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Séparation de bactéries par une méthode électrophorétique

14 Electrophorèse capillaire

14.1.3 Séparation de bactéries par une méthode électrophorétique

L’injection de bactéries E. coli lyophilisée remise en suspension dans un tampon a tout d’abord été tentée en utilisant l’électrophorèse capillaire de zone. Le résultat suivant a été obtenu (Fig. 150).

Fig. 150 : Electrophorégramme d’une injection d’E. coli par utilisation de conditions

d’électrophorèse capillaire de zone.

L’électrophorégramme est une forêt de pics et des injections successives de la même suspension bactérienne ne permettent pas d’obtenir une répétabilité. Des problèmes connus sont associés à l’analyse de cellules vivantes comme par exemple, l’adsorption sur la paroi du capillaire ou l’auto-agrégation des cellules entre-elles, qui peuvent expliquer ce résultat. Cette méthode ne permettra pas, dans ces conditions, de séparer ni de quantifier des bactéries en suspension.

Heureusement, d’autres méthodes d’électrophorèse capillaire existent et permettent d’optimiser des paramètres particuliers. Les exemples suivants présentent certaines de ces techniques :

 L’électrophorèse capillaire micellaire : elle permet la séparation d’espèces neutres par ajout d’un tensio-actif (le sodium dodecyl sulfate : SDS), qui encapsule les espèces (formation de micelles chargées) et permet leurs migrations et leurs séparations.

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 L’électrophorèse capillaire chirale : elle permet la séparation d’énantiomères par l’ajout d’un sélecteur chiral dans l’électrolyte (ex : éthers couronnes ou cyclodextrines).

 La focalisation isoélectrique capillaire : elle consiste à créer au sein du capillaire un gradient de pH croissant de l’anode à la cathode qui permettra la séparation des différentes espèces par leurs migrations vers leurs points isoélectriques respectifs.

 L’isotachophorèse capillaire

Comme l’explique très bien Philippe Anres dans sa thèse139, l’isotachophorèse capillaire consiste à injecter l’échantillon de manière hydrodynamique entre un électrolyte meneur (EM) et un électrolyte terminal (ET). L’EM est placé dans le capillaire et dans le réservoir de sortie alors que l’ET est placé dans le réservoir d’entrée. L’EM et l’ET contiennent des ions de même signe que les analytes d’intérêt présents dans l’échantillon, ayant des mobilités respectivement supérieures et inférieures, à celles des analytes. Les ions se séparent alors selon leurs différences de mobilité entre l’EM et l’ET lorsqu’une tension est appliquée. Du fait de la discontinuité en mobilité et concentration des ions introduits dans le milieu de séparation, un gradient discontinu du champ électrique est créé entre ces différentes bandes, et le champ électrique régnant dans chaque bande est inversement proportionnel à la mobilité de l’analyte (condition d’isotachophorèse). Ce sont les ions de chaque bande qui assurent la conduction électrique et non un électrolyte unique comme en CZE. Ainsi, un ion rapide diffusant dans la zone d’un ion lent est soumis à un champ électrique plus élevé et est donc accéléré pour rejoindre sa propre bande où règne un champ plus faible.

Le schéma suivant permet de mieux comprendre le principe de séparation décrit ci-dessus (Fig. 151).

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Fig. 151 : Schéma de la séparation de deux analytes (A- et B-) par une méthode

d’isotachophorèse capillaire.

Si l’on revient à la séparation de bactéries décrite dans la littérature, Armstrong et al.140 décrivent en 1999 des méthodes de séparation de bactéries en utilisant une méthode de focalisation isoélectrique capillaire. Cette application part du principe que les densités de charge à la surface des bactéries (l’équivalent du point isoélectrique d’une molécule) sont différentes et qu’il est donc possible de les séparer par cette technique. Les résultats furent tout à fait concluants, reproductibles et permirent de séparer des mélanges de plusieurs espèces bactériennes différentes. Des applications pratiques en découlent rapidement comme par exemple une méthode de détection rapide (<10 min) permettant de caractériser les souches d’E. coli et de S. saprophyticus fréquemment responsables d’infections urinaires directement à partir d’un échantillon d’urine dilué est publiée l’année suivante par la même équipe141. Ce type d’analyse pourrait rapidement prendre sa place au sein d’un laboratoire de microbiologie, dans un laboratoire de biologie médicale par exemple.

En 2004, Palenzuela et al.142 montrent la possibilité de quantifier 8 bactéries différentes présentes dans des aliments tels que des flocons de maïs, du jus de fruits, de la nourriture pour bébé ou de la saucisse de Francfort par une méthode de quantification faisant appel à l’électrophorèse capillaire de zone. Cette quantification est d’ailleurs comparée à la méthode d’analyse classique par comptage des CFU après 24h ou 48h et des

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résultats très proches sont obtenus en seulement 7 heures de développement des bactéries et 25 minutes d’analyse. Ces gains de temps sont véritablement remarquables et permettront peut-être d’effectuer en plus grand nombres, plus rapidement et à moindre coût des contrôles sanitaires.

