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S’approprier les principes de coélaboration de connaissances

Dans le document Si vous aviez à expliquer ce qu’est la (Page 105-114)

CHAPITRE III : Enseigner et faire apprendre en intégrant la vidéoconférence

4.2 Accompagnement d’une démarche de coélaboration de connaissances dans une

4.2.1 Éléments à prendre en considération avant une situation d’apprentissage de

4.2.1.1 S’approprier les principes de coélaboration de connaissances

Précisons d’entrée de jeu qu’il n’existe pas de procédure linéaire unique pour mener à bien une démarche de coélaboration de connaissances. C’est pourquoi nous débutons cette section en présentant quelques principes clés qui inspirent les enseignants expérimentés

de l’ÉÉR dans la façon dont ils gèrent la dynamique de leur classe et interviennent auprès des élèves. Ces principes sont issus d’une vingtaine d’années de recherches effectuées auprès de classes par les chercheurs Carl Bereiter et Marlene Scardamalia de l’Université de Toronto et leurs collègues qui font partie de l’Institute for Knowledge, Innovation and Technology (IKIT). Les premiers ont formulé 12 principes de coélaboration de connaissances (Scardamalia, 2002) mais nous en présentons ici une réorganisation condensée en cinq groupes.

Collaboration et complémentarité des idées à partir de questions réelles et de problèmes authentiques

Tel qu’évoqué dans la section précédente, le questionnement est un élément fondamental dans une classe qui coélabore des connaissances. Plutôt que de fournir d’entrée de jeu une série de consignes et de procédures, et un contenu bien ficelé, l’enseignant qui intervient dans une telle classe cherche d’abord à mettre à contribution le questionnement des élèves.

Qu’est-ce qui, dans le monde qui les entoure, dans le «vrai monde», suscite leur curiosité, leur désir d’en savoir plus?

Les questions que les élèves se posent et les problèmes qu’ils désirent résoudre créent un

«vide à combler» qui est propice à l’apprentissage. Ils amènent les élèves à vouloir passer d’un état du type «nous ne savons pas; nous ne comprenons pas» à un état du type «nous voulons savoir, comprendre davantage». En d’autres mots, ils créent le besoin d’apprendre, de découvrir de nouvelles choses.

Les enseignants expérimentés savent que les questions et les problèmes qui proviennent des élèves eux-mêmes sont parfois plus puissants que ceux qu’ils peuvent eux-mêmes leur soumettre. Pourquoi? Parce que les questions des élèves vont avoir tendance à les engager encore davantage dans le processus d’apprentissage du fait que c’est eux qui ont identifié le «vide à combler»; un vide qu’ILS veulent «vraiment» combler (Bereiter &

le concept de motivation intrinsèque, voir la notion de conflit cognitif) plutôt qu’être imposée par l’extérieur, en l’occurrence l’enseignant.

Ce qui est rassurant pour ce dernier, c’est que le Programme de formation de l’école québécoise (MEQ, 2001) offre une latitude appréciable pour considérer les questions des élèves, tout en atteignant ses objectifs et en faisant acquérir les connaissances et développer les compétences prescrites. Cela dit, il faut reconnaître que les enseignants connaissent leurs élèves et qu’ils peuvent être fins renards pour identifier des questions qui vont piquer leur curiosité; auquel cas, cette façon de faire peut aussi être mise à contribution.

En outre, dans une classe qui coélabore des connaissances, l’enseignant s’efforce :

 De mettre en place et de valoriser des comportements de collaboration entre les élèves;

 D’expliquer que les idées des uns et des autres, bien que parfois différentes, ne sont pas en opposition, mais qu’elles peuvent plutôt contribuer à mieux comprendre les questions et les problèmes qui les intéressent.

L’objectif est de parvenir à un engagement collectif, de développer un esprit d’équipe et de faire prendre conscience aux élèves qu’ils cheminent ensemble.

Amélioration et diversification des idées de manière participative par le biais du discours

L’enseignant d’une classe qui coélabore des connaissances encourage les élèves :

 À exprimer les idées qu’ils ont par rapport au questionnement du groupe;

 À en conserver des traces écrites sur le forum électronique qui sont accessibles à toute la classe en réseau.

