Partie I Notions fondamentales 1
1.4 Satisfaction
1.4.1 Cons´equence s´emantique
Ayant opt´e des sch´emas d’interpr´etation pour tous les objets syntaxiques, nous introduisons
la notion de mod`ele et les propri´et´es s´emantiques de validit´e et de compl´etude.
La relation de satisfaction |=
Soit A une Σ-alg`ebre. Si on note {T,F} l’ensemble des bool´eens, une proposition P est
interpr´et´ee par une application P
A: A
X→ {T,F}, dont la d´efinition par r´ecurrence sur les
formules est donn´ee `a la figure 1.5 (on ´ecrit P
A,σau lieu de P
A(σ) ) . Dans le cas d’une
proposition ouverteP, on dit queA satisfaitP si la formuleP est vraie dans Aen substituant
aux variables libres n’importe quels ´el´ements deA. Cela s’´ecrit formellement :
D´efinition 1.25 SoitAune alg`ebre de supportA, etP une proposition. On dit queAsatisfait
1.4. Satisfaction
Pour ce qui concerne les clauses ´equationnelles, cela peut s’´ecrire :
D´efinition 1.26 Soit A une alg`ebre etC = ∧
i∈{1,...,m}
a
i≈b
i⇒ ∨
j∈{1,...,n}
a
0j≈b
0j. On dit que A
satisfaitC, ou que C est valide dans A, si, et seulement si : pour toute assignation σ, si, pour
touti∈ {1, . . . , m},a
iσ=b
iσ, alors, il existe j∈ {1, . . . , n}, tel quea
0jσ =b
0jσ.
Soit Γ une th´eorie i.e une partie deL(Σ,X). On dit queA est un mod`ele de la th´eorie Γ, et on
noteA |= Γ siA |=P pour toutP ∈Γ.
Notation: L’ensemble des mod`eles d’une th´eorie Γ sera not´e M od(Σ,Γ), ou plus
simple-mentM od(Γ).
Consid´erons l’exemple suivant :
Exemple 1.16 [COM 01] Soit la sp´ecification suivante :
– Sortes :N at.
– Op´erations : 0 :N at; s:N at→N at.
– Axiomes : 0 +x≈x; s(x) +y≈s(x+y).
Consid´erons l’alg`ebre A, dont le domaine A est l’ensemble `a deux ´el´ements {0, a}, et tel que
s
A, l’interpr´etation de sdans A, est l’identit´e s
A(0) = 0, s
A(a) =a et +
A, l’interpr´etation de
+ dansA, soit la projection droite :u+
Av estv. A est alors un mod`ele deE.
La relation de satisfaction|=, permet de d´efinir une nouvelle relation surP(L(Σ,X))× L(Σ,X),
dite decons´equence s´emantique.
D´efinition 1.27 Soit Γ une th´eorie et P une proposition. On dit que P est une cons´equence
s´emantique de Γ, et on note Γ |= P si, pour toute Σ-alg`ebre A et pour toute assignation
σ:X → A,A |= Γσ entraˆıneA |=P σ.
Exemple 1.17 [COM 01] Reprenons l’exemple 1.16. Nous avons vu que les ´egalit´es de E sont
satisfaites dansA. Cependant, l’´egalit´e x+ 0≈x n’est pas valide dansA, puisquea+
A0 = 0.
Par cons´equent, l’´egalit´ex+ 0≈xn’est pas une cons´equence s´emantique de E
Validit´e et compl´etude de la d´eduction
On consid`ere de nouveau la relation de d´eduction `de la logique classique d´efinie au
para-graphe 1.2.1. Soit Γ⊆ L(Σ,X) la th´eorie engendr´ee par ∆⊆ L(Σ,X) :
Γ ={P ∈ L(Σ,X) |∆`P}
Comme ∆⊆Γ, il est clair queM od(Γ)⊆M od(∆), mais a-t-on l’´egalit´e ? Le th´eor`eme de validit´e
´enonc´e ci-dessous le prouve :
Th´eor`eme 1.1 Si Γ`P, alors Γ|=P
Corollaire 1.2 Les mod`eles d’une th´eorie sont ceux de ses axiomes.
