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Sélection préparatoire des représentations

III.2 Principe d’organisation du CPF latéral

III.2.3 Sélection préparatoire des représentations

Par souci de simplicité, le modèle en cascade décrit ci-dessus se place à l’instant où l’exécution immédiate d’une action est requise. À cet instant, l’information apportée par le stimulus serait d’abord utilisée puis, si une action ne peut être sélectionnée en considérant le seul stimulus, alors l’information apportée par le contexte immédiat puis par une instruction passée seraient utilisées, jusqu’à ce que soit collectée la quantité d’information nécessaire à la sélection d’une action. Cependant, avant même qu’une action soit requise, il est possible que

les représentations liées à l’action dans le CPF latéral soient déjà affectées par le contrôle cognitif exercé en préparation de l’exécution d’une action.

Il est connu que la sélection d’une action parmi plusieurs actions possibles peut avoir lieu avant que son exécution soit demandée (Wise, 1985). Si l’information nécessaire à la sélection de l’action a, H(a), est disponible avant la présentation du stimulus (qui signale qu’une réponse est requise), alors la sélection de l’action peut avoir lieu en préparation de son exécution.

Considérons une tâche, définie comme une application donnée entre un ensemble de stimuli et un ensemble de réponses. Dans le cadre d’une tâche spécifique, l’information portée par un stimulus est suffisante pour sélectionner la réponse correspondante. Lorsque l’information liée à un stimulus n’est pas suffisante pour sélectionner une action, le contrôle cognitif est engagé pour spécifier la tâche à effectuer. On peut ainsi identifier la sélection d’une tâche au contrôle cognitif exercé par le CPF latéral pour biaiser au niveau du cortex prémoteur la sélection des réponses aux stimuli. D’après le modèle en cascade, les tâches sont sélectionnées au niveau de la partie postérieure du CPF latéral, et seulement elle si la tâche est sélectionnée d’après des signaux immédiats, tandis que la partie antérieure du CPF latéral intervient si la tâche est sélectionnée d’après des signaux temporellement distants.

La notion de tâche n’est pas nécessaire pour décrire le contrôle cognitif exercé lorsqu’une action est immédiatement requise en réponse à un stimulus. Cette notion permet cependant de « libérer » le contrôle cognitif de la connaissance du stimulus et ainsi de considérer qu’il peut être exercé avant qu’un stimulus ne soit présenté. En effet, lorsque plusieurs tâches peuvent être exécutées sur un même stimulus, la connaissance de la tâche à effectuer sur un stimulus avant la présentation de celui-ci réduit significativement le temps de réponse au stimulus (Meiran and Marciano, 2002 ; Monsell et al., 2003). Cela montre que le contrôle cognitif peut être engagé en préparation de l’apparition du stimulus. En revanche, si le stimulus présenté ne fait partie que d’une seule tâche et n’est ainsi associé qu’à une seule réponse, alors ce stimulus est porteur de toute l’information nécessaire à la sélection d’une réponse et le contrôle cognitif est inutile. Nous considèrerons donc les cas où plusieurs tâches peuvent être effectuées sur un même stimulus.

Considérons que l’information nécessaire à la sélection de l’action a est apportée par le stimulus s et par la connaissance de la tâche t. Nous pouvons exprimer l’information nécessaire à la sélection de l’action a comme suit :

H(a) = I(a,s) + I(a,t|s) + H(a|s,t)

Par définition de la tâche, les informations apportées par le stimulus et par la connaissance de la tâche sont suffisantes pour sélectionner l’action a. H(a|s,t) est donc nul.

Nous pouvons exprimer I(a,t|s) de la façon suivante : I(a,t|s) = H(t|s) - H(t|a,s)

H(t|s) correspond à l’information nécessaire à la sélection de la tâche t sachant le stimulus. On peut décomposer H(t|s) en H(t|s) = H(t) - I(t,s). I(t,s) correspond à l’information portée par le stimulus concernant la tâche. En effet, il n’est nécessaire de sélectionner une tâche que si le stimulus appartient à plusieurs tâches induisant des réponses différentes. Plaçons-nous dans un cadre où chaque stimulus peut être traité selon les mêmes tâches, de façon que I(t,s) soit nul. Dans ce cas, nous pouvons écrire H(t|s) = H(t).

