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DE SANTÉ MENTALE : UN PANIER DE SERVICES INDISPENSABLES DANS TOUS LES TERRITOIRES

La loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre du système de santé ancrera dans les pratiques institutionnelles la logique du territoire, au sein duquel s’effectueront les parcours de santé des personnes présentant des troubles psychiques.

Pour une bonne part du public ayant besoin de soins psychiatriques, ces parcours sont longs et complexes. Ils associent des temps de soins (dépistage, interventions d’urgence et de crise, soins hospitaliers et ambulatoires, libres ou sans consentement, soins de réhabilitation psycho-sociale), des temps d’accompagnement médico-social plus ou moins soutenus, des temps d’actions d’inclusion, portés par les acteurs sociaux dans l’objectif de favoriser l’insertion ou la réinsertion sociale des personnes, en lien avec des politiques portées par les collectivités territoriales ou les services déconcentrés d’autres ministères.

Ces temps ne sont pas nécessairement des étapes successives mais peuvent être simultanés.

C’est autour de la situation singulière de chaque patient, qui doit être au centre des préoccupations des acteurs, que ces derniers doivent s’organiser pour être complémentaires. L’organisation des soins devra donc se penser au sein de territoires, dont le périmètre recouvre l’aire géographique de professionnels qui, au mieux, se connaissent et travaillent déjà ensemble. Ces territoires ont des caractéristiques sociodémographiques et de morbidité qui permettent d’effectuer des constats partagés, et de définir des objectifs prioritaires communs aux professionnels et aux usagers.

L’article 69 de la loi de modernisation de notre du système de santé fait une distinction claire entre la politique de santé mentale, branche de la santé publique, et l’organisation de la psychiatrie, la santé mentale n’étant pas de la responsabilité exclusive de la psychiatrie, mais la psychiatrie devant impérativement s’intégrer dans la politique de santé mentale.

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À cet égard, il opère une clarification sur la responsabilité des différents acteurs qui interviennent dans la santé mentale et pose un cadre pour l’élaboration future de textes réglementaires sur les conditions d’organisation pour répondre aux besoins des personnes.

Le concept de santé mentale auquel l’article 69 fait référence est celui dont l’OMS a donné la définition, dont le contenu va bien au-delà de la prise en compte des personnes atteintes de troubles mentaux : « La santé mentale est une composante essentielle de la santé », la santé étant définie comme « un état de complet bien-être physique, mental et social, [qui]

ne consiste pas seulement en une absence de maladie ou d’infirmité ».

De cette définition, il ressort que ce qui est susceptible de compromettre la santé mentale couvre un champ qui va du mal-être psychosocial aux troubles mentaux sévères et persistants (essentiellement troubles schizophréniques et troubles bipolaires et apparentés), en passant par les troubles mentaux fréquents (plus légers et/ou transitoires, états dépressifs, troubles anxieux, personnalités pathologiques, addictions, etc.), et qu’elle prend en compte les dimensions du soin et de la prévention, mais également de l’insertion sociale.

Des évolutions majeures sont intervenues au cours des dernières décennies, qui ont rendu incontournable le partage des responsabilités dans les parcours de santé :

dans l’évolution de la demande

: extension importante de la demande autour de troubles mentaux fréquents, de populations spécifiques (adolescents, personnes âgées) ou autour de problématiques sociales (précarité, disqualification sociale, stress au travail, situation des réfugiés et des migrants) ;

dans le champ sanitaire

: évolutions thérapeutiques qui rendent difficile le maniement de l’ensemble des techniques par une seule équipe, développement du rôle du médecin traitant, de la psychiatrie libérale, d’établissements autorisés en psychiatrie non sectorisés ;

dans le champ médico-social

: développement d’une offre d’établissements et services ayant compétence dans l’accompagnement vers l’insertion ; loi du 11 février 2005 pour l'égalité des droits et des chances, la participation et la citoyenneté des personnes handicapées, qui, en reconnaissant l’existence d’un handicap psychique, ouvre la voie au développement de compétences d’accompagnement, en ambulatoire ou en établissements ;

dans le champ social

: l’impact, en lien avec les acteurs sanitaires et médico-sociaux, des politiques de la ville, de l’Éducation nationale, du logement, du travail sur l’insertion des personnes est désormais reconnu.

83 L’article 69 s’inscrit sans ambiguïté dans le droit fil des intentions visionnaires ayant préfiguré en France, avant même la mise en place de la psychiatrie de secteur en 1960, le concept de parcours de santé des personnes souffrant de maladie mentale. C’est en effet en 1959, à Tours, au 57ème congrès de psychiatrie et de neurologie de langue française qu’Henri Duchêne évoque pour la première fois le concept de continuité des soins et que Lucien Bonnafé propose « de mettre en place une structure fondée sur le territoire au sein duquel les divers moyens concourent à la protection de la santé mentale pour desservir un secteur maximum de 100 000 habitants », au nom de ce nouveau concept.

L’article 69 s’appuie sur l’expérience fructueuse qui en a découlé et repense la politique de santé mentale ainsi que l’organisation de la psychiatrie en fonction des évolutions survenues depuis lors dans les champs sanitaires, sociaux et médico-sociaux.