En 2005, Buszewski et coll.143 présentent la séparation de bactéries en utilisant un capillaire greffé avec des triméthylchlorosilanes ou des divinylbenzènes en complément de l’addition de polymères au tampon de migration qui permet de séparer un mélange de 5 bactéries différentes. Ces conditions sont intéressantes car elles présentent un moyen d’éviter grandement l’auto agrégation des bactéries entre elles.

Une méthode de quantification efficace et rapide a été obtenue par Oukacine et al.144

qui ont réussi à quantifier des suspensions bactériennes à la fois de bactéries à Gram négatifs (Erwinia carotovora) et à Gram positifs (Micrococcus luteus). Cette quantification est obtenue par l’utilisation d’une méthode d’isotachophorèse capillaire qui va permettre d’accélérer les bactéries à l’intérieur du capillaire et d’obtenir des pics fins et bien séparés. De plus, les temps de migration sont courts, les courants utilisés sont faibles, ce qui permet de limiter l’effet Joule et ainsi d’éviter la lyse des bactéries à l’intérieur du capillaire. Les bactéries sont assimilées à des particules sphériques possédant une charge globale négative répartie uniformément en surface.

Cette dernière méthode a été utilisée par Oukacine et al.144 afin d’obtenir une focalisation des signaux de bactéries en un seul massif. Pour cela, le tampon d’entrée BGE1 (électrolyte terminal) et de sortie BGE2 (électrolyte meneur) ont été préparés en créant volontairement une différence de pH. Cette différence de pH créé une accélération des bactéries dans le capillaire qui permet d’obtenir un signal répétable, ainsi que des temps de migration nettement plus courts (5 min) (Fig. 152).

Fig. 152 : Electrophorégramme de l’injection d’une suspension bactérienne d’E. coli

lyophilisée par la méthode d’isotachophorèse capillaire d’Oukacine et al144.

0 2 4 6 8

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Cette méthode sera appliquée afin de tester les capacités de rétention de bactéries à l’ensemble des polymères cationiques précédemment synthétisés.

14.2 Matériel et méthode

Les concentrations bactériennes ont pu être quantifiées par isotachophorèse en utilisant les tampons d’entrée (BGE1) et de sortie (BGE2) différents. La composition et la préparation de ces tampons est décrite dans le Tableau 23 ci-dessous.

Tampons

BGE1 BGE2

Composition

Tris (mmol/L) 4.5 4.5

Acide borique (mmol/L) 50.0 50.0

HCl (mmol/L) 3.3 0.0

Préparation

Tris (mg) 54.5 109.3

Acide borique (mg) 309.2 618.4

HCl (µl) 330.0 0.0

Compléter avec de l’eau ultrapure

Volume final de tampon (mL) 100.0 200.0

pH (expérimental) 6.7 7.2

Tableau 23 : Composition et préparation des tampons BGE1 et BGE2.

Les pH des solutions tampons sont toujours vérifiés après leurs fabrications et les solutions sont conservées au frigo jamais plus de 5 jours.

Un capillaire de silice non traité (75 µm de diamètre interne) avec une longueur totale de 37 cm et une cellule de mesure placée à 29.4 cm est utilisé. Lors de sa première utilisation, ce capillaire est rincé 20 min à l’eau, à la soude 1N, à l’eau et à l’air. Avant chaque injection, le capillaire est rincé 2 min à la soude, à l’eau et au tampon BGE2.

Tous les échantillons sont injectés en mode hydrodynamique (10 secondes sous pression) à 10 kV et des microvials (inserts) de 50 µL sont utilisés.

La détection est réalisée par un détecteur UV à λ = 280 nm. Une solution d’alcool benzylique (20 µL dans 20 mL d’eau) est préparée et injectée comme marqueur de flux avant chaque série d’expériences.

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Les bactéries Escherichia coli (ATCC 11303) sont reçues lyophilisées et les suspensions

bactériennes sont préparées dans le tampon BGE2 à une concentration mère de 1.0 mg/mL.

Pour cela, environ exactement 1.0 mg de bactéries sont pesées dans un tube Eppendorf de 2 mL et environ exactement 1.0 mL de BGE2 est ajouté. Les suspensions filles de bactéries sont toutes préparées à partir de cette suspension mère et les suspensions bactériennes sont toutes renouvelées chaque jour. Par mesure de précaution et bien que non pathogène, la manipulation des bactéries s’opère en portant une blouse, des gants et un masque. Tout le matériel contaminé est plongé directement après utilisation dans un bain de javel et les surfaces sont nettoyées à l’éthanol.

Les tubes Eppendorf sont agités verticalement par rotation lente sur un disque de polystyrène à une vitesse comprise entre 10 et 20 tours par minute. Cette méthode d’agitation a été mise au point au laboratoire pour obtenir le meilleur contact possible des bactéries avec les billes de résine en suspension. (Fig. 153).

Fig. 153 : Schéma de l’agitation circulaire verticale des essais en tubes Eppendorf.