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Grâce aux études mobilisant des gradients environnementaux (études synchroniques) mais aussi à celles utilisant le suivi de populations au court du temps (études diachroniques), la littérature s’accorde sur l’effet majeur de la perte d’habitats et de l’intensification des pratiques agricoles sur le déclin des abeilles sauvages (Biesmeijer et al., 2006; Potts et al., 2010a; Woodcock et al., 2016). L'ambition de cette thèse est d'améliorer les connaissances sur quatre facteurs susceptibles d'influencer les communautés d'abeilles sauvages et la pollinisation :

- L’effet paysager de l’intensification des pratiques agricoles. Comme nous l’avons vu précédemment, la littérature abonde sur l’effet local de l’intensité des pratiques agricoles sur les abeilles sauvages, mais nous avons peu de connaissances sur un potentiel levier agronomique au niveau des paysages (Batáry et al., 2011; Bengtsson et al., 2005; Holzschuh et al., 2007; Woodcock et al., 2016). En effet, puisque les abeilles sauvages utilisent des ressources à une échelle plus large que la parcelle agricole (Westrich, 1996; Zurbuchen et al., 2010), et que l’intensification agricole se produit aussi à une l’échelle paysagère (Burel and

28 Baudry, 1990; Herzog et al., 2006; Robinson and Sutherland, 2002), l’exploration d’un levier agronomique à l’échelle paysagère pour conserver les abeilles est pertinente.

- L’effet de l’hétérogénéité des paysages sur les abeilles sauvages. En effet la plupart des études rassemblent différents milieux semi-naturels présents en étudiant l’effet de la complexité du paysage (pourcentage total en milieu semi-naturels) (Garibaldi et al., 2011; Winfree et al., 2009). D’autres études se placent dans des gradients paysagers faisant varier la proportion d’un seul type de milieu semi-naturels (Holzschuh et al., 2007; Hopfenmüller et al., 2014; Jauker et al., 2013). L’effet de complémentation entre plusieurs types de milieux semi- naturels mais aussi l’effet relatif de ces différents milieux sur les communautés ou sur des groupes fonctionnels n’est donc pas encore bien connu.

- L’effet d’interaction entre intensité paysagère des pratiques et hétérogénéité du paysage (Potts et al., 2010a). Il a été montré que l’effet local de l’intensité des pratiques agricole sur la diversité des abeilles sauvages dépend de la proportion de milieux semi-naturels environnants (Batáry et al., 2011; Holzschuh et al., 2007). Ces études ont montré que dans les parcelles gérées de manière intensive, la diversité locale en abeilles sauvages est fortement expliquée par les variations de la proportion de milieux semi-naturels environnants (Fig. 7). Au contraire, dans des parcelles gérées de manière extensive, la diversité des abeilles sauvages semble moins dépendre des milieux semi-naturels. Ces résultats suggèrent que les pratiques extensives permettent de maintenir une richesse locale en ressources favorisant la visite d’abeilles sauvages, alors que le pool local observé en parcelles intensives dépendrait de l’immigration d’individus depuis les milieux semi-naturels environnants, du fait de la pauvreté en ressources dans la parcelle (Holzschuh et al., 2007). L’étude de ces interactions, en considérant l’intensité des pratiques à l’échelle paysagère, permettrait de tester si cette interaction est aussi vérifiée à l’échelle du paysage. De plus, l’exploration du type de milieu semi-naturel ou du type de pratique qui influence le plus la diversité des abeilles sauvages permettraient de mieux connaître les ressources influencées par les pratiques et de tester l’existence de phénomènes de complémentation/supplémentation entre milieux semi-naturels et mosaïque cultivée.

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Figure 7 Diversité des abeilles sauvages des parcelles agricoles en fonction de la gestion agronomique locale (intensive vs. extensive) et de la complexité du paysage. La diversité des abeilles sauvages est plus forte en en parcelles gérées de manière extensive mais la complexité du paysage peut compenser l’intensité locale des pratiques (adapté de Tscharntke et al., 2005)

- La re lation entre l a st ructure des communautés d’abeilles sauvages et le niveau de

pollinisation l e long de gradients paysagers. Comme pr écédemment év oqué, deux

hypothèses sur le lien entre diversité des abeilles et pollinisation, vérifiées par des données empiriques, sont pr oposées dans la li ttérature : (1) l’hypothèse de la complémentarité des espèces, stipulant qu’une augmentation de la diversité fonctionnelle dans les communautés provoque une augmentation de l a po llinisation (Blüthgen and Klein, 2011 ; H oehn et al ., 2008), (2) l’hypothèse du « mass-ratio », stipulant que puisque les espèces contribuent à une fonction proportionnellement à leurs abondance, les variations de niveau de pollinisation sont expliquées par les variations d’abondance des espèces dominantes (Garibaldi et a l., 201 5; Kleijn e t al ., 2015 ; W infree e t a l., 2015 ). Le l ong de gradients paysagers, l a diversité fonctionnelle au sein des communautés d’abeilles mais aussi l’abondance de certaines abeilles dominantes sont susceptibles de varier (Larsen et al., 2005; Martins et al., 2015). Il est donc important de connaître les situations dans lesquelles ces deux hypothèses se vérifient ou non (car possiblement, ces hypothèses peuvent mutuellement s’exclure ou se vérifier ensemble). Les objectifs principaux de la thèse sont donc de :

1. Comprendre la réponse des communautés abeilles sauvages aux variations d’hétérogénéité des paysages et d’intensité paysagère des pratiques, p ar l a caractérisation de leur s tructure fonctionnelle.