H(t|a,s) correspond à la congruence entre les tâches sur ce stimulus. En effet, si par toutes les tâches possibles sur le stimulus s, l’action associée à s est l’action a, alors il est possible de sélectionner l’action a sans considérer l’information concernant la tâche. Plus la congruence est grande, plus l’information apportée par la connaissance de la tâche pour la sélection de l’action est réduite.

Nous pouvons donc exprimer l’information nécessaire à la sélection de la réponse a des deux façons suivantes :

(1) H(a) = I(a,s) + H(a|s) (2) H(a) = H(t) + I(a,s) - H(t|a,s)

L’équation (1) rend compte d’un traitement ordonné des signaux perceptuels : d’abord le stimulus est considéré puis, s’il ne suffit pas à sélectionner une réponse, les signaux contextuels présents et passés sont à leur tour considérés. L’information H(a|s) est une mesure

du contrôle cognitif lorsqu’il est exercé de façon réactive, c’est-à-dire une fois que le stimulus apparaît, si la sélection d’une action à partir du seul stimulus donne naissance à un conflit.

L’équation (2) rend compte d’un traitement indépendant des signaux permettant la sélection de la tâche et du stimulus : l’information nécessaire à la sélection de la tâche t, H(t), est ainsi indépendante de l’information apportée par le stimulus. Cela implique que si l’information H(t) est apportée par un signal qui précède l’apparition du stimulus, alors cette information peut être utilisée immédiatement pour préparer la tâche en attendant l’apparition du stimulus. L’information H(t) est une mesure du contrôle cognitif qui peut être exercé de façon proactive, c’est-à-dire avant que l’apparition d’un stimulus n’induise un conflit au niveau de l’action à sélectionner. Exercer le contrôle cognitif de façon proactive permet de réduire l’interférence due aux tâches non pertinentes qui sont activées par la présentation du stimulus, ce qui réduit le conflit entre les réponses possibles et réduit ainsi le nombre d’erreurs. Le contrôle proactif permet également l’exécution d’une tâche pertinente mais très peu renforcée, face à une tâche non pertinente mais automatique comme dans la tâche de Stroop (Stroop, 1935). En effet, dans ce type de tâche, le stimulus seul induit peu de conflit car la tâche automatique est bien plus fortement représentée que toutes les autres tâches possibles. La seule détection du conflit ne peut ainsi pas expliquer le recrutement du contrôle cognitif qui, dans ce cas, serait exercé de façon proactive sur la base d’une instruction préalable.

Le contrôle cognitif exercé de façon proactive est plus coûteux que le contrôle réactif. L’une des raisons est qu’il ne permet pas d’anticiper le niveau de congruence H(t|a,s) qui dépend du stimulus. Ainsi, pour un même stimulus, la quantité d’information qui serait utilisée par un contrôle uniquement proactif est supérieure de H(t|a,s) à la quantité d’information qui serait utilisée par un contrôle uniquement réactif. Mais le contrôle proactif permet une plus grande résistance à l’interférence due aux tâches non pertinentes.

Contrôle proactif et contrôle réactif ne sont cependant pas mutuellement exclusifs et il est suggéré que le contrôle cognitif exercé pour la sélection d’une action est en partie proactif et en partie réactif. Une théorie approfondie de l’engagement des processus associés au contrôle proactif et au contrôle réactif a été développée par Todd Braver (Braver et al., 2007).

En suivant l’idée que le CPF latéral est organisé selon le niveau d’intégration temporelle des événements traités, nous faisons l’hypothèse que le contrôle contextuel et le contrôle épisodique, lorsqu’ils sont exercés en préparation de l’apparition du stimulus,

engagent les mêmes régions que durant l’exécution, c’est-à-dire respectivement la partie postérieure du CPF latéral et la partie antérieure du CPF latéral.