayantsasymptomatologie et son
histoire
particulières, comme l'ont démontré les auteurs les plus ré¬cents qui se sont occupés de cette question (Francotte, Griffith, Arnozan).
L'éruption présente deux variétés
principales
:l'une prend
— 46 —
]a forme morbilleuse, dans laquelle les éléments sont
plutôt
papuleux que maculeux, l'autre la
forme scarlatineuse, qui est
constituée par de vastes placards rouges. Dans certaines
épidé¬
mies, c'est tantôt la première des formes, tantôt la seconde;
tantôt les deux coexistent.
Ladesquamation de la langueressemblepresque entouspoints
à la glossite desquamative de la rougeole. Même turgescence,
mêmehypertrophie des papilles. La rougeur de lagorge est en général moindrequedans lascarlatine, mais elle
existe.
Enmême
temps, on peut noterhabituellement du coryza, un peu de con¬
jonctivite et parfois aussi un léger degré de bronchite. La
fiè¬
vre est habituellement peu intense, puisque le thermomètre ne monte pas au-delà de 38° ou 39°. Il semble en somme qu'aucun
des symptômes pathognomoniques de la rougeole ne manque.
Par conséquent quand la rubéole prend laforme
morbilleuse,
si on considère le malade en pleine éruption au moment où la langue se desquame, on comprendracombien le diagnostic sera difficile. Peut-être pourra-t on, pour l'établir, se fonder sur ce fait que, dans la rubéole, l'invasion est plus courte, les taches
morbilleuses plus larges, le larmoiement moins apparent, le
coryza moins intense, la bronchite
moins forte,
latempérature
moins élevée et surtout qu'il existe des àdénopathies des par¬
ties latérales du cou, des régions rétro-sous-auriculaires,
sous-occipitales, de l'aisselle ou de
l'aine.
Maisl'adénopathie
peut ne pas seproduire ou se localiser au cou,à l'aine
et perdrealors
beaucoup de sa physionomie
caractéristique;
d'un autrecôté,
l'exanthèmepeut être plus accusé que de coutume; aussi, dans
de pareilles circonstances, manque-t-on
souvent de bases sé¬
rieuses pour faire un
diagnostic
ferme.La confusion sera surtout fréquente si le médecin n'est appelé que vers la fin de
l'éruption,
aumoment où la langue
desquamée serecouvre d'unenouvelle couche épithéliale. Que
—47 —
deviendront alors les signes que nous venons d'indiquer pour établir une différence plutôt théorique que pratique d'ailleurs?
Ils n'existeront même plus et alors l'erreur seravéritablement
inévitable.
En somme, la desquamation de la langue de la rubéole ne
présente pas des signes caractéristiques la distinguant de la desquamation linguale de la rougeole. Il faut analyser les symptômes des deux affections, les comparer, et ce n'est que dans les cas typiques que l'on pourra différencier la glossite appartenant à la rougeole de celle qui est le propre de la
rubéole. Mais dès que, dans la rougeole, les phénomènes sont
atténués ou qu'ils prennent une intensité quelque peu anor¬
male dans la rubéole et se présentent avec un certain degré d'acuité, le diagnostic devient très ardu et la confusion est
non seulement admissible mais parfois même presque fatale.
Nous avons étudié les glossites desquamatives succédant à
des affections fébriles. Nous allons nous occuper maintenant de
celles qui ne s'accompagnent pas de fièvre par elles-mêmes.
« Sans être absolument ulcérée, dit Butlin (Maladies de la langue)la surface de la langue peut être excoriée, et cette des¬
quamation peut reconnaître plusieurs causes. Parmi les plus fréquentes, il faut citer ladyspepsieet le traumatisme; souvent
aussi on rencontre des excoriations sur des langues qui sont
atteintes de glossite superficielle chronique. Les
excoriations
elles-mêmes, quelle qu'en soit l'origine, présentent à peu près toujours les mêmes caractères : on peut les comprendre toutesen une seule description. La surface de la langue
est lisse,
entièrement dépourvue de papilles sur la partie
malade; elle
est plus rouge qu'à l'état normal et la
desquamation épithéliale
se voit très nettement. La surface ainsi malade est parfaite¬
ment délimitée mais ne présente pas de perte de
substance,
n'est pas creusée en profondeur; il n'y aque
du dépouillement
épidermique sur une étendue plus ou
moins grande.