Le th´eor`eme de compl´etude constitue la r´eciproque du th´eor`eme de validit´e :
Th´eor`eme 1.2 Si Γ|=P, alors Γ`P
Avec ces deux th´eor`emes, les relations`et|= sont identiques, ce qui permet deux points de vue
sur les mˆemes probl`emes.
1.4.2 Cons´equence inductive
La relation de cons´equence inductive
Un mod`ele d’une th´eorie qui est une alg`ebre de Herbrand est appel´e mod`ele de Herbrand
de cette th´eorie. La restriction aux mod`eles de Herbrand permet de d´efinir une relation sur
P(L(Σ,X))× L(Σ,X), dite de cons´equence inductive, et qui est plus faible que la relation de
cons´equence s´emantique.
D´efinition 1.28 Soit Γ une th´eorie et P une proposition. On dit que P est une cons´equence
inductive de Γ, et on note Γ|=
iP si Hsatisfait P pour toute mod`ele de HerbrandHde Γ
Congruence
Une congruencesur une alg`ebre A est une relation d’´equivalence sur son supportA
compa-tible avec les op´erations :
D´efinition 1.29 Une congruence sur une Σ-alg`ebre A de domaine A est une relation
d’´equivalence ∼ sur A telle que, pour tout f : s
1×. . . s
n→ s ∈ Σ, pour tout a
1, a
01, . . . ,
a
n,a
0ndansA :
a
1∼a
01∧. . .∧a
n∼a
0n⇒f
A(a
1, . . . , a
n)∼f
A(a
01, . . . , a
0n)
Remarque:Une congruence sur les termes est alors une congruence sur l’alg`ebre (T(Σ,X),Σ).
Exemple 1.18 [LAL 90] Une congruence ∼ sur un groupe G est d´etermin´ee par la classe de
l’´el´ement neutre, qui est un sous-groupe distingu´e de H
∼de G; on a a ∼ b si et seulement si
ab
−1∈H
∼.
Alg`ebre quotient
D´efinition 1.30 Si ∼ est une congruence sur une Σ-alg`ebre A de domaine A, l’ensemble
quotient, not´e A/ ∼, est un ensemble muni d’une structure d’alg`ebre tel que, pour tout
f :s
1×. . . s
n→s∈Σ, pour tout a
1, . . . , a
n∈A,
f
A/∼([a
1]
∼, . . . ,[a
n]
∼) = [f
A(a
1, . . . , a
n)]
∼o`u, pour touti∈ {1, . . . , n}, [a
i]
∼est la classe d’´equivalence dea
idansA.
Nous allons voir que les alg`ebres quotients permettent de caract´eriser les cons´equences inductives.
Le noyau d’un homomorphisme φ : A → B est
Ker φ={(a, a
0)∈A
2|φ(a) =φ(a
0)}
Comme en alg`ebre lin´eaire, tout homorphisme surjectif φ:A → B est factorisable `a travers le
quotient de son noyau en la surjection naturelle et un isomorphisme φ
∧(figure 1.6) Dans le cas
o`u H est une alg`ebre de Herbrand, l’interpr´etationi
Hassoci´ee (cf corollaire 1.1) est surjective,
et l’application de la factorisation pr´ec´edente permet de d´eduire l’existence d’un isomorphisme
∧
1.4. Satisfaction
A B
∧φ
A/Ker φ
φ
Fig. 1.6 – Factorisation d’un homomorphisme
i
HH
T(Σ)/Ker i
H ∧i
HT(Σ)
Fig. 1.7 – Factorisation dei
Hde H,Ker i
Hest une ´equivalence ; c’est de plus une congruence, puisque si (h
i, h
0i)∈Ker i
H,
c’est quei
H(h
i) =i
H(h
0i), donc
i
H(f
H(h
1. . . h
n)) = f
H(i
H(h
1), . . . , i
H(h
n))
= f
H(i
H(h
01), . . . , i
H(h
0n))
= i
H(f
H(h
01. . . h
0n))
On peut ainsi ´enoncer le th´eor`eme suivant :
Th´eor`eme 1.3 Pour toute alg`ebre de Herbrand H, il existe une congruence ∼ sur T(Σ) telle
queH soit isomorphe `a T(Σ)/∼.
