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Santé publique (une entreprise)

4. Pratiques et discours des employeurs sur leurs préférences de recrutement

4.3. Les préférences de recrutement des employeurs par secteur

4.3.6. Santé publique (une entreprise)

Deux entretiens ont été réalisés dans cet établissement de santé public qui emploie 1 975 em- ployés : un avec le DRH, puis, une semaine plus tard, un autre avec le secrétaire général de cet établissement.

Le DRH nous a d’abord présenté les modes de recrutement de la fonction publique dans le do- maine de la santé comme étant un système qui permet d’éviter les discriminations dues aux « images de prestige et de privilège » des diplômes et ne se base que sur « les compétences et l’équité » dans le sens où le recrutement se fait sur concours à partir d’un « référentiel de compé- tences » et d’un « cahier des charges » précis décidé par le ministère de la santé, et non sur l’expé- rience et les compétences personnelles du candidat. Peut postuler à ce concours toute personne titulaire du diplôme spécifié par ce cahier des charges, les diplômés de l’étranger ayant le handi- cap par rapport aux autres de devoir avoir obtenu une équivalence marocaine de leur diplôme pour être autorisé à se présenter (un processus qui, selon lui, peut durer six mois ou plus). Plus tard au cours de l’entretien, son propos s’est nuancé différemment et il a émis des réserves sur ce système de recrutement en insistant sur « sa rigidité administrative » et le fait que les compé- tences des candidats ne sont pas toujours prises en compte à leur juste valeur à travers les con- cours, sans donner plus de précisions cependant.

Comme le secrétaire général, le DRH fait une distinction pour les postes à profils scientifiques pointus pour lesquels il n’y a pas de candidat diplômé de l’enseignement national car les forma- tions dans ces domaines soit n’existent pas, soit sont très peu développées pour le moment au Maroc, à savoir notamment les Masters en physique nucléaire adaptés à l’oncologie, les formations d’ingénieurs médicaux et les formations en audit et qualité spécialisées dans la santé. Pour ces

postes précis, les diplômés de l’étranger ont ainsi plus de chances d’être recrutés. Il ne s’agit, ce- pendant, pas de préférences de recrutement à leur endroit, mais de manques de compétences dans ces domaines précis au niveau national. Il fait le parallèle entre ces besoins spécifiques et le déficit d’infirmiers et de pharmaciens qui sont amène ainsi l’entreprise à recruter de jeunes Ma- rocains diplômés des pays d’Europe de l’Est. Le secrétaire général, de son côté, précise que la ma- jorité des diplômés de l’étranger le sont de France, et un nombre moindre de Russie et d’Ukraine. Il explique les départs pour faire des études dans le domaine médical à l’étranger par deux moti- vations : soit ils n’ont pas été reçus dans les formations sélectives marocaines dont les critères sont très sélectifs et les effectifs très réduits (c’est selon lui le cas de ceux qui vont étudier la mé- decine et la pharmacie dans les pays d’Europe de l’Est), soit ils ont fait ce choix pour se spécialiser dans des domaines où les besoins se développent alors que les formations adéquates n’existent pas au Maroc ou ne sont pas encore reconnues.

On a aussi des profils qui manquent, des psychologues, des psychologues cliniciens. Jusqu’à présent on n’arrive pas à faire le plein. Depuis le premier concours on relance plusieurs fois. Mais pour certains profils on les a à pléthore (…). En psychologie clinique, on ne trouvait pas de lauréats ou alors on trouvait des gens fraîchement diplômés, ça montre que la filière était nouvelle, et souvent on trouve que les lauréats ne sont pas au niveau, hein. Quand on fait l’entretien on trouve qu’il y a des gens qui ne méritent pas d’être retenus. Ça, c’est pour les nouvelles filières qui n’existaient pas il y a quelques an- nées au Maroc. (SG Etablissement de santé public)

Le DRH ne présente pas explicitement de préférences pour un type de diplômés précis. A son avis, les diplômés de l’étranger ont, cependant, davantage d’expérience professionnelle, notamment à travers les stages et parfois les emplois qu’ils ont eus à l’étranger à la suite de leurs études ; ils représentent un moindre coût de formation pour l’établissement et sont, là encore, présentés comme potentiellement plus opérationnels ; leurs compétences en communication et en langue française sont aussi soulignées par opposition aux diplômés de l’enseignement national.

De son côté, le secrétaire général du même établissement fait le constat qu’il y a peu de différences entre les compétences des diplômés du système national et ceux de l’étranger : il n’y en a aucune au niveau des compétences techniques, mais celles qu’il a observées se situent plutôt au niveau de la communication, de la maîtrise du français, de « l’esprit d’initiative » de « l’autonomie, et de la créativité ». Selon lui, ces compétences sont plus développées chez les diplômés de l’étranger que chez les diplômés du système national qui « ont toujours besoin d’encadrement et qu’on leur

dise ce qu’il faut faire ».

Il souligne également le manque d’attractivité de la fonction publique pour les diplômés de spé- cialités de pointe du système national, et a fortiori pour les diplômés de l’étranger de retour qui considèrent que les salaires et les responsabilités accessibles dans la fonction publique ne sont pas à la hauteur de l’investissement de leurs familles pour financer leurs études à l’étranger. Selon lui, ces deux types de profils préfèrent de loin travailler dans des entreprises privées.

Parfois on ouvre des concours pour des profils pour lesquels on n’arrive pas à avoir de candidats. On fait tout ce qu’il faut, on publie l’annonce sur les sites de la fonction pu- blique et de l’emploi, dans les journaux, mais on ne trouve pas de candidats. C’est arrivé il y a peu de temps, on avait besoin d’un archiviste, on a lancé un concours, mais on n’a

pas pu en trouver. Un seul candidat s’est présenté, il a été admis à l’écrit, mais à l’oral il n’a pas voulu se présenter. (SG Etablissement de santé publique)

Il prend l’exemple des formations d’ingénieur biomédical qui, pour l’instant, n’existent pas au Ma- roc en expliquant l’importance des investissements nécessaires (en matériel de pointe, infrastruc- tures et formateurs) qu’il faudrait pour mettre en place de telles formations de sorte que, pour lui, il est, en tous cas pour le moment, beaucoup plus avantageux pour le Maroc d’envoyer des Maro- cains se faire former dans ce domaine à l’étranger (en l’occurrence en France). Il précise, d’ailleurs, à la fin de l’entretien que l’établissement débloque des fonds pour envoyer des employés en France dans des établissements partenaires pour des formations continues de courte durée (un maximum de trois semaines) dans certaines spécialités « pour avoir un peu une vision de ce qui se

passe de l’autre côté et une fois revenus pour qu’on puisse développer ensemble ».