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Acceptation du boisement

Dans 95% des cas, la première raison citée de la création du boisement est la

protection de la ressource en eau. Le plus souvent, il faut comprendre protection contre les

nitrates, mais tous les cas sont loin d'être aussi simples. Ainsi, des captages prélevant

uniquement de l'eau profonde à zéro nitrates ou à une concentration inférieure à la limite de

détection ont été boisés. Des services d'eau ont engagé la démarche alors que le taux de

nitrates atteignait à peine 25mg/L, un autre alors que le captage était à l'arrêt pour cause de

1 L'entretien d'un boisement est peut même être moins onéreux que celui d'un prairie qu'il faut faucher.

2 n°52, et 53 dans une moindre mesure

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dépassement de la norme sanitaire. Ailleurs, une ressource de quelques millions de mètres

cube et s'étendant sur plusieurs kilomètres carrés a été boisée sur trois zones particulièrement

sensibles, d'une superficie totale d'une dizaine d'hectares. Certains espèrent que le taux de

nitrate va chuter de suite, d'autres pensent que ce sera vrai avec le temps…

Si les attentes des maîtres d'ouvrages sont variées, elles rencontrent au final la même

satisfaction. Un quart environ des services d'eau contactés envisagent à plus ou moins long

terme de continuer les opérations de boisement, voire de boiser la totalité du périmètre de

protection de captage. Majoritairement, le boisement est bien accepté par les habitants de la

commune, agriculteurs compris : il faut sans doute y voir l'effet d'une prise de conscience

quant aux enjeux de la qualité de l'eau sur les décennies à venir.

Mais parfois les négociations sont difficiles, et le mécontentement se poursuit après

l'achèvement des travaux, notamment lorsque l'influence du boisement sur le taux de nitrates

tarde à se faire sentir

1

.

Boisement et réduction du taux de nitrate

Il est vrai que les résultats présentés dans la partie IV.4 ne permettent pas de conclure

quant à l'efficacité du boisement vis-à-vis de la pollution par les nitrates : si on constate

effectivement une chute du taux de nitrates dans les années qui suivent les travaux de

boisement, cette baisse n'est corrélée ni à la surface boisée, ni à l'âge du boisement.

Plusieurs points sont alors à mettre en exergue :

• La surface : la surface boisée est considérée en valeur absolue, alors qu'il faudrait la

considérer comme une proportion de la zone d'alimentation du captage. La surface de

cette dernière a été demandée, mais rarement communiquée parce qu'inconnue ;

• Le volume d'eau souterraine peu profonde : on a utilisé dans les analyses les volumes

d'eau produits par le site de prélèvement boisé, parce que ces quantités étaient connues

pour tous les sites de manière fiable. Mais l'eau peut en réalité avoir plusieurs provenances

pour un même site : elle peut être issue de captages peu profonds (quelques dizaines de

mètres), ou de forages profonds (100m ou plus). La ressource n'est pas de la même qualité

: l'eau peu profonde est en relation plus ou moins directe avec la surface et les eaux de

pluies, et est donc susceptible de contenir des nitrates, alors que l'eau profonde, grâce au

phénomène de dénitratation naturelle et à un temps de transfert plus long, en est

généralement exempte. Les services d'eau disposant des deux types de ressource puisent

1

donc dans les deux à la fois, et dosent le mélange de manière à obtenir une eau conforme

aux normes sanitaires. Souvent, il n'est pas possible de connaître la part produite par

chaque ressource, car les prélèvements varient en fonction de la demande, de la saison…

Ce n'est toutefois le cas que pour quelques sites de prélèvement sur les 80 échantillonnés.

Pour analyser précisément l'efficacité du boisement, il faudrait connaître l'évolution du

taux de nitrates pour les captages d'eau superficielle et souterraine peu profonde

1

. En effet, le

rôle des usages du sols sur la ressource en eau devient négligeable pour des eaux profondes.

Cette réévaluation permettrait en parallèle de calculer le coût de l'opération de

boisement par mètre cube d'eau "traitée" par ce boisement : on s'attend à ce qu'il soit un peu

plus élevé que les estimations annoncées au IV.5, puisque les volumes d'eau concernés seront

plus faibles.

Un troisième facteur est essentiel à analyser : l'évolution parallèle du taux de nitrates

dans et hors la zone boisée. On suppose généralement en effet que l'ensemble des mesures de

protection de la ressource prises sur le PPC contrebalancent les effets de la pollution et

conduisent à une diminution du taux de nitrates sur cette zone. Un service d'eau

2

constitue un

contre-exemple : le taux de nitrates de l'eau prélevée passe de 32 à 60 mg/L entre 1993 et

2007. Les mesures de protection engagées (dont le boisement, 10 hectares plantés en 1994)

ont-elles été inefficaces? Une étude piézométrique effectuée à l'extérieur des PPC lève un

coin du voile : sur les terrains adjacents au boisement, le taux de nitrate est de 100mg/L. Pour

connaître l'efficacité du boisement, il faut donc réaliser une mesure relative de l'évolution de

la teneur en nitrates de l'eau prélevée : à un chiffre de l'intérieur de la zone boisée (l'eau

prélevée par le captage) doit correspondre un chiffre de la zone non protégée par le

boisement.

La prise en compte de ces trois facteurs (utilisation du taux de boisement du bassin

d'alimentation du captage au lieu de la seule surface boisée ; connaissance du volume d'eau

souterraine peu profonde produit par le site de captage ; connaissance de l'évolution du taux

de nitrates en dehors de la zone de boisement) permettra sans doute d'obtenir une estimation

correcte de l'efficacité du boisement vis-à-vis de la pollution par les nitrates.

Il sera alors possible de rapporter le coût du boisement à son efficacité et de le

comparer à d'autres mesures de protection de la qualité de l'eau.

1 en Bretagne, les 2/3 des captages d’eau souterraine prélèvent l’eau à moins de 12 m de profondeur (Panaget, 2004)

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Un exemple encourageant

Malgré toutes les inconnues liées à l'efficacité des opérations de boisement, une

dizaine de services d'eau a communiqué des résultats encourageants. L'exemple

1

ci-dessous

(figure 13) concerne un boisement de 24 hectares réalisé durant l'hiver 1996 (la déclaration

d'utilité publique date de 1994). Les terres, antérieurement des cultures céréalières et

maraîchères, auraient dû être laissées en herbe et exploitées par des agriculteurs sous contrat ;

ces derniers n'étant pas intéressés, le service d'eau a décidé de réaliser un boisement. Cette

mesure a été complétée par l'adoption d'une charte de désherbage pour l'entretien communal,

comprenant la suppression de certaines substances, l'acquisition de balayeuses et la mise en

place d'un désherbage thermique. La commune n'a pas signalé d'action sur les pratiques

agricoles.

Jusqu'en 2002 environ, la baisse du taux de nitrates a été rapide (6mg/L environ) ; elle

s'est ralentie depuis et la teneur en nitrate semble se stabiliser autour de 44mg/L. Quelle part

de cette évolution est due à la suppression des cultures, et quelle autre au rôle épurateur du

boisement?

Quoiqu'il en soit, du fait de la baisse des teneurs en nitrate, le service d'eau a pu

augmenter la production du captage et réduire d'autant ses achats d'eau à un syndicat voisin (il

avait été envisagé, avant l'adoption de la solution du boisement, d'acheter toute l'eau

consommée à ce syndicat, solution excessivement coûteuse).

Figure 13 : évolution du taux de nitrates d'un captage boisé dans l'hiver 1996. En ordonnées, le taux de nitrates en mg/L.

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