C’est pourquoi cet article affirme aujourd’hui une mission spécifique de psychiatrie de secteur, inscrite dans le cadre plus global d’une politique de santé mentale, mission que nul autre qu’elle n’est en mesure d’assurer.

En raison du large spectre que recouvre la notion de santé mentale, de la complexité de nombreuses situations, de la diversité des intervenants concernés et du fait que chacun des acteurs ne peut, à lui seul, répondre à l’ensemble des besoins, la politique de santé mentale s’inscrit nécessairement dans un cadre coopératif large, incarné par un projet territorial de santé mentale (PTSM).

Le PTSM facilitera le parcours de l’usager, en mettant en relation tous les acteurs susceptibles d’intervenir à un moment ou à un autre dans ce parcours : médecins généralistes, familles et proches, psychiatrie de secteur et psychiatrie privée, associations d’usagers, élus locaux, pédiatres, infirmières libérales, enseignants et éducateurs, professionnels du social et du médico-social, de la police et de la justice, des services d’urgence hospitalière et de soins somatiques, d’aide à l’enfance et d’aide au logement, de l’insertion professionnelle et des entreprises.

Les territoires de santé mentale seront définis de manière à couvrir l’ensemble du territoire régional et suffisamment étendus pour rassembler l’ensemble des acteurs susceptibles d’y contribuer ainsi que l’ensemble des modalités et techniques permettant un repérage précoce et des prises en charge diversifiées, tant en matière de soins que d’accompagnement à l’insertion.

Ils constitueront un espace de coordination territoriale de second niveau, au-delà des offres de soins et d’accompagnement déployées en proximité des populations (y compris par les professionnels de premier recours et la psychiatrie de secteur).

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Ces espaces de démocratie en santé qui associent également les élus et les usagers, et dont les ARS devront s’assurer de la réelle vitalité, feront l’objet de constats partagés appelés diagnostics territoriaux partagés en santé mentale (DTSM) destinés à en repérer les lacunes et à définir des actions prioritaires de changement.

Les ARS disposeront notamment des contrats territoriaux de santé mentale (CTSM) comme leviers de ce changement, qui poseront le cadre des garanties de l’accès à un « panier de soins et de services » indispensables pour répondre aux besoins de la population du territoire concerné par un PTSM.

Pour être efficaces, il paraît indispensable que ces propositions relatives au panier de soins et de services se traduisent dans un texte réglementaire structurant.

4.1 Le secteur psychiatrique rénové dans le cadre du projet territorial de santé mentale

C’est le député Denys Robiliard qui a utilisé le premier, dans son rapport de mission au Parlement (2013), cette locution « le secteur rénové ». Il en résume sa conception par cette phrase : « il est impératif de rénover le secteur, autour d'une prise en charge intégrée qui privilégie l'inclusion sociale, et de renforcer les moyens humains et financiers dont bénéficie ce dispositif ».

Cette prise en charge intégrée, Édouard Couty l’envisageait déjà dans son rapport à Mme la Ministre de la santé (2009), en souhaitant que soit votée une loi susceptible d’intégrer « les différentes facettes de l’accompagnement et des prises en charge des usagers en santé mentale, des familles et des proches des malades : le repérage et le diagnostic précoce, l’accès aux soins rapide et adapté, le suivi personnalisé et continu, la réhabilitation sociale, la prévention des risques, la recherche autour des déterminants de la santé mentale, l’organisation rénovée des dispositifs nécessaires aux hospitalisations sans consentement comme les soins aux détenus ».

La loi de modernisation de notre système de santé a l’ambition, dans son article 69, de mettre en œuvre cette rénovation du secteur, tout en restant dans la ligne des circulaires fondatrices du 15 mars 1960 et du 14 mars 1972, et de la loi du 31 décembre 1985 relative à la sectorisation psychiatrique, mais aussi des différentes circulaires ayant progressivement amélioré le secteur, étayées par les rapports de plusieurs missions (Demay en 1982, Zambrowski en 1986, Massé en 1993, Psychiatrie et grande exclusion en 1996, Piel et Roelandt en 2001, Cléry-Melin en 2003, Couty en 2009 et Robiliard en 2013), particulièrement la circulaire du 14 mars 1990.

85 Il reste aussi dans la ligne des textes ayant contribué au développement du secteur médico-social, contemporain de la naissance du secteur psychiatrique :

• décret du 9 mars 1956 et arrêté du 7 juillet 1957 fixant les conditions de création des instituts médico-éducatifs et médico-professionnels,

• décret du 13 avril 1962 relatif au placement familial des personnes âgées ou infirmes,

• circulaire du 20 juillet 1970 regroupant sous l’appellation IME (institut médico-éducatif) les instituts précités en en fixant la conception générale, la planification, les conditions de fonctionnement et les financements,

• loi n°75-534 du 30 juillet 1975 d’orientation en faveur des personnes handicapées.

4.1.1 Des missions reprécisées

La loi de modernisation de notre système de santé affirme clairement que le secteur psychiatrique est en charge d’une « mission », assurée « par des équipes pluri-professionnelles, en coopération avec les équipes de soins primaires et les communautés professionnelles territoriales de santé », mission qu’il est possible de décliner comme suit, et dont la présence complète dans chaque territoire apparaît indispensable pour un soin et un accompagnement de qualité.

1°)

Le secteur psychiatrique facilite, dans le cadre du projet territorial de