• Aucun résultat trouvé

La séparation de source supervisée peut être effectuée à l’aide de trois ensembles de méthodes dé-taillées ci-après : la profondeur de bande, les méthodes linéaires, les méthodes non-linéaires.

Un historique des méthodes de séparation de source est proposé par Keshava et Mustard (148).

5.2.1 Profondeur de bande

Pour s’affranchir des effets du continuum et s’affranchir d’une éventuelle mauvaise calibration, la méthode usuelle des astronomes est basée sur la profondeur de bande, notée B basée sur un rapport

de bandenoté R. Cette méthode a fait l’objet de la section 2.1 page 39 pour ses qualités concernant la

et la classification, car elle produit un indicateur d’ “abondance”. Ces interprétations ont été entre autre faites par Langevin et al. sur les glaces martiennes (172).

Les études numériques produites au chapitre 4.2 page 82 et notamment les résultats des figures 4.5, 4.6 et 4.7 donnent des indications sur les limites de cette méthode . Deux définitions de profondeur de bande sont étudiées :

– Ratio LPG : C’est une profondeur de bande BH2O(2, 5µm) de la glace d’eau (voir équation 2.2

page 39)

– Ratio IAS : C’est une profondeur de bande BH2O(1, 5µm) de la glace d’eau (voir équation 2.4

page 40).

Est-ce que ces profondeurs de bande indiquent bien une abondance ? Quels sont les effets des conditions géométriques, des absorptions par les gaz atmosphériques ? Quels sont les effets des mélanges entre différents corps ? Pour répondre à ces questions, analysons les études numériques précédentes :

1. Cas d’un mélange intime poussière/glace d’eau (expérience 1).

– En étudiant la relation entre la profondeur de bande et l’abondance massique réelle, il est pos-sible d’estimer la qualité de l’estimation. La première expérience numérique (voir figure 4.5) montre qu’il existe une relation bijective proche de l’égalité entre les rapports IAS et LPG d’une part, et l’abondance. Cette relation est valable indépendamment des conditions géométriques. Le contraste de taille de grain de poussière et d’eau, d’un ordre de grandeur seulement, ne malmène pas la bijectivité.

– En comparant les résultats avec l’atmosphère (voir figure 4.5) et sans (voir figure 4.6), il parait évident que les gaz atmosphériques n’ont pas d’effets significatifs sur l’estimation de l’abon-dance pour aucun des deux rapports. La contribution des absorptions des gaz atmosphériques étant quasi nulle sur les canaux utilisés.

2. Cas d’un mélange intime poussière / glace d’eau / glace de CO2(expérience 2).

– En étudiant la relation entre la profondeur de bande et l’abondance massique réelle, il est pos-sible d’estimer la qualité de l’estimation. La seconde expérience numérique (voir figure 4.7) montre que la relation bijective n’existe plus. Un mélange intime comportant des tailles de grains différents (plus de trois ordres de grandeur de différence) conduit à une mauvaise estimation des abondances.

– Les effets géométriques peuvent être estimés grâce à l’écart entre les points de couleur rouge par rapport aux points de couleur bleue, correspondant à deux situations géométriques extrêmes. Les deux expériences (voir figure 4.5 et 4.7) montrent que les points sont toujours relativement proches. Ces effets ne sont donc pas prépondérants pour les ratios. Notons tout de même que l’expérience 2 semble assujettir plus fortement les ratios aux effets géométriques.

– Le recouvrement des bandes de glace d’eau et CO2, présent pour le Ratio LPG dans l’expérience

2, produit un effet d’éclatement du nuage de points (voir figure 4.7) plus important que pour le Ratio IAS. Le Ratio IAS est construit pour répondre à ce problème de recouvrement tandis que Ratio LPG n’a pas été produit dans ce but. La poussière est un corps spectralement neutre, sans bande d’absorption, qui ne produit pas d’altération du signal de profondeur optique. Il n’y a donc pas de différences entre les deux Ratios pour l’expérience 1 (voir figure 4.5). En

revanche, la glace de CO2est un corps optiquement absorbant qui modifie fortement l’indicateur

de profondeur de bande. L’expérience 2 met en évidence ce fait, car l’éclatement du nuage de points est plus important pour le Ratio LPG, notamment quand la proportion massique d’eau est de 0%.

Les trois caractéristiques limitantes, exposées à la section 2.1 page 39, sont toujours valides. Ces ex-périences numériques montrent que le recouvrement de bande d’absorption induit des effets non négli-geables sur les spectres, illustrant la dernière caractéristique limitante.

5.2.2 Mélange linéaire

Cette méthode consiste à prétendre que chaque spectre mesuré est une combinaison linéaire de spectres de référence. Les différents types de spectre de référence sont détaillés au chapitre de réduc-tion de dimensionnalité (voir secréduc-tion 2.2 page 41). Les coefficients de mélange linéaire entre pôles sont interprétés comme des abondances. L’équation linéaire sur des spectres en réflectance devient :

S(λ ) = Ns

i=1 αi.Si(λ ) + ε(λ ) (5.4) Avec :

S(λ ) : spectre (en général mesuré en facteur de réflectance).