Remarque: On vient de voir l’int´erˆet des alg`ebres d´efinies comme des quotients, cependant,
contrairement aux alg`ebres de termes dont tout ´el´ement est facilement repr´esentable en machine,
celles-ci ne le sont pas imm´ediatement. En effet, s’il est commode de repr´esenter une classe
d’´equivalence par un ´el´ement de cette classe, le probl`eme se pose de savoir si deux ´el´ements sont
ou non dans la mˆeme classe. Ceci n’´etant pas toujours d´ecidable, il faut plutˆot voir cette
construc-tion comme une d´efiniconstruc-tion abstraite, qui sera concr´etis´ee dans les cas o`u l’on dispose en outre
d’algorithmes (par exemple de r´e´ecriture). On peut ainsi d´efinir r´ecursivement la congruence
engendr´ee par un ensemble d’´egalit´es conditionnelles.
Congruence engendr´ee par un ensemble d’´egalit´es conditionnelles
Th´eor`eme 1.4 [KAP 84a] Soit E un ensemble d’´egalit´es conditionnelles d´efinies sur une
si-gnature Σ. La plus petite congruence engendr´ee par E sur T(Σ), not´ee ∼
E, se construit
r´ecursivement de la mani`ere suivante :
– ∼
nest la plus petite congruence telle que :
1. ∼
n⊆∼
n+1;
2. si a
iσ ∼
nb
iσ pour tout {1, . . . , m}, alors sσ ∼
n+1tσ, et cela pour toute ´equation
∧
i∈{1,...,m}
a
i≈b
i⇒s≈t de E;
– ∼
E= ∪
n∈N
∼
nRemarque: SiE est un ensemble de simples ´egalit´es, ∼= Φ
0, et∼ est not´ee =
E.
Th´eor`eme 1.5 [EHR 85] Si E est un ensemble consistant d’´egalit´es conditionnelles, alors
T(Σ)/∼
Eest initiale dansM od(Σ, E). On la d´esigne alors souvent parI(Σ, E), pour souligner
cette caract´eristique.
Le lemme suivant montre l’int´erˆet pratique que l’alg`ebreI(Σ, E) peut ´egalement avoir :
Lemme 1.1 Si E est un ensemble d’´egalit´es conditionelles et C est une clause positive,C est
une cons´equence inductive de E ssi I(Σ, E)|=C
Exemple 1.19 [COM 01] Reprenons l’exemple 1.17. L’´egalit´e x + 0 ≈ x n’est pas une
cons´equence s´emantique de E, mais c’est une cons´equence inductive de E, car on a t+ 0∼
Et
pour toutt∈ T(Σ), autrement dit on a I(Σ, E)|=x+ 0≈x
On ne doit pas perdre de vue qu’une clause (non positive) peut ˆetre satisfaite dansI(Σ, E), sans
pour autant ˆetre une cons´equence inductive deE. Cette diff´erence est illustr´ee dans [COM 01]
par l’exemple suivant :
Exemple 1.20 [COM 01] Reprenons l’exemple 1.16. ¬(x ≈ s(x)) n’est pas une cons´equence
inductive deE car le mod`ele trivial `a un ´el´ement de E ne satisfait pas ¬(x≈s(x)), mais on a
cependantI(Σ, E)|=¬(x≈s(x)).
Consid´erons l’exemple suivant, dans lequel la sp´ecification contient une ´egalit´e conditionnelle :
Exemple 1.21 [BOU 95] Soit la sp´ecification suivante :
– Sortes :
N at; Bool.
– Op´erations :
0 :N at; T, F:Bool; s:N at→N at; p:N at×N at×N at→Bool;
f :N at×N at×N at→N at.
– Axiomes :
p(x,0, z)≈T; p(x, s(y), z)≈p(x, y, z); p(y, x, z)≈T⇒f(x, y, z)≈0.
On peut montrer que l’´egalit´e p(x, y, z) ≈ T est une cons´equence inductive des axiomes de la
sp´ecification.
Dans le document
Preuve par induction dans le calcul des séquents modulo
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