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Modèle fondé sur la théorie de l’information

Nous avons développé un modèle de l’implémentation du contrôle de l’action fondé sur la théorie de l’information, qui permet de quantifier l’information associée au contrôle exercé à chaque niveau.

VII.2.1 Représentations dans les régions préfrontales et postérieures Ce modèle est défini au niveau opérationnel, et n’établit aucune prédiction quant à la nature des représentations codées à chaque niveau du contrôle de l’action. Cependant, il est absolument compatible avec les théories représentationnelles selon lesquelles les schémas d’action sont stockés en mémoire à long terme au niveau du CPF. Les réseaux neuronaux codant ces représentations seraient activés par les réseaux du CPF codant les schémas d’action aux niveaux adjacents, conformément au caractère hiérarchique du contrôle de l’action.

Les réseaux frontaux seraient également activés par des réseaux postérieurs codant les éléments de l’environnement associés aux schémas d’action, particulièrement par les régions de la voie dorso-ventrale qui coderaient les propriétés des éléments perceptuels concernant spécifiquement les actions associées à ces éléments (sélection « bottom-up »).

Réciproquement, ces réseaux frontaux codant les schémas d’action activeraient les réseaux postérieurs associés, facilitant la détection des éléments de l’environnement pertinents pour le plan d’action en cours (sélection « top-down »).

VII.2.2 Loi de Weber-Fechner du contrôle cognitif

La loi de Weber-Fechner décrit la relation entre la sensation et la grandeur physique d'un stimulus comme étant logarithmique. Cela est mis en évidence lorsque l’on teste la capacité de discrimination entre deux grandeurs physiques (par exemple amplitude sonore, luminosité, poids, etc.) : le seuil de discrimination entre deux stimuli augmente linéairement avec l’intensité des stimuli. On en déduit que la précision avec laquelle sont représentées ces sensations est donc fonction de leur intensité. Ce type de codage est très efficace pour représenter et comparer des stimuli d’intensités variables, permettant une discrimination très fine entre stimuli d’intensité faible, et une discrimination plus grossière entre stimuli de forte intensité.

Contrairement aux sensations, pour lesquelles la mesure logarithmique semble être effectuée au niveau des organes sensoriels, la notion de quantité correspond à une dimension abstraite et représentée au niveau central. La capacité de discrimination entre deux quantités, chez de nombreux animaux, diminue lorsque la quantité d’éléments présentés augmente. Chez le singe, des neurones sont « réglés » sur une quantité particulière : leur activité est maximale lorsque cette quantité leur est présentée, et est de plus en plus faible à mesure que les stimuli présentés correspondent à des quantités éloignées de leur quantité préférée (effet de distance). De plus, ces neurones ont une courbe de réponse aux quantités qui prend une forme gaussienne identique lorsque les quantités sont représentées sous forme logarithmique (Nieder and Miller, 2003). Chez l’humain, la représentation des quantités semble codée de façon abstraite au niveau du segment horizontal de l’IPS (Piazza et al., 2007).

Intuitivement, cela pourrait correspondre à la pertinence des variations en milieu écologique. La quantité d’information portée par une variation dans l’environnement peut être mesurée comme la fréquence à laquelle cette variation a une conséquence sur la sélection des comportements. Le codage « logarithmique » des perceptions et des quantités pourrait ainsi être le reflet de la pertinence de leurs variations à chaque échelle de grandeur.

de Weber-Fechner s’applique non seulement aux perceptions mais également au contrôle de l’action. Le modèle en cascade du contrôle cognitif prédit également que les activités dans les régions qui sous-tendent contrôle sensoriel et contrôle contextuel varient également linéairement avec la quantité d’information apportée au niveau correspondant. Cependant, notre protocole varie le contrôle contextuel et le contrôle sensoriel selon deux valeurs seulement, ce qui ne nous permet pas de vérifier la linéarité de la relation entre activité et quantité d’information.

VII.2.3 Incertitude et information

D’après le modèle en cascade du contrôle cognitif, chaque niveau de contrôle est recruté lorsque les niveaux inférieurs ne suffisent pas à sélectionner une action requise, c’est-à-dire lorsqu’un conflit persiste entre les réponses possibles. On peut assimiler la quantité de conflit présent avant que le contrôle soit exercé à l’incertitude, ou entropie de Shannon, qui est mesurée comme la valeur moyenne de la quantité d’information nécessaire pour sélectionner une des actions possibles, pondérée par la probabilité de chacun des événements. Dans notre expérience motrice, lorsque le contrôle sensoriel est recruté, deux réponses sont possibles à chaque essai, et le stimulus apporte l’information permettant au contrôle sensoriel de sélectionner une des réponses. Les deux réponses étant équiprobables à travers l’expérience, l’incertitude sur la réponse est ici égale à la quantité d’information liée au contrôle sensoriel. De même dans l’expérience tâches, les deux tâches étant équiprobables à travers l’expérience, l’incertitude sur la tâche est égale à la quantité d’information liée au contrôle contextuel. Cependant, dans chacune des deux expériences, l’incertitude liée au contrôle épisodique est la même dans toutes les conditions « associations variables » alors que la quantité de contrôle épisodique diffère entre ces conditions. Nous observons que les régions du CPF latéral ont une activité qui varie de façon linéaire avec la quantité de contrôle épisodique, et non avec l’incertitude.

Le modèle en cascade du contrôle cognitif décrit ainsi bien les activités liées au contrôle de l’action dans les régions frontales latérales. Cependant ce modèle ne considère pas la question du recrutement de ces régions, par la présence d’un conflit entre actions au moment où une action est requise, ou bien en préparation de ce conflit. Une possibilité est que le conflit soit détecté au niveau du CPF médian tandis que le contrôle serait exercé au niveau du CPF latéral (Botvinick et al., 2001 ; MacDonald et al., 2000). Le cortex cingulaire antérieur dorsal (dACC), situé au niveau du CPF médian, est très souvent co-activé avec le CPF latéral

lors de la réalisation de diverses tâches (Duncan and Owen, 2000). Le dACC a une activité compatible avec un rôle dans le monitoring de la performance, et déclencherait le contrôle cognitif lorsque il y a un conflit au niveau de la sélection de l’action (Botvinick et al., 2001 ; MacDonald et al., 2000) ou lorsque la probabilité d’erreur est grande (Brown and Braver, 2005). Une autre possibilité est que la détection du conflit se produise au niveau de la région dans laquelle naît le conflit (cortex prémoteur ou CPF postérieur), mais que les activités correspondant au conflit soient trop faibles devant les activités liées au contrôle pour être mises en évidence par IRMf.