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III – PROMOUVOIR ET RENFORCER LA CITOYENNETÉ DES PERSONNES MALADES

3.1 Les constats relatifs à la citoyenneté des personnes malades et à la déstigmatisation de la maladie mentale

3.1.1 Les constats en matière de citoyenneté et de droits des usagers

Les droits des usagers ont fait l’objet d’importants progrès à l’époque contemporaine (lois du 2 janvier 2002, du 4 mars 2002, du 11 février 2005, du 5 juillet 2011 sur les hospitalisations sans consentement, loi du 28 décembre 2015 relative à l’adaptation de la société au vieillissement et loi du 26 janvier 2016 de modernisation de notre système de santé).

Cependant, la psychiatrie ayant dans ses pratiques la possibilité d’hospitaliser une personne sans son consentement, la question des droits des usagers est certainement un peu plus sensible dans le domaine de la santé mentale. A titre d’illustration, il est à noter que le nombre total de saisines du juge des libertés et de la détention (JLD) dans le cadre de soins psychiatriques sans consentement a augmenté en 2014 (70.807 saisines en 2014 contre 65.200 l'année précédente), de même que le nombre de mainlevées accordées (passant de 5.476 à 5.699). Au total, 3.596 demandes de contrôle ont été sollicitées par le patient ou une « personne agissant dans son intérêt », contre 2.975 en 2013.

Cette hausse s'explique, pour une part, par l’augmentation des saisines opérées par les patients ou leur entourage.

Les pratiques sont parfois différentes d’un service à un autre sur des dimensions fondamentales comme la contention, l’accès à un téléphone portable, le maintien des liens avec la famille, la vidéosurveillance dans les chambres des patients les plus en difficulté.

Les solutions les moins respectueuses des droits des patients sont constatées dans les institutions où il n’y a pas eu de réflexion collective organisée. De ce point de vue, rien ne justifie de mettre les droits des patients entre parenthèses lors d’une crise.

77 Par ailleurs, il est noté que les lois de 201126 et 201327, si elles ont réalisé un gros effort de procédure, n’ont pas assez mis l’accent sur la formation et l’information des magistrats dans le domaine de la santé mentale et de la psychiatrie.

Également, des avancées très significatives ont été réalisées ces dernières années concernant les locaux des établissements de santé mentale, qui « imposent de pourchasser les exceptions qui subsistent »28

Concernant la représentation des usagers, et donc de l’expression de leurs droits par représentants interposés, a été constatée la difficulté de représentation des usagers dans les établissements de santé mentale, du fait notamment que les structures sont éclatées en de nombreuses structures hospitalières et extra hospitalières.

3.1.2 Les constats relatifs à la déstigmatisation de la maladie mentale

La maladie mentale, et la psychiatrie, sont encore très stigmatisées de nos jours, ce qui renforce le comportement de déni des malades car la reconnaissance d’une maladie mentale est extrêmement difficile pour la personne qui en est atteinte. Ce constat vient de plusieurs facteurs, tous liés à l’environnement sociétal :

• D’abord, ces sujets sont encore tabous et restent trop peu abordés hors des cercles professionnels, et notamment dans le milieu scolaire et professionnel.

• Ensuite, les médias jouent un rôle essentiel dans la stigmatisation, par l’utilisation de termes décontextualisés (autiste, schizophrène) et par le fait que la psychiatrie soit traitée dans les rubriques « société », non dans la presse médicale, et presque toujours sous l’angle de la violence et du danger.

• Enfin, une forme de culpabilité (parfois de culpabilisation) souvent forte pèse sur les familles, qui éprouvent de grandes difficultés à communiquer sur la pathologie dont souffre leur proche.

26 Loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l’objet de soins psychiatriques et aux modalités de leur prise en charge.

27 Loi n° 2013-869 du 27 septembre 2013 modifiant certaines dispositions issues de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011.

28 Jean-Marie Delarue, ancien contrôleur général des lieux de privation de liberté (entretien avec la mission).

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3.2 Les propositions destinées à renforcer la citoyenneté et les droits des personnes malades, et à lutter contre la stigmatisation de la maladie mentale

3.2.1 Les propositions destinées à renforcer la citoyenneté des personnes malades

L’amélioration de la citoyenneté des malades atteints de pathologies psychiatriques pourra passer par :

• Le développement des groupes d’entraide mutuelle (GEM).

• La formation à la citoyenneté, qui devrait être intégrée dans les projets d’établissement des établissements de santé et médico-sociaux.

• La création d’associations d’anciens usagers sur le principe de l’entraide par les pairs.