Pour favoriser cette expression, l’enseignant s’appuie sur le climat de confiance et de respect qu’il a mis en place au sein de la communauté d’apprentissage (voir chapitre 2). Il encourage aussi les élèves à écouter et à lire les idées des autres, et à en considérer la valeur. Plus les idées de la classe seront riches et diversifiées, plus complètes les pistes de réponses seront-elles susceptibles d’être. En outre, l’enseignant cherche à engager la classe dans une démarche d’amélioration des idées. Ainsi, l’objectif de la classe n’est pas tant de compléter les étapes d’une activité ou d’une tâche donnée, mais plutôt de chercher à comprendre le mieux possible la ou les questions qu’elle se pose. La majeure partie du travail d’une classe qui coélabore des connaissances réside donc dans la recherche d’explications qui sont les plus crédibles possibles.

L’enseignant encourage et demande aux élèves de participer à cette démarche d’investigation. Il n’est donc pas le seul à chercher des pistes de réponses; les élèves s’y impliquent activement en :

 Cherchant;

 Lisant;

 Fouillant;

 Se documentant;

 Comparant;

 Partageant par écrit;

 Expliquant aux autres verbalement;

 Collectant des données dans le cadre d’une expérimentation;

 Reformulant leurs idées;

 Confrontant des points de vue différents;

 Évoquant de nouvelles hypothèses à la lumière de nouvelles informations découvertes, etc.

Cela s’effectue en étant soutenus, au besoin, par l’enseignant ou par des pairs. La classe a un objectif principal en tête : faire progresser la compréhension du groupe à l’égard du questionnement ciblé. L’énergie collective se mobilise et est mobilisée par l’enseignant autour de cela.

Responsabilisation des élèves dans un esprit démocratique

La classe qui coélabore des connaissances se partage des responsabilités et l’enseignant implique les élèves dans l’identification de ces responsabilités; il n’est pas seul à décider.

À titre d’exemple, dans des classes de l’ÉÉR qui ont travaillé à propos des répercussions des changements climatiques, il a fallu déterminer des volets plus spécifiques par rapport auxquels aborder la question initiale :

 Un petit groupe d’élèves a accepté d’être mandatés par la classe pour fouiller plus spécifiquement les répercussions sur la faune;

 Un autre groupe s’est documenté à propos des conséquences sur la flore.

Dans le cadre d’une autre activité, où des classes de régions différentes travaillaient conjointement sur le thème de l’énergie, une classe de la Baie-James s’est concentrée sur l’énergie hydraulique alors qu’une de la Gaspésie a exploré l’énergie éolienne et qu’une troisième classe de la Mauricie s’est chargée de l’énergie nucléaire.

Responsabiliser, ce peut être aussi un ou des élèves qui :

 S’occupent d’aller interroger quelques personnes à l’extérieur de la classe;

 Se chargent de formuler quelques questions spécifiques que d’autres élèves poseront à un expert du sujet par le biais de la vidéoconférence et dont ils rapporteront ensuite les réponses à l’ensemble de la classe;

 Préparent l’ébauche d’un texte pour rendre compte, dans un journal scolaire, des découvertes que la classe a effectuées en travaillant sur le forum;

 Prennent quelques instants pour vérifier la signification d’un mot que la classe ne comprend pas pendant qu’elle lit un texte qui porte sur le sujet de leur questionnement initial;

 Vont collecter des données sur le terrain;

 Rapportent sur le forum le résultat d’une discussion en face à face entre quelques élèves, etc.

À d’autres occasions, ce peut être l’ensemble de la classe, animée par l’enseignant, qui travaillent de concert en projetant sur écran, à partir d’un projecteur multimédia, les idées écrites jusqu’à présent sur le forum électronique afin de procéder à une synthèse ou à une réorganisation.

Bref, la classe gère ses efforts et ses énergies de façon productive en ayant en tête l’avancement du questionnement qu’elle désire élucider. Cela implique qu’il y a des moments où le travail s’effectue de façon individuelle, en équipe, en grand groupe, et ce autant en classe qu’avec d’autres classes. En outre, il y a une diversité de tâches réparties entre les élèves, en fonction de leurs forces et de leurs intérêts. L’important, c’est que chacun ait sa part de responsabilité et qu'il participe à l’effort collectif. Chacun peut avancer à son rythme et selon son potentiel, tout en se sentant impliqué dans l’avancement de la classe.

Le Knowledge Forum comme outil de différenciation, c’est fantastique, c’est merveilleux! Les élèves peuvent aller à leur rythme, autant dans la lecture que dans l’écriture.

