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A. Principe

La Convention de diligence représente l'exemple idéal du rôle important que sont appelées à jouer aujourd'hui les règles de déontologie comme moyen d'action de l'Etat. Ainsi, certaines professions, en raison de leur rôle particulier, nécessitent des règles de conduite. C'est le cas des banquiers, des avocats, des notaires, des fiduciaires, des intermédiaires financiersllO, mais aussi dans une moindre mesure des professions médicales. Ce besoin s'explique par des motifs propres à chaque professionill, et par une même motivation profonde : assurer le bon fonctionnement d'une profession dans l'intérêt public.

Dans chacun de ces cas, la position spécifique de la profession impose une surveillance de la part de l'autorité. Cette surveillance suppose trois éléments : en premier lieu, l'adoption de règles de conduite, puis leur

108 Journal de Genève du 23 février 1989.

109 Rapport CFB, 1988, p. 154.

110 Par exemple, en matière d'offres publiques d'achat, un groupe d'experts, sous l'égide de !'Association des Bourses suisses, a élaboré un code de conduite qui définit les règles destinées à assurer un comportement clair de tous les intervenants. (En général, voir D. SIGRIST, "Esquisse d'un code suisse des offres publiques d'achat", Actes du Colloque du CEJE sur les prises de participation, Genève, 1989, à paraître).

111 Ainsi, pour les avocats et les notaires, les règles de déontologie permettent, notamment, de préserver l'honorabilité et la dignité de la profession en raison de la confiance que le public lui accorde. Pour les intermédiaires financiers, il s'agit d'assurer par ce moyen la bonne foi dans les affaires et pour les médecins, les règles relèvent essentiellement de l'éthique.

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mise en oeuvre et enfin le contrôle de leur application. Examinons-les successivement

B. L'élaboration des règles

Les règles de déontologie sont adoptées dans un but d'intérêt public.

Parfois, celui-ci apparaîtra si important qu'elles seront établies au niveau législatif. Mais, cette solution présente l'inconvénient d'être extrêmement longue et de conduire souvent à des solutions de compromis, abstraites, qui trouvent difficilement une application dans la pratique. Dans ce cas, une concrétisation nécessaire par la voie d'ordonnance ralentit encore le processus. Ces règles peuvent également être élaborées par l'autorité de surveillance lorsque celle-ci en a la compétence, la CFB aurait pu adopter la COB sous forme de circulaire. Enfin, elles peuvent être mises au point par les intéressés eux-mêmes, par exemple par le moyen de conventions, sous réserve de l'approbation de l'autorité puisque des personnes privées ne peuvent disposer librement de l'intérêt public.

Cette dernière solution apparaît la plus fréquente en raison des avantages qu'elle comporte tant au niveau de la souplesse que de la rapidité d'éla-boration. De même, elle permet de reprendre des règles qui existaient auparavant sans avoir le statut officiel de code de déontologie, c'est le cas, par exemple, des Us et Coutumes des avocats à Genève.

Enfin, il peut arriver que des règles de déontologie soient élaborées exclusivement par des privés sans aucun contrôle de l'autorité. Une telle situation se produit lorsque la profession est sensible mais qu'aucune surveillance n'est instituée au niveau fédéral ou cantonal. La Chambre Suisse des Sociétés fiduciaires et des Experts-comptables a ainsi adopté en 1986 des Règles professionnelles, qui prévoient notamment que la violation de conventions externes, comme la Convention de diligence, liant les membres du groupe équivaut à une violation des Règles. Le régime de la convention violée s'applique a1ors112. Dans ce cas particulier, les règles de déontologie servent indirectement de moyen d'action à l'Etat en permettant la mise en oeuvre des règles de la COB au 112 B. KISTLER, "La Convention relative à l'obligation de diligence des banques et

la formule B2''. L'Expert-comptable suisse, 1988/11, pp. 440, 441.

niveau d'une profession qui ne serait autrement pas visée par la législation.

C. La mise en oeuvre des règles

La mise en oeuvre des règles de déontologie suit deux processus distincts selon le rôle qui incombe à l'autorité de surveillance de la profession concernée. En premier lieu, cette dernière peut appliquer elle-même les dispositions. Si l'autorité assure accessoirement la surveillance dans le domaine en cause, contrairement à la CFB qui est une autorité aux tâches spécifiques, elle sera généralement assistée d'une commission spécialisée dont la fonction est de donner un préavis113. Ce dernier sera généralement suivi en raison de la technicité de la matière, notamment dans les questions relatives aux professions de santé.

En second lieu, l'application des règles peut revenir à une commission purement privée. Sa composition varie d'un extrême à l'autre, soit ses membres appartiennent exclusivement à la profession concernée, soit ce sont des personnalités indépendantes choisies par les intéressés114, soit il s'agit d'une solution intermédiaire avec une commission mixtens.