αi : coefficient de mélange ou proportion de mélange de la source “i”

Si(λ ) : spectre associé à la source “i” (en général mesuré en facteur de réflectance)

Ns: nombre de sources

ε (λ ) : erreur à minimiser (bruit + incohérences du modèle)

Dans un cube hyperspectral, il existe Nz spectre, noté d’un indice “z” : Sz(λ ) = Cλ ,z, l’équation

linéaire s’écrit en notation matricielle :

Cλ ,z= Sλ ,ii,z+ ελ ,z (5.5)

Cette équation linéaire est valable uniquement en effectuant les hypothèses ML détaillées au chapitre 5.1. Conjointement à ces hypothèses, la séparation de source linéaire se fait en général sans contribution atmosphérique. Le terme Φ(λ ) des absorptions atmosphériques est soit négligé, soit incorporé dans un des pôles de la combinaison linéaire, soit éliminé grâce à une correction atmosphérique plus ou moins simple. La première pratique est satisfaisante uniquement si les canaux, ayant une contribution atmo-sphérique significative, sont retirés avant séparation. La seconde n’est pas justifiée du point de vue du transfert radiatif mais permet néanmoins une certaine correction. La troisième semble être la plus appro-priée.

En principe, la séparation linéaire de source supervisée donne une valeur indicatrice de l’abondance à la surface mais le choix des spectres de référence ne permet pas toujours de faire cette séparation de sources pour plusieurs raisons :

1. Si une des hypothèses du mélange linéaire est invalide (voir section 5.1 page 92) :

(a) Pour l’hypothèse ML 1 invalidée, les surfaces sont non-lambertiennes. C’est à dire que leurs spectres en réflectance sont contrôlés en partie par la géométrie d’acquisition et par la taille des grains. Cependant, une estimation correcte de l’abondance est tout de même possible à la condition suivante : les spectres de références doivent être pris dans les mêmes conditions géométriques que le spectre observé.

(b) Pour l’hypothèse ML 2 invalidée, les mélanges sont non-linéaires. En revanche, si une partie du mélange est linéaire, les fractions de surface ont un sens et peuvent être estimées aux

conditions suivantes : chaque spectre de zone Szdoit être représenté dans la base de référence

(voir section 1.4.1.1 page 31).

2. Les spectres étant non-orthogonaux et surtout potentiellement linéairement dépendants, la solution

de l’équation 5.4 n’est pas unique pour une collection de spectres de référence Si(λ ). Plusieurs

approches sont possibles, la plus simple étant la détermination des coefficients de mélange pour tous les spectres d’une large base spectrale, même pour ceux qui ne sont pas présents dans la scène. Or, les coefficients de mélange issus du calcul, dépendent de tous les spectres présents dans la base. Ils sont mal estimés avec cette approche simple, à cause des spectres de référence non présents dans la scène. La solution pseudo-idéale (car l’incomplétude de la base est toujours vérifiée) est de conserver uniquement les spectres de référence présents dans la scène mais, sans vérité terrain (cas fréquent en Planétologie), il est difficile de les connaître a priori.

Néanmoins, la séparation de source supervisée en mélange linéaire est appliquée dans le domaine de la télédétection spatiale . Détaillons quelques utilisations des bases spectrales de référence et des bases de distribution spectrale de référence.

Base spectrale de référence La méthode la plus simple consiste simplement à ajuster les αi tel que

kε(λ )k soit minimisé. Elle est utilisée par exemple sur les données TES sur Mars Global Surveyor/NASA (279; 15; 253).

Pour répondre au problème n°2 de la non-unicité des solutions, il apparaît comme naturel d’ajouter

la contrainte mathématique αi≥ 0, car une abondance négative n’a pas de sens.

La proposition de la thèse de Jean-Philippe Combe, est de garantir la positivité d’une façon originale : en éliminant itérativement les spectres ayant des coefficient négatifs (53). L’idée de base repose sur le fait que l’affectation d’un coefficient négatif est improbable si le spectre de référence est présent dans le mélange. Cette hypothèse peut être invalidée dans un mélange linéaire en cas de recouvrements.

Exhibons un contre-exemple : soit un spectre S comportant glace d’eau et hydrates. La similarité des formes spectrales de ces composants (glace, hydrates) ne permet pas de les distinguer facilement. De ce fait, il est possible de reconstruire le spectre S avec un coefficient positif fort pour un composant et un coefficient négatif pour l’autre. Ce coefficient négatif ne signifie pas pour autant une absence du composant. Pour répondre à ce problème, Jean-Philippe Combe propose un retrait aléatoire et itératif des spectres de référence à coefficient négatif qui permettrait d’optimiser la solution.