2. Caractériser f inement l es ca uses de ch angements dans la st ructure f onctionnelle des communautés, en essayant de différentier les traits répondant à l’environnement (traits de réponses) d’autres traits n’ayant pas d’importance dans la structuration des communautés en fonction de changements environnementaux (corrélation entre traits).

Pratique extensive Pratique intensive

Ri

che

ss

e s

ci

fique

Type de paysage

Simple Complexe

30 3. Identifier les patrons de variation dans la structure des communautés d’abeilles sauvages qui

sont le plus corrélés aux variations de pollinisation.

Dans les différents chapitres de cette thèse, nous avons testés les hypothèses suivantes (Fig. 8) : 1. Les abeilles sauvages capturées en parcelles agricoles répondent différemment à la

composition et à la configuration des milieux semi-naturels des paysages suivant leurs traits : les espèces potentiellement dépendantes des milieux semi-naturels (niche alimentaire étroite, faible capacité de dispersion, nid dans des cavités préexistantes) sont plus affectées par la composition et la configuration des milieux semi-naturels que d’autres espèces moins inféodées à ces milieux. Nous faisons aussi l’hypothèse que l’hétérogénéité des paysages peut filtrer les espèces suivant leurs traits, les espèces dépendantes des milieux semi-naturels étant exclues dans les paysages homogènes (chapitre 1).

2. Les traits écologiques dont la distribution varie le long des gradients paysagers ne sont pas tous des traits de réponse. En effet, nous faisons l’hypothèse que la distribution de certains traits écologiques dépend de celle d’autres traits déterminant effectivement la réponse des espèces à l’environnement (traits de réponse « réels »). Cette co-variation entre traits écologiques et traits de réponse serait due à une corrélation de ces traits à l’échelle des espèces ou à une structuration phylogénétique des communautés le long des gradients environnementaux (un groupe d’espèces phylogénétiquement proches, ayant des valeurs de traits similaires, répond aux gradients paysagers, contrairement à d’autres espèces). Nous faisons aussi l’hypothèse que les changements dans la distribution des traits écologiques peuvent affecter l’efficacité de pollinisation (chapitre 2).

3. L’hétérogénéité des paysages et l’intensité paysagère des pratiques agricoles ont un effet interactif sur la diversité des abeilles sauvages. Nous nous attendons à ce que les variations de diversité d’abeilles sauvages dépendent fortement de la composition des paysages en milieux semi-naturels dans les paysages intensifs. L’effet des milieux semi-naturels sur les abeilles sauvages des parcelles agricoles serait donc modulé par l’intensité des pratiques au sein de la mosaïque cultivée (chapitre 3).

4. La détermination de la disponibilité en sites de nidification dans les prairies permanentes permet de prédire la diversité des abeilles sauvages des parcelles cultivées, car elles peuvent offrir des zones de sols nus peu perturbés (sans travail du sol), idéales pour les abeilles terricoles (chapitre 4).

5. L’hétérogénéité des paysages et l’intensité locale des pratiques agricoles influencent la diversité des pollinisateurs et le niveau de pollinisation. Nous nous attendons à ce que des paysages hétérogènes et aux pratiques localement extensives aient un effet positif sur la diversité des abeilles sauvages (chapitre 5).

31 6. Le niveau de pollinisation est déterminé par l’abondance des espèces dominantes d’abeilles

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Figure 8 Organisation de la thèse en fonction des h ypothèses t estées d ans les différents chapitres. Les ch apitres 1 et 2 s’attachent à caractériser la réponse fonctionnelle des communautés d’abeilles sauvages à l’hétérogénéité des paysages. Les chapitres 3 et 4 explorent l’effet de l’hétérogénéité cachée des paysages agricoles (pratiques agricoles dans la m osaïque cultivée, hétérogénéité intra-prairie) sur la diversité des abeilles sauvages. Les chapitres 5 et 6 explorent l’influence relative de la diversité fonctionnelle et de l’abondance des espèces d’abeilles dominantes sur la fourniture en pollinisation.

Communautés d’abeilles sauvages

Filtre ?

Gradient d’hétérogénéité des paysages Abondance de valeur de trait

Gradient d’hétérogénéité des paysages Gradient paysager d’intensité des pratiques

Interaction ? % P rai rie p erm an ente Si te s d e n id ifi catio n Influence relative complexité/hétérogénéité intra-habitat ?

Abondance de valeur de traits

Gradient d’hétérogénéité des paysages

Tous traits de réponse ? OU

Corrélation entre traits ?

Pollinisation

Pollinisation

Diversité fonctionnelle

Abondance des espèces dominantes

Influence relative complémentarité/dominance ? Chap. 1 Chap. 2 Chap. 3 Chap. 4 Chap. 5 & 6

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III- Matériels et méthodes