D. Le contrôle de ]'application des règles

Dans les deux hypothèses évoquées ci-dessus, une surveillance de l'application des règles est prévue. Elle varie à nouveau selon le rôle de l'autorité de surveillance. Si celle-ci agit directement, une juridiction

113 Ainsi, à Genève le Conseil d'Etat est assisté par la Commission de surveillance instituée par la loi sur le notariat du 25 novembre 1988 (article 51 ; RS/Ge E.5.1.) et la Commission de surveillance des professions de santé, établie par la loi du 16 septembre 1983 sur les professions de la santé, établissements médicaux et entreprises médicales (article 11 ss ; RS/Ge K.3.1.).

114 Cette dernière solution a été prévue par l'article 12 alinéa 1 CDB.

115 L'article 18 alinéa 1 de la loi genevoise sur la profession d'avocat (RS/Ge E.5.4., ci-après LPAv) prévoit la composition suivante: trois avocats inscrits au barreau, trois membres nommés par le Grand Conseil et trois membres désignés par le Conseil d'Etat.

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indépendante assure le contrôielU. Si une Commission prononce, trois modalités sont concevables.

En premier lieu, la décision de la Commission peut faire

recours auprès d'une juridiction administrative117. Dans ce cas, l'<,,.~;;;~~i.!.:

de surveillance privée garde une indépendance certaine vis-à-vis de En second lieu, l'autorité de surveillance peut contrôler

la base de sa compétence propre. Ainsi, la CFB peut, quelle que décision de la Commission de surveillance de la CDB, se saisir affaire et l'examiner au regard de la garantie d'une activité irréprochable. Cette solution, extrêmement souple, est permise par le caractère purement privé de la Convention qui ne déploie aucun effet à l'égard de la CFB. Elle peut, par conséquent, considérer libremenfune question au regard des seules normes qui la lient, les dispositions de li:f LB.

Enfin, une solution intermédiaire apparaît concevable, elle suppose 1111

recours contre la décision de la commission privée auprès de l'autorité dê ... ·•·.

surveillance. La décision de cette dernière pouvant éventuellement fairè . · ·.

l'objet d'un recours auprès d'une juridiction.

E. Les règles de déontologie comme moyen d'action de l'Etat\ Les règles de déontologie assurent une autorégulation de la profession.

Elles permettent un contrôle interne extrêmement souple, le plus souvent complémentaire d'une surveillance étatique. Cette dernière ne po1lrrair généralement être mise en oeuvre que difficilement par l'autorité de surveillance en raison de sa position même. Les règles de déontologie permettent un contrôle plus fin, en assurant une surveillance

gracluee;

L'exemple des différentes sanctions possibles pour la Convention

de

diligence apparaît tout à fait significatif. Pour le reste, l'ensemble des

116 A Genève, pour les décisions prises par le Conseil d'Etat sur la base du droit public cantonal, il s'agira d'un recours de droit public au Tribunal fédéral.

117 A Genève, l'article 49 alinéa 3 LPAv prévoit que les sanctions prononcées, à l'exception de l'avertissement et du blâme, peuvent faire l'objet d'un recours au Tribunal administratif.

éléments développés quant aux avantages de la voie conventionnelle pour la CFB s'appliquent mutatis mutandis aux règles de déontologie.

VI. CONCLUSION

La Convention de diligence est née d'un scandale et finira peut-être son existence à cause d'un autre scandale, mais, d'une manière ou d'une autre, les règles qu'elle contient continueront à régir l'activité des banquiers suisses. Parmi les dispositions de la COB, l'obligation d'identifier l'ayant droit économique est appelée à connaître une carrière fulgurante, elle deviendra certainement la règle déterminante dans ce domaine. Il sera notamment intéressant de voir son développement dans le cadre des futures règles pénales sur le blanchiment d'argent sale qui devraient être prochainement adoptées.

La Convention constitue un exemple intéressant d'autorégulation par les acteurs du marché sous la surveillance de la Commission fédérale des banques. Le système a fonctionné jusqu'à présent, la Convention servant de moyen souple d'action pour la CFB. Toute solution adoptée dans l'avenir devrait tenir compte de cette expérience. Une formule combinant la loi et son ordonnance, la pratique de la CFB et des modalités conventionnelles serait certainement raisonnable et efficacel18.

La Convention démontre le rôle essentiel appelé à jouer à l'avenir par les règles de déontologie. Elles constituent un moyen efficace et proportionné permettant à l'Etat de contrôler une profession sensible. Les modalités de fonctionnement de ces règles sont multiples et favorisent des solutions ajustées aux exigences des cas particuliers. Elles sont probablement incontournables dans le cadre d'une surveillance future globale des intermédiaires financiers ou des gérants de fortune. Ces règles de déontologie apparaissent ainsi destinées à remplir une fonction importante dans le contexte actuel de substitution du droit à la morale.

118 Dans ce sens, P. NOBEL, op. cit,, (note 99), pp. 441, 457.

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