S'il est vrai que les surfaces ainsi dénudées varient peu dans
leur aspect, elles varient beaucoup d'étendue. Les
dénudations
épidermiques qui sont le résultat debrûlures,
sont engénéral
très peu étendues et guérissent rapidement. Pendant un jour
ou deux elles sont sensibles au toucher et au contact des ali¬
ments trop chauds ou trop froids ou fortement épicés, mais
cette sensibilité disparaît rapidement et la guérison a lieu.
Les desquamations épithéliales d'origine dyspeptique pré¬
sentent assez souvent, au contraire, une étendueassezgrande.
Toute la partie antérieure de la face dorsale est rouge et dépouillée de ses papilles filiformes, il ne reste que les papilles fongiformes, et celles-ci paraissent plus nombreuses et plus développées àcause de l'absence des premièresqui, àl'étatnor¬
mal, les recouvrent en partie, à moins cependant que celles-ci
ne soient très gonflées et d'une rougeur exagérée. L'enduit épais qui recouvre toujours la partie postérieure de la face
dorsale rend encore plusévidente la rougeur et l'absence
d'épi-thélium de la partie antérieure ».
Et plus loin Hack a décrit des excoriations superficielles de
la languesereproduisant dans certaines familles. Dans deux de
ces familles et chez trois générations, il observa une série
d'excoriations longues, ovales, nettement délimitées par un bord jaune; elles existaient sur les bords et à la pointe. Dans
la plupart des cas, elles se montraient dans la première enfance
et souvent la langue était dénudée sur une grande étendue
avec des excoriations rouges, lisses par endroits.
Dans la glossite superficielle chronique, on peut voir aussi
des excoriationsdues à un léger traumatisme ou àla dyspepsie.
Il n'est pas étonnant que la desquamation se fasse, puisque du
fait même de la glossite l'épaisseur normale de l'épithélium se trouve diminuée par places. La chute épithéliale se fait par
petites surfaces.
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En comparant la desquamation linguale de la rougeole, et celle qui est le résultat des causes que nous venons d'énoncer,
nous voyons que d'habitude la dénudation n'a pas les mêmes
caractères. Dans le premier cas, elle est à peu près uniforme;
c'est toute une partie de la langue qui est dépouillée. Dans le second, au contraire, on peut voir plusieurs portions de la
muqueuse ayant perdu leur revêtement épithélial et séparées
les unes des autres par des intervalles de muqueusesaine. Cela
est vrai, surtout pour la glossite superficielle chronique. Mais
nous ne serons pas aussi affirmatif pour ces desquamations dues, en particulier, à des brûlures. Il peut se faire que la face antérieure, les bords et la pointe aient reçu l'impression de la
chaleur trop vive. La desquamation de ces diverses parties a été complète et, dans ces conditions, l'aspect de la langue ver¬
nissée et brillante pourra laisser des doutes sur sa nature véri-table;quand il n'yaura que ce seul symptôme, le diagnostic ne
saurait rester en suspens, l'absence de fièvre, la sensibilité plus
ou moins grande de la muqueusedonnent des renseignements
suffisants.
Mais en sera-t-il de même s'il y a coexistence desdeux affec¬
tions, s'il s'agit d'un enfant atteintde rougeole, auquel on aura fait prendre une boisson trop chaude? Làencore la douleur que provoquera la pression sur la langue pourra faire songer à
cette dernière hypothèse, mais si on examine cet organe au moment où l'épithélium se reforme, on ne pourra plus compter
que sur les commémoratifs, qui seront souvent incertains.
Nous arrivons maintenant à une affection dénommée diffé¬
remment suivant les auteurs : pityriasis lingual pour Rayer;
état lichenoïde de la langue pour Gubler; glossite exfoliatrice marginée pour Fournier et Lemonnier; eczéma en aires ou eczéma marginé desquamatif pour Besnier; eczéma de la lan¬
gue pour de Molènes.
7 Duc.