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Chapitre 1 : Introduction, hypothèses de travail et objectifs

1.2. Ligands synthétiques du CD36

1.2.2. Sécrétagogues peptidiques de l’hormone de croissance

Les sécrétagogues de l’hormone de croissance (HC) ou GHRP, sont de petits peptides synthétiques dérivés structurellement de la méthionine (Met)-enképhaline (Figure 16). C’est en 1977 que Bowers les synthétisent alors qu’il était à la recherche d’analogues des opiacés pouvant stimuler la sécrétion de l’HC (Ghigo et al., 1997). Il a découvert que le pentapeptide D-Trp2-Met-enképhaline, bien que dépourvu d’activité opiacée, était capable de stimuler faiblement la sécrétion de l’HC par des cellules hypophysaires de rats en culture (Bowers et al., 1984; Ghigo et al., 1997). Par la suite, il a montré qu’un hexapeptide, le GHRP-6 (Figure 16) présentait de puissantes propriétés sécrétagogues de l’HC. Le GHRP-6 a servi de prototype pour la synthèse d’autres analogues variant entre trois et sept résidus et contenant des modifications structurales servant à améliorer leur efficacité. En effet, l’heptapeptide GHRP-1 (Ala-His-D-Nal-Ala-Trp-D-Phe-Lys-NH2) et l’hexapeptide GHRP-2 (D-Ala-D-Nal- Ala-Trp-D-Phe-Lys-NH2) sont dotés d’un potentiel de sécrétion de l’HC de deux à trois fois supérieur à celui du GHRP-6 (Bowers 1993). L’hexaréline, un analogue métaboliquement plus stable (résistance aux peptidases) par la substitution, dans la structure du GHRP-6, de la Trp par la 2-méthyl-Trp (His-D-2-Me-Trp-Ala-Trp-D-Phe-Lys-NH2), a été synthétisé en 1994 par Deghenghi (Deghenghi 1997).

1.2.2.1. Récepteurs des GHRP

Figure 16. Sécrétines peptidiques de l’hormone de croissance

type 1a, maintenant rebaptisé récepteur de la ghréline, fut isolé en 1996 (Howard et al., 1996). On le retrouve dans diverses régions du système nerveux central, mais également dans plusieurs tissus périphériques tels que le myocarde et les vaisseaux sanguins de gros calibres (Muccioli et al., 2002). Le GHS-R1a est composé de sept passages transmembranaires et est couplé à la protéine Gα11 (Howard et al., 1996). Le GHS-R1a, initialement décrit comme étant un récepteur orphelin, est responsable de la liaison et des effets subséquents des peptides synthétiques tels que l’hexaréline, GHRP-1, GHRP-2, GHRP-6 et du ligand non peptitique MK-0677 (Muccioli et al., 2002). La liaison des GHRP au GHS-R1a active la voie de signalisation phospholipase C et mène à l’augmentation de l’IP3 et de la PKC. Cette signalisation conduit à l’augmentation intracellulaire de calcium et à la libération de l’HC par l’hypophyse (Kojima et al., 2001). La ghréline, une hormone peptidique de 28 aa principalement sécrétée par les cellules de la muqueuse pariétale de l’estomac, a été identifiée en 1999 comme ligand endogène du GHS-R1a (Kojima et al., 1999). Donc, ce récepteur est un exemple de pharmacologie inverse, sa découverte étant due à des ligands peptidiques synthétiques puis à la découverte du ligand naturel (Cordido et al., 2009). La ghréline, avec sa structure unique d’ester n-octanoyl sur la Ser en position trois, et son activité de sécrétion de l’HC, exerce une variété d’effets en stimulant la prise alimentaire et en régulant l’homéostasie énergétique (Gualillo et al., 2003; Kojima et al., 1999). De plus, elle exerce de nombreux effets sur le système cardiovasculaire tels la protection contre l’I/R cardiaque, l’inotropisme, la protection contre l’apoptose des cardiomyocytes et des cellules endothéliales (Baldanzi et al., 2002; Frascarelli et al., 2003; Garcia et al., 2006; Kleinz et al., 2006; Nagaya 2003; Okumura

Met-enképhaline Tyr-Gly-Gly-Phe-Met

GHRP-6

et al., 2002). Elle présente aussi des effets vasodilatateurs sur les artères et les veines via la diminution de la vasoconstriction induite par l’endothéline-1. La ghréline, comme plusieurs hormones peptidiques, est dérivée d’une protéine précurseur prépro-ghréline. La protéine est scindée par la prohormone convertase 1/3 afin de générer la ghréline (domaine N-terminal) et l’obestatine (domaine C-terminal) (Zhu et al., 2006). La forme principale circulante est la désacyl-ghréline, une forme non acylée de la ghréline qui ne possède pas d’activité sécrétrice de l’HC mais qui exerce, comme la ghréline, des activités cardiovasculaires et métaboliques, en partie indépendantes de l’HC (Korbonits et al., 2004; Tesauro et al., 2010). En effet, la lignée cellulaire de cardiomyocytes H9c2 n’exprime pas le GHS-R1a, mais possède un site de haute affinité pour le GHRP hexaréline (Baldanzi et al., 2002). Ces observations sont venues appuyer les études antérieures suggérant que l’hexaréline a des effets cardioprotecteurs indépendants de l’HC et mettent en doute l’hypothèse que tous les effets cardioprotecteurs des GHRP sont initiés par le GHS-R1a (Locatelli et al., 1999; Tivesten et al., 2000).

