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ARTICLE 3 : Recent upsize of marine protected areas matches with home range of grey reef sharks

I.3 Saisonnalité

L’étude d’un grand nombre d’individus a également permis de mettre en évidence le caractère saisonnier des déplacements à large échelle spatiale chez le requin gris.

La télémétrie acoustique ne représente pas l’outil optimal pour suivre ce type de déplacements. L’emploi de marques satellite de type GLS (Global Location Sensor) ou Argos, permettant de s’affranchir de la nécessité d’un réseau de récepteurs mais bien plus onéreuses, présenterait toutefois le risque de s’avérer inutile si déployées sur des individus peu mobiles. Le requin gris est en effet documenté comme une espèce majoritairement résidente (Vianna et al. 2013; Espinoza et al. 2015a; Brodie et al. 2018), ce que les résultats de cette thèse confirment. Cependant, ces résultats apportent aujourd’hui des informations permettant de cibler les individus les plus susceptibles de montrer des déplacements à large échelle et pouvant donc se montrer de bons candidats pour le déploiement de marques satellites. Ainsi, sélectionner des mâles adultes capturés entre Juillet et Septembre, pendant la saison de migration, permettrait de mieux évaluer les patrons de dispersion à large échelle chez cette espèce. Bien que les analyses du chapitre 2 n’aient permis d’identifier qu’un nombre limité de grands migrateurs, elles ont également suggéré qu’un nombre bien plus important était également susceptible d’avoir entrepris de tels déplacements. En effet, les individus désignés dans ce chapitre comme passagers saisonniers (seasonal transients) ont tous été capturés pendant la saison de migration et sont quasi-exclusivement des mâles adultes. Leur comportement pendant le reste de

152 l’année nous est inconnu et le déploiement de marques satellites permettrait de répondre à des questions sur leur origine, leur destination, et si leurs déplacements les emmènent loin au-delà de l’étendue du réseau d’hydrophones.

Le caractère saisonnier des déplacements à grande échelle permet également d’éclairer certains des questionnements émis par Juhel (2016). L’un des objectifs de Juhel (2016) portait sur l’étude de l’abondance des requins de récifs au travers de l’archipel de Nouvelle-Calédonie, grâce au déploiement de près de 400 caméras appâtées. Juhel (2016) s’est notamment questionné sur l’importance du biais que pouvait représenter d’éventuelles variations temporelles d’abondance sur les récifs, et si le timing des déploiements entrepris sur les différentes régions de l’archipel pouvait être responsable des différences spatiales observées. Juhel (2016) a pour cela réalisé un suivi temporel des récifs Aboré et MBéré proches de Nouméa, et a constaté une apparente diminution d’abondance en Août, sans que cette tendance ne soit néanmoins significative (Figure 53).

Cette diminution d’abondance pourrait correspondre au départ d’un certain nombre d’individus pendant cette saison et coïnciderait avec les déplacements mis en évidence lors de la thèse ci- présente. En effet, tandis qu’une proportion non négligeable (6/24) des individus marqués à Nouméa a été observée à entreprendre une migration vers le Nord de la Grande Terre durant cette saison, la moitié (12/24) a été observée à entreprendre un déplacement de plus faible ampleur vers le Sud du réseau de Nouméa (récif Kué ; Figure 54). Ces deux phénomènes pourraient expliquer les diminutions d’abondance observées lors du mois d’Août par Juhel (2016) dans les parties nord des récifs de Nouméa.

Figure 53. Suivi temporel des abondances de requin de récif sur les récifs de Nouméa (Juhel, 2016).

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Figure 54. Illustration d’une migration vers le Sud du réseau de Nouméa par un mâle adulte en 2017. Le graphe de gauche représente les détections au site de marquage (en noir) et les détections au niveau des autres hydrophones du réseau. La couleur des détections représente leur chronologie (de vert vers rouge) tandis que leur position représente la position de l’hydrophone sur un axe Nord-Sud. Le graphe de droite représente les déplacements entre sites par des flèches de couleur correspondant aux détections affichées sur le graphe de gauche.

La saisonnalité dans les patrons de déplacements observés à l’échelle de l’archipel représente donc une source de biais potentielle pour les patrons spatiaux d’abondances observés. Cependant, en étudiant les dates de déploiement des caméras dans les différentes régions de l’archipel, il semble qu’une telle source de biais ait eu peu d’incidence sur ses résultats. En effet, la grande majorité des déploiements a été effectuée en dehors de la saison de migration (Figure 55). Les sites de Beautemps- Beaupré et de l’Astrolabe, parmi ceux présentant les plus fortes abondances reportées par Juhel (2016), ont cependant tous deux été échantillonnés uniquement pendant la saison de migration. Il semble toutefois peu probable que les abondances reportées sur ces sites aient été surestimées en réponse à une immigration d’individus depuis des régions alentours, considérant l’isolement géographique de ces récifs.

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Figure 55. Dates des déploiements de caméras appâtées dans le cadre de la thèse de Jean-Baptiste Juhel (Juhel, 2016).

II Vers une meilleure protection des requins de récif

La protection des écosystèmes marins est généralement appréhendée selon deux perspectives distinctes et parfois antagonistes : la conservation et l’optimisation des rendements des pêcheries (Botsford et al. 2003; Gaines et al. 2010). Concernant cette dernière perspective le débordement, ou

spillover, des individus depuis les zones protégées vers les zones de pêche adjacentes constitue

l’objectif premier, et invite plutôt à la mise en place de nombreuses petites AMPs interconnectées (Hastings and Botsford 2003; Gaines et al. 2010). Cependant, un tel débordement dans un contexte de

155 protection est généralement plus pertinent pour des espèces sédentaires à dispersion larvaire (Grüss et al. 2011). Dans le cadre de cette thèse, la protection des requins de récif est fondamentalement considérée dans une perspective de conservation, où l’objectif est de maintenir ou rétablir les populations au sein des zones protégées. Un débordement des individus hors des zones protégées est donc au contraire à éviter car potentiellement associé à un risque de mortalité accru (Gaines et al. 2010).