La méthode “non negatively constrained least squares” propose d’intégrer le fait que les coefficients sont positifs ou nuls. Elle est basée sur les multiplicateurs de Lagrange. Elle semble efficace dans l’esti-mation de l’abondance de certains composants chimiques par spectroscopie (169).

En imposant à la fois la positivité de façon mathématique et la somme des proportions égale à un, le problème est connu sous le nom de “Fully Constrained Least Squares”. Il a été résolu par Lawson et Hanson (180) et a été utilisé dans le domaine de la télédétection dans la thèse de Cécile Gomez (96).

Base de distribution spectrale de référence Le passage du mélange linéaire avec des spectres de

ré-férences déterministes au mélange linéaire avec des distributions spectrales de référence est discuté dans l’article de Settle (266). Cette étude donne lieu à une méthode qui permet d’estimer la distribution des spectres de références sous forme de distributions gaussiennes. La positivité des solutions n’est pas im-posée mathématiquement mais l’article montre que certains algorithmes de sélections des “endmembers”

ont des propriétés telles que la solution sur les αisoit toujours positive (56).

5.2.3 Mélange non-linéaire

Afin de tenir compte des non-linéarités de la physique de transfert radiatif qui interviennent si l’une des hypothèses explicitées au chapitre 5.1 n’est pas valable, il est possible d’avoir deux attitudes. La pre-mière consiste en l’application d’une transformation mathématique de telle manière à rendre le problème linéaire. Ce type de méthode requiert des hypothèses simplificatrices à l’égard du transfert radiatif. La seconde est d’ordre semi-empirique et propose d’incorporer des relations empiriques non-linéaires dans l’interprétation des sources.

Méthode de linéarisation Il s’agit de faire une inversion de la physique du transfert radiatif de telle

manière que le problème soit linéarisé.

Par exemple, dans la formulation de Hapke (voir 1.3.4.2 page 29), un mélange intime granulaire se traduit par une combinaison linéaire des albédos de diffusion simple moyens de chaque famille de grains. Cette combinaison est alors transformée en réflectance en utilisant la solution (non linéaire) de l’équation de transfert radiatif. Mustard et al. proposent d’inverser cette transformation afin de s’abstraire au maxi-mum de l’influence de la géométrie d’acquisition et de réaliser la séparation de source dans un espace où le mélange est linéaire (225). Cette linéarisation est possible en albédo de diffusion simple. La

linéa-risation, appliquée à des mers lunaires, montre que les prises en compte des non-linéarités des mélanges intimes et de la photométrie des surfaces, améliorent l’interprétation planétologique des résultats.

Méthodes semi-empiriques La méthode SFFTM (Spectral Feature Fitting) déjà présentée au

cha-pitre 3.2.2.4 page 67, incluse dans le logiciel IDL/ENVI (1; 47), appartient à cette catégorie de méthode semi-empirique. Il s’agit de mettre à l’échelle le spectre de référence pour coller au mieux au spectre observé, en prenant soin au préalable de retirer les continuum de tous les spectres. La méthode d’élimi-nation du continuum est décrite au chapitre 2.4.1 page 47.

L’élimination du continuum parait intéressant pour réduire les effets des conditions géométriques d’ob-servations. L’automatisation de ces méthodes pour de larges collections d’images hyperspectrales n’est possible que si ces méthodes sont relativement indépendantes des effets indésirables : des conditions géo-métriques ou la superposition des bandes d’absorption de corps différents, .... En principe, la méthode

SFFTM doit comporter toutes ces propriétés. Mais des tests sur des observations synthétiques montrent

que la méthode SFFTM est en fait très dépendante des conditions géométriques et de l’adéquation des

tailles de grains entre les spectres de référence et les spectres observés (voir section 4.2 page 82). Une autre méthode, appelée Modified Gaussian Model (MGM), est basée sur une décomposition des bandes d’absorption en différentes gaussiennes (286). Elle est surtout utilisée pour des terrains en assem-blages de minéraux ferro-magnésiens.

Il s’agit d’ajuster au mieux une somme de gaussiennes, à un spectre observé, en incorporant des in-formations spectroscopiques sur les bandes d’absorption et leurs relations mutuelles. Ces inin-formations spectroscopiques a priori sont déterminées d’après des considérations théoriques et des observations de laboratoire. Cet ajustement utilise une inversion généralisée (290) pour tenir compte à la fois des infor-mations a priori et des données observées. L’état d’information final réside sur les moyennes (position des bandes) et les écarts-types des gaussiennes (largeur des bandes) qui renseignent sur la nature des minéraux.

En effet, des études de laboratoire sur les olivines ont permis de calibrer ces paramètres spectraux avec les proportions de mélange physique des matériaux (287).

Ce type de méthode est utilisé sur des données réelles, par exemple pour OMEGA par Pinet et al. (240), ou sur des données lunaires (230).