Philippe Van Chesteing, enseignant au primaire à la commission scolaire des Laurentides

Considération de sources fiables tout au long de la démarche d’investigation

Lorsqu’ils sont placés en situation de coélaboration, les élèves parviennent assez facilement à énoncer des réponses préliminaires à la question explorée, à formuler des hypothèses explicatives à propos d’un événement, d’un phénomène, d’une situation. C’est une première étape. L’enseignant expérimenté amène la classe à documenter ses idées initiales à partir de données factuelles afin d’en vérifier le potentiel, la justesse, l’exactitude, la véracité, la pertinence. Une variété de façons peut être utilisée pour y parvenir.

 Les élèves peuvent effectuer des recherches sur Internet;

 Ils peuvent consulter des volumes de référence à la bibliothèque;

 L’enseignant peut présenter une capsule d’information spécifique au groupe pour les aider à comprendre quelques concepts clés à la base du problème exploré;

 Un expert de la communauté peut être interrogé par le biais de la vidéoconférence;

 Un parent qui travaille dans le domaine qui concerne le problème sur lequel la classe se penche peut venir en classe pour répondre aux questions des élèves;

 Un groupe d’élèves peut organiser une expérience, avec l’assistance de l’enseignant;

 Une rencontre avec des élèves d’une autre région, voire d’un autre pays, peut être organisée en vidéoconférence pour partager des observations locales qui serviront de base comparative;

 Un invité crédible par rapport au sujet traité peut venir rétroagir sur le forum électronique;

 L’enseignant peut organiser une sortie en plein air au cours de laquelle les élèves auront l’occasion d’observer des éléments de la nature;

 Des groupes d’experts (voir notamment la formule du Casse-Tête (Jigsaw)) peuvent être créés pour documenter des aspects spécifiques en lien avec le questionnement général initial, etc.

L’idée générale à retenir ici, c’est d’organiser des moments où les élèves chercheront à appuyer leurs idées initiales, et faire en sorte que ces moments contribuent de près à la résolution du problème authentique ciblé, de la question initiale.

Évaluation partagée, en contexte, tout au long du processus

Dans une classe qui coélabore des connaissances, une place importante est accordée à l’observation des processus sociaux et cognitifs en cours d’apprentissage (Nirula, Woodruff, Scardamalia & MacDonald, 2003). Cette observation est ancrée à même la démarche d’amélioration des idées à laquelle la classe prend part, plutôt qu’être effectuée en vase clos, c’est-à-dire dans un contexte distinct ou dans le cadre d’une activité indépendante.

Plus concrètement, cela signifie que les élèves sont constamment en alerte par rapport à la démarche d’investigation à laquelle ils prennent part (voir le concept de métacognition).

Ils réfléchissent à la pertinence des initiatives qui sont prises et des contributions qui sont effectuées, en cours de démarche, et pas seulement a posteriori. Les élèves régulent périodiquement leurs façons de faire le point sur la qualité et la pertinence du travail accompli jusque-là. L’enseignant expérimenté amène les élèves à se poser des questions comme les suivantes à propos du travail qu’ils ont personnellement effectué, mais aussi à propos de celui effectué par l’ensemble de la classe. En ce sens, on peut dire que l’observation des processus de travail est partagée entre les participants.

 Où en sommes-nous dans notre travail?

 Que savions-nous du sujet (du problème) avant de commencer?

 Qu’avons-nous appris depuis que nous avons commencé?

 Quels sont des éléments de la question à propos desquels nous en savons encore trop peu?

 Y a-t-il des idées qui sont incomplètes?

 Que pourrions-nous faire pour essayer d’en savoir plus à propos de cet aspect en particulier?

 Y a-t-il des idées que nous pouvons maintenant mettre de côté? Lesquelles?

Pourquoi?

 Voyez-vous des façons de relancer notre exploration de la question qui plafonne depuis quelques jours?

 Connaissez-vous des personnes qui pourraient nous aider à mieux comprendre cet aspect du problème?

 Quels sont les principales conclusions et constats que nous pouvons tirer jusqu’à présent?

 Quel plan de travail pourrions-nous nous donner pour notre dernière semaine de travail sur cette question?

L’idée générale est d’amener progressivement les élèves à prendre du recul et à faire preuve de rigueur par rapport au travail effectué, plutôt que de dépendre uniquement des rétroactions et de la sanction de l’enseignant à cet égard.

La concrétisation des cinq principes que nous venons de présenter peut prendre différentes formes dans une classe en réseau. Les prochaines sections présenteront une diversité de façons de faire.

Dans le document Si vous aviez à expliquer ce qu’est la (Page 105-114)