1.2.2.1.1. Double affinité de liaison de l’hexaréline envers le GHS-R1a et le CD36

Les travaux de Berti et al., ont montré que l’hexaréline avait des effets cardioprotecteurs et préservait la contractilité cardiaque dans un modèle de cœur isolé de rats déficients en HC (Berti et al., 1998). Cette étude a permis de montrer que l’effet cardioprotecteur du GHRP hexaréline ne transite pas par la sécrétion de l’HC. En effet, il a été montré maintes fois que l’hexaréline possèdent des effets cardioprotecteurs indépendants de l’HC chez le rongeur et l’humain, entre autres en améliorant la dysfonction cardiaque post- ischémique (Muccioli et al., 2002). Il a donc été postulé que les effets cardioprotecteurs des GHRP pourraient être médiés, du moins en partie, par un récepteur autre que le GHS-R1a au niveau du système cardiovasculaire. En 1999, le groupe de Ong a montré la présence d’un site de liaison de l’hexaréline dans les membranes cardiaques de rats, appartenant à une protéine de poids moléculaire plus élevé que celui du GHS-R1a (84 KDa) (Bodart et al., 1999). En 2002, ce récepteur a été identifié par notre laboratoire comme étant le CD36. Bodart et al. ont montré que l’hexaréline, à une concentration de 0,1-10 µM induit une vasoconstriction coronaire dépendante de la dose et de l’expression du CD36 (Bodart et al., 2002).

L’identification du CD36 comme site de liaison des GHRP dans le cœur suggère un rôle important de ce dernier dans les effets cardioprotecteurs médiés par les GHRP (Torsello et al., 2003). L’objectif principal de ma thèse était de vérifier l’importance du CD36 dans les dommages induits par une ischémie transitoire du myocarde à l’aide de ligands pharmacologiques du CD36 et de modèles génétiques.

1.2.2.2. EP 80317

Notre laboratoire a développé une étude de liaison par compétition en utilisant un dérivé photoactivable de l’hexaréline en présence de différentes concentrations de ligands synthétiques du CD36 afin d’identifier les plus sélectifs envers ce dernier (Bodart et al., 1999; Demers et al., 2004; Ong et al., 1998). Le radioligand [125I]-Tyr-Bpa-Ala-hexaréline a été développé en incorporant, les aa Tyr, alanine (Ala) et l’aa photoréactif p-benzoyl phénylalanine (Bpa), à l’hexaréline suivi du radiomarquage à l’iode 125 (125I) sur le résidu Tyr. L’étude de liaison par photomarquage covalent du CD36, présent sur les membranes de cœur de rats, a permis de distinguer de nouveaux ligands synthétiques avec une plus grande affinité pour le CD36 (Bodart et al., 1999; Demers et al., 2004; Ong et al., 1998). Cette étude a permis de montrer que l’affinité de liaison du EP 80317 (Haic-D-2-méthyl-Trp-D-Lys-Trp- D-Phe-Lys-NH2) envers le CD36 est similaire à celle de l’hexaréline (Figure 17-a) (Demers et

al., 2004). En effet, le EP 80317, est un hexapeptide avec une structure primaire similaire à celle de l’hexaréline. La présence d’une Lys-D en position trois semble empêcher l’activité somatotrope caractéristique des analogues GHRP (Cheng et al., 1989; Kojima et al., 1999; Smith et al., 1993). Aucune liaison au CD36 n’est observée avec le tripeptide EP 51389 (Aib- D-2-Me-Trp-D-2-Me-Trp-NH2) (Deghenghi 1997; Pettersson et al., 2002). Contrairement à l’hexaréline, le EP 80317 présente une plus grande sélectivité pour le récepteur CD36 que le GHS-R1a tel que montré par l’étude de compétition pour la liaison du GHS-R1a en présence du radioligand [125I]-ghréline (Figure 17-b) (Bujold et al., 2009; Demers et al., 2004). En effet, plusieurs études in vitro et in vivo ont montré que le EP 80317 est un ligand sélectif du CD36 (Avallone et al., 2006; Bujold et al., 2009; Demers et al., 2004; Harb et al., 2009; Marleau et al., 2005). La signalisation activée par le EP 80317 a surtout été identifiée dans les

macrophages, où ce ligand diminue l’internalisation des LDLox et active l’efflux du cholestérol via l’activation de la voie PPARγ−LXRα−ABCA1 et ERK1/2−COX-2−15d-PGJ2 (Bujold et al., 2009). De plus, le EP 80317 régule le recrutement de phagocytes mononucléés au niveau des lésions athérosclérotiques en activant la focal adhesion kinase Pyk2 de manière dépendante de Src (Harb et al., 2009). Nous avons sélectionné le EP 80317 afin d’élucider le mécanisme d’action des ligands sélectifs du CD36 dans l’I/R du myocarde.  

Figure 17. Courbes de compétition des GHRP pour : (a) la liaison du CD36; (b) la liaison du GHS-R1a

Figure traduite de Bujold et al., (2009); Demers et al., (2004).