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Compréhension des mécanismes par lesquels l’Homme impacte l’utilisation de

ARTICLE 3 : Recent upsize of marine protected areas matches with home range of grey reef sharks

II.2 Perspectives

II.2.1 Compréhension des mécanismes par lesquels l’Homme impacte l’utilisation de

Les résultats issus du chapitre 2 ont permis de mettre en évidence un impact de la proximité humaine sur l’utilisation de l’espace par le requin gris, et notamment sur la taille de son domaine vital. Il reste cependant des questionnements sur les mécanismes à l’origine de cette corrélation. Il est en effet

161 difficile de conclure si cette corrélation est liée à un effet de type Allee sur la difficulté à trouver des partenaires sexuels, à une réduction de la disponibilité en proies amenant les individus à évoluer sur de plus grandes surfaces ou à un dérangement par la simple fréquentation plaisancière. Il existe aujourd’hui plusieurs pistes d’investigation pour chercher à mieux comprendre les mécanismes à l’origine de cette corrélation.

Le déploiement de réseaux d’hydrophones plus densément implantés sur les récifs de Nouméa et du Grand Lagon Nord, avec idéalement un site intermédiaire entre les deux, ainsi qu’un échantillonnage équilibré entre sexes et stades ontogéniques, pourrait permettre d’élucider quels aspects des déplacements des requins de récifs sont les plus affectés par la proximité humaine. Un site intermédiaire pourrait en effet apporter des informations précieuses car il complèterait la couverture du gradient humain pour mieux étudier l’impact de l’Homme sur les requins de récif. En effet, le Grand Lagon Nord, deuxième région en termes de proximité à l’Homme dans le dispositif actuel, pourrait déjà représenter un niveau de proximité suffisamment faible pour ne pas impacter cette espèce. La seule région de Nouméa comme témoin de l’impact anthropique pour l’analyse employée dans le cadre de cette thèse pourrait être une des principales limites aux conclusions apportées. Le déploiement de tels réseaux densément implantés permettrait d’étudier ces déplacements à plus fine échelle spatiale et d’identifier plus précisément la nature de ces déplacements : fuite, recherche de nourriture ou recherche de partenaire notamment. L’utilisation de marques « accéléromètres » pourrait également apporter des informations sur la nature des activités des individus (repos, chasse) et donc sur leurs budgets énergétiques, un aspect primordial pour l’étude de la fitness des individus et d’un éventuel impact de la proximité humaine sur celle-ci.

Une piste plus concrète ne nécessitant pas l’acquisition de nouvelles données serait également à explorer. Il serait intéressant d’incorporer des données de signature isotopique des tissus pour étudier les liens entre patrons de déplacements et comportement alimentaire, ainsi que l’impact de la proximité humaine sur ces derniers. En effet, les individus marqués au cours de cette thèse ont également subi lors de leur capture un prélèvement de sang, de chair et de peau pour de telles analyses. Ces échantillons ont depuis été traités par Germain Boussarie et les données de fractionnement isotopique seront bientôt disponibles. Ces fractionnements peuvent apporter des informations sur divers aspects du comportement alimentaire des individus. Ainsi, le niveau de fractionnement de l’isotope 13 du carbone peut apporter des informations sur l’habitat préférentiel d’alimentation d’un individu (pélagique vs récifal vs lagonaire ; McCauley et al. 2012; Curnick et al. 2019). Les niveaux de fractionnement du carbone 13 et de l’azote 15, et plus précisément le contraste de ces niveaux entre différents tissus caractérisés par des délais de renouvellement différents, peuvent apporter des informations sur le degré de spécialisation alimentaire d’un individu (Matich and Heithaus 2015). De tels comportements alimentaires pourraient être corrélés à certains patrons de déplacements, par exemple à une fréquentation de l’habitat récifal, ou à une variation de cette fréquentation dans le temps. L’apport conjoint de ces deux sources d’information à une étude comparative de zones impactées et isolées pourrait aider à mieux comprendre l’impact des activités humaines sur le requin gris. Par exemple, il serait intéressant d’évaluer si l’impact de l’Homme sur la taille du domaine vital des individus est lié à une modification de leur comportement alimentaire. Un impact de l’Homme via une diminution de la disponibilité en proies pourrait se traduire par une diminution du niveau trophique des requins, forcés de se nourrir sur des proies plus petites. Une diminution de la disponibilité en proies récifales pourrait également entrainer une alimentation plus importante en habitat pélagique. Une telle diminution de la dépendance à l’habitat récifal pourrait amener un individu à être moins inféodé à une portion récifale en particulier, et donc être responsable de la corrélation positive entre proximité humaine et taille de domaine vital.

162 La nature des activités humaines impactant le plus les requins de récif pourrait également être étudiée de manière plus approfondie en comparant divers niveaux de protection d’AMPs. Ainsi, comparer les réserves d’Aboré et de Merlet, toutes deux couvrant une surface similaire d’habitat (pente externe), mais présentant une interdiction de prélèvement pour la première et une interdiction totale de fréquentation pour la seconde, pourrait apporter des informations en ce sens. Une telle comparaison a été tentée au cours de cette thèse en déployant un réseau d’hydrophones au sein de la réserve Merlet. Malheureusement, l’étude de ce site a été abandonnée à la suite de 2 semaines de pêche infructueuse. Les raisons de cet échec nous sont aujourd’hui encore inconnues, considérant les abondances plus fortes et le comportement plus audacieux des individus face à un appât en comparaison avec les récifs de Nouméa (Juhel et al. 2017, 2019), où la pêche a pourtant été plus fructueuse.

Une alternative à cette étude pourrait être de comparer les patrons de déplacements des individus entre semaine et week-end, la fréquentation plaisancière des récifs aux alentours de Nouméa étant fortement dépendante de cette variable (Gonson et al. 2016). Les résultats préliminaires d’une telle étude n’indiquent cependant pas un impact du jour de la semaine sur la fréquentation des récifs (présence/absence horaire et journalière) par les requins marqués autour de Nouméa.