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III- Matériels et méthodes

2- Sélection des paysages

Les conclusions de cette thèse sont basées sur l’étude de gradients paysagers. Les gradients de paysages permettent de faire varier continument et de façon indépendante plusieurs descripteurs des paysages décrivant par exemple leur structure ou leur composition. L’objectif des procédures de sélection des paysages est de minimiser la corrélation entre plusieurs descripteurs des paysages et de maximiser la gamme de variation de chaque descripteur, afin de détecter avec plus de précision statistique la corrélation entre ces facteurs paysagers et des variables écologiques (Pasher et al., 2013; Smith et al., 2009).

Ce type de sélection de paysage suit une approche nommée « pseudo-expérimentale » : « expérimentale » puisqu’on cherche à faire varier indépendamment des facteurs environnementaux pour mieux détecter leurs effets relatifs, et « pseudo » car il n’y a pas de réellement manipulations de l’environnement (Pasher et al., 2013).

Pour la construction du gradient d’intensité paysagère des pratiques agricoles, nous avons utilisé la procédure de sélection des paysages du projet FarmLand, projet qui a permis de financer la récolte des données en 2013 et 2014. Cette procédure recherche à maximiser l’hétérogénéité de la mosaïque cultivée, qui est fortement corrélée à l’intensité paysagère moyenne des pratiques (Herzog et al., 2006; Roschewitz et al., 2005b). Sur la base d’une carte d’occupation des sols réalisée à partir d’images satellites SPOT 5, un tirage aléatoire de 20 000 carrés de 1x1 km a été réalisé (procédure des fenêtres glissantes). Dans chacun des carrés, deux métriques paysagères ont été calculées : l’indice de Shannon des cultures (SHDI, hétérogénéité de composition) et la taille moyenne des parcelles (TMP, hétérogénéité de configuration). Un nuage de point comportant les 20 000 tirages aléatoires a alors été réalisé, et la sélection de 4 zones comportant les valeurs extrêmes des deux indices a permis de décorréler ces deux facteurs tout en maximisant leur amplitude de variation (Fig. 10) (Pasher et al., 2013). Des paysages candidats ont ensuite été retenus dans chacune des 4 catégories. Ils devaient contenir entre 60 et 90% de surface agricole et être distants d’au moins 1,5 km.

Ensuite, des campagnes de relevés d’occupation des sols sur le terrain ont été effectuées pour confirmer et préciser les types de cultures et le contour des parcelles, prairies et bois. Parmi chacun des carrés de 1 km², deux parcelles de céréales d’hiver et une culture de printemps (tournesol ou maïs) ont été sélectionnées. Ces types de culture ont été choisis du fait de leur dominance dans les paysages des Coteaux de Gascogne. Ces parcelles devaient contenir une bordure enherbée et les trois parcelles au

35 sein des carrés devaient être distantes d’au moins 200 m. Parmi tous les paysages carrés candidats, 32 paysages ont été retenu (20 en 2013, 12 en 2014).

Figure 10 Nuage de points de l’indice de Shannon des cultures (SHDI) et de la taille moyenne des parcelles (TMP) pour les 20 000 tirages aléatoires de paysages de 1x1 km. Les 4 coins représentent les 4 déciles des valeurs extrêmes de SHDI et de TMP. L a sé lections de c es 4 c oins permettent de décorréler les variations de SHDI e t de T MP mais a ussi de maximiser l’amplitude de variation de ces deux variables.

Pour la construction du gradient d’hétérogénéité des milieux semi-naturels, nous avons utilisé des buffers circulaires (zones tampons) de 500 m de rayon, centrés sur le milieu des bordures enherbées des 96 parcelles de céréales d’hiver sélectionnées en 2013 et 2014 (au sein des carrés de 1km²). Comme la plupart des buffers circulaires dépassait des carrés de 1km² dont l’occupation des sols était connue, la présélection des paysages circulaires a été réalisée à partir du R PG (Registre Parcellaire Graphique) pour les prairies permanentes et de la BD TOPO (IGN) pour les éléments boisés (haies, bois). En utilisant ces de ux sou rces de donn ées, n ous avons sélectionné 16 parcelles en cé réales supplémentaires (de celles sélectionnées pour le projet FarmLand) pour décorréler au maximum les proportions de prairies permanentes et d’éléments boisés au sein de s paysages ci rculaires. Une

36 campagne de relevés d’occupation des sols a été réalisée pour vérifier les contours des prairies et zones boisées. Parmi tous les paysages circulaires candidats, 80 paysages ont été retenus (40 en 2013 et 40 en 2014).

Pour la construction du gradient de complexité du paysage (terrain effectué en 2015), nous nous sommes reposés sur les 112 parcelles échantillonnées en 2013 et 2014. Grâce aux données du RPG et de la BD TOPO, nous avons calculé la proportion en milieux semi-naturels (prairies + éléments boisés) dans des buffers circulaires de 500 m de rayon centrés sur le milieu des bordures enherbées des parcelles. Des paysages circulaires candidats ont été sélectionnés afin de maximiser l’amplitude de variation en pourcentage de milieux semi-naturels. Une campagne de relevés d’occupation des sols a ensuite été réalisée pour vérifier les contours des prairies et zones boisées, et aussi pour sélectionner les parcelles qui étaient semées en céréales d’hiver. Parmi les 112 paysages candidats, 20 paysages circulaires ont été retenus.

Nous avons donc utilisé deux types de paysages dans cette thèse : des paysages carrés de 1 km² et des paysages circulaires de 500 m de rayon. En plus de la différence de forme, l’effort d’échantillonnage était différent dans les deux types de paysages, avec un point d’échantillonnage par paysage circulaire, et trois pour les paysages carrés. L’utilisation de paysages circulaires avec un point d’échantillonnage au centre est une approche classique en écologie du paysage. Elle vise à identifier les facteurs paysagers qui influencent la biodiversité observée localement. D’autres études en écologie du paysage échantillonnent plus de taches d’habitats par paysage (Fig. 11) afin de mieux rendre compte de la réponse de la biodiversité à l’échelle paysagère (Bennett et al., 2006; Duflot et al., 2014; Fahrig et al., 2015). Ces approches permettent de décomposer la biodiversité à l’échelle paysagère (diversité gamma), en sa composante locale (diversité alpha, à échelle de la tache d’habitat) et inter-habitats (diversité béta). Cependant dans cette thèse, nous n’avons pas calculé de diversité en abeilles sauvages à l’échelle gamma (échelle paysagère) et nous avons considéré seulement la diversité à l’échelle locale des parcelles agricoles. Cette approche par triplet nous a permis de faire des conclusions sur l’effet paysager des pratiques agricoles (parcelles incluses dans une « ambiance » paysagère équivalente) tout en tenant compte de la variation de l’intensité locale des pratiques. Cet échantillonnage en multiplet est souvent utilisé pour comparer des effets locaux avec des effets paysagers (parcelles bio vs. conventionnelles appariées au sein d’un gradient de complexité paysagère par exemple, Batáry et al., 2011; Holzschuh et al., 2010, 2007).

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Figure 11 Comparaison des différentes procédures d’échantillonnage de la biodiversité dans les paysages agricoles. (a) Diversité alpha, mesurée sur une seule tache d’habitat par paysage ; (b) Diversité gamma, mesurée sur plusieurs taches d’un même type d’habitat ; (c) Diversité gamma, mesurée sur plusieurs taches de plusieurs types d’habitats (d’après Bennett et al., 2006)

3- Echantillonnage des abeilles sauvages, indentification à l’espèce et rassemblement