3.2.2 Les propositions destinées à renforcer les droits des usagers de la psychiatrie

Plusieurs mesures peuvent être envisagées afin d’accroître les droits des usagers en psychiatrie :

- Rédiger un règlement intérieur dans chaque établissement sur les questions relatives aux droits fondamentaux, notamment l’adaptation des droits des patients à la crise, élaborer et utiliser les recommandations de bonnes pratiques comme elles qui existent concernant la contention.

- Accroître la représentation au sein des établissements publics de santé : o Nommer plus de deux représentants des usagers dans les

établissements publics de santé mentale.

o Nommer trois représentants des usagers au sein des conseils de surveillance des établissements publics de santé généraux : 1 pour le MCO (médecine-chirurgie-obstétrique), 1 pour les personnes âgées et 1 pour les malades psychiatriques.

o Proposer à chaque établissement de santé mentale, sur la base du volontariat, d’organiser chaque année une séance du conseil de surveillance dont l’ordre du jour soit prévu exclusivement par les représentants des usagers ou que chaque séance comporte systématiquement un ou plusieurs points de son ordre du jour présentés par lesdits représentants.

79 - Renforcer la démocratie en santé :

o Prévoir des modalités spécifiques afin de mieux prendre en compte la parole et les propositions des usagers dans les instances : par exemple, dans le rapport annuel de toutes les structures et de toutes les instances, rendre obligatoire l’intégration du rapport des usagers en annexe.

o Assurer la participation effective des usagers dans le cadre des visites de certification.

o Demander aux ARS de lancer des appels à projets sur la démocratie sanitaire en direction des établissements de santé mentale, sur la base d’un cahier des charges précis, élaboré en partenariat avec les représentants des usagers.

o Inviter les conférences régionales de la santé et de l’autonomie (CRSA) à élaborer des propositions en régions.

- Généraliser le dispositif de la personne de confiance.

3.2.3 Les propositions destinées à lutter contre la stigmatisation de la maladie mentale

Plusieurs propositions sont faites concernant les aspects médiatiques, de communication et partenariaux :

- Agir en direction de la sphère médiatique :

o « Jumeler » les promotions d’internes en psychiatrie et celles de journalistes :

Organiser des stages en psychiatrie pour les journalistes comme cela se fait déjà dans certaines écoles de journalisme et des stages de communication pour les internes.

Mettre en place des modules de formation pour les journalistes en poste.

o Elaborer une « charte de communication positive en psychiatrie » (sur le modèle de ce qui s’est fait en oncologie), mettre en place une communication plus positive et l’articuler avec les enjeux concrets dans les territoires, notamment pour l’accessibilité des logements sociaux pour les personnes handicapées psychiques.

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- Envisager un travail de communication :

Avec l’agence nationale de santé publique (ANSP), pour toutes les campagnes qui ont prouvé leur efficacité : à titre d’exemple, « PSYCOM Information et Santé mentale »29 réalise des travaux dans le domaine de l’information, la lutte contre la stigmatisation, la promotion des droits et de la participation des usagers, la formation (notamment la gestion du secrétariat général du collectif national des semaines d'information sur la santé mentale, via un financement de la DGS et de l’INPES).

La qualité des travaux menés par PSYCOM justifie qu’on s’en inspire afin de généraliser ce type de démarches, en particulier la diffusion de brochures favorisant la déstigmatisation de la maladie mentale. Ces démarches méritent pleinement d’être soutenues et financées par les pouvoirs publics et leurs opérateurs, principalement l’INPES, en ce qu’elles permettent non seulement de mieux connaître la maladie mentale, et donc de mieux la comprendre, mais aussi d’agir davantage en matière de prévention dans la communauté et dans la cité.

- Mettre en place des campagnes locales, en lien avec les usagers et les pairs (les programmes locaux, impliquant les usagers et adaptés aux différents publics, sont à privilégier) sur la base des expériences qui ont fait leurs preuves en France ou à l’étranger.

- Développer les partenariats favorisant l’inclusion des personnes dans la cité :

À titre d’exemple, ce doit être le cas avec l’Éducation nationale : informations des élèves concernant les maladies mentales et les troubles mentaux, formations des enseignants et des autres personnels pour favoriser la sensibilisation à ces maladies, partenariats entre notamment la psychiatrie infanto-juvénile, la protection maternelle et infantile (PMI) et le service de santé scolaire.

29Cf annexes, rubrique relative aux dispositifs innovants.

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IV – DÉFINIR ET METTRE EN PLACE LA NOUVELLE