• Aucun résultat trouvé

CHAPITRE 2 REVUE CRITIQUE DE LA LITTÉRATURE

2.3 Les robinets proportionnels

Les robinets proportionnels consistent en un système fixé sur le robinet existant, typiquement installé dans la cuisine du participant considéré comme le point principal de consommation d'eau dans le domicile. Cet équipement permet de séparer le débit d’eau en deux sorties distinctes. La première sortie (95% du débit initial) dessert le consommateur en eau du

robinet alors que la deuxième sortie (5% du débit) alimente une bouteille d’échantillonnage. De tels dispositifs ont déjà été utilisés par le passé pour prélever un échantillon représentatif de l’eau consommée au robinet et en estimer la concentration en plomb. En particulier, van den Hoven and Slaats (2006) ont échantillonné 294 maisons dans sept pays d’Europe au moyen d’un robinet proportionnel. En plus de l’échantillonnage proportionnel, d’autres échantillons étaient aussi prélevés, soit un échantillon prélevé après 5 minutes d’écoulement, un échantillon prélevé en mode aléatoire et deux échantillons consécutifs prélevés après 30 minutes de stagnation. Le choix des volumes prélevés a été fait en fonction des volumes consommés habituellement au robinet de la cuisine, à savoir environ 1,2 L en moyenne par utilisation (van den Hoven & Slaats, 2006). L’objectif de cette étude était de déterminer quel protocole représenterait le mieux l’exposition hebdomadaire au plomb par l’eau potable. Dans cette étude, l’échantillon prélevé après 30 minutes de stagnation était jugé comme représentatif de l’exposition car il se rapprochait de la stagnation moyenne de l’eau dans une maison. Aussi, l’échantillon prélevé après 5 minutes de rinçage était jugé comme l’échantillon représentant l’exposition minimale au plomb de par (i) l’absence de stagnation préalable à la prise de l’échantillon, et (ii) le débit constant d’écoulement appliqué pendant le rinçage.

Les concentrations mesurées par le robinet proportionnel montraient une grande variabilité. Cette variabilité s’expliquait, selon van den Hoven (van den Hoven & Slaats, 2006), par différents facteurs, incluant le type de maison, la configuration de la plomberie, les matériaux utilisés pour celle-ci et plus particulièrement les habitudes de consommation permettraient d’expliquer une partie de la variabilité. En théorie, l’usage d’un robinet proportionnel pour collecter un échantillon autoriserait à faire l’hypothèse que la concentration mesurée est le reflet exact de l’exposition hebdomadaire des consommateurs d’eau potable. Cette hypothèse est valide sous réserve que le robinet proportionnel soit utilisé correctement (non utilisé pour le lavage de la vaisselle par exemple). Cette technique est la seule permettant de capter toutes les variations qui peuvent apparaître au cours d’une semaine, c’est alors l’échantillon représentatif jugé « parfait » au niveau de la représentativité de l’exposition.

Les protocoles en mode aléatoire, après 30 minutes de stagnation, et après 5 minutes d’écoulement ont été comparés en tenant compte de la corrélation des concentrations mesurées avec celles obtenues par l’échantillonnage proportionnel, de la reproductibilité des résultats, de

l’acceptabilité par le consommateur, et du prix de revient de chaque échantillonnage. Les meilleures corrélations avec les concentrations mesurées par échantillonnage proportionnel ont été obtenues avec (i) le prélèvement après 30 minutes de stagnation, en considérant le 1er litre ou le 2e litre (coefficients de corrélation de respectivement 0,5 et 0,56 d’après l’étude européenne) ou la moyenne des deux (coefficient de corrélation de 0,63); et (ii) le prélèvement en mode aléatoire (RDT) (coefficient de corrélation de 0,61). Malgré un coefficient de corrélation relativement comparable, l’échantillonnage aléatoire aurait plutôt tendance à surestimer l’exposition tandis que l’échantillonnage après 30 minutes de stagnation (1er

ou 2e litre, ou moyenne des deux premiers litres) aurait tendance à sous-estimer l’exposition. Finalement, les résultats mesurés après 5 minutes de rinçage étaient faiblement corrélés aux concentrations obtenues par échantillonnage proportionnel (coefficient de corrélation de 0,29), et sous- estimaient l’exposition.

Malgré la bonne corrélation de l’échantillonnage en mode aléatoire (RDT) avec l’échantillonnage proportionnel, cet échantillonnage était peu reproductible comparativement aux deux autres testés (30 minutes de stagnation ou 30MS, 5 minutes d’écoulement ou 5MF). En effet, les facteurs impactant les concentrations en plomb dans l’eau du robinet, tels que le temps de stagnation ou le rinçage ne sont pas contrôlés en échantillonnage RDT, ce qui implique une grande variabilité des résultats et une faible reproductibilité. En conséquence, un plus grand nombre d’échantillons était recommandé pour cet échantillonnage. Du fait du caractère aléatoire de cet échantillon, pour que les résultats soient statistiquement représentatifs de la réalité, on recommande le prélèvement de 20 échantillons par zone desservie par 50 000 habitants. Pour un échantillonnage après 30MS, le nombre d’échantillons à prélever pour obtenir la même robustesse des résultats est entre 2 et 5 fois moins élevé (Santé Canada, 2017). Les protocoles 30MS et 5MF bénéficient eux du contrôle de de deux paramètres déterminant pour les concentrations de plomb qui sont la stagnation et le rinçage de la conduite. De ce fait, leur reproductibilité est meilleure.

Enfin en ce qui concerne le coût de chaque échantillon, les échantillonnages en mode RDT ou après 5 minutes d’écoulement sont relativement peu coûteux et bien acceptés par le consommateur considérant le peu de temps nécessaire sur place pour la prise de l’échantillon. Au contraire, l’échantillonnage après 30 minutes de stagnation était moyennement accepté par le

consommateur et était estimé plus coûteux de par le temps de présence nécessaire dans la maison pour prélever l’échantillon (35-40 minutes), et l’obligation de ne pas utiliser l’eau dans la maison durant la période de stagnation. Finalement, l’échantillonnage proportionnel correspondait à l’échantillonnage le plus couteux et le moins facile à mettre en œuvre chez un particulier. Son installation nécessite en effet de l’espace et peut parfois nuire à la praticité des équipements de robinetterie.

L’aspect de la détection des maisons à risque par les différents protocoles testés a aussi été abordé dans cette étude. En particulier, les auteurs se sont penchés sur la détection des maisons montrant des concentrations significatives de plomb dans l’eau (définies comme ≥10 µg/L, soit la norme européenne) avec le robinet proportionnel et les différents protocoles testés. Dans le cas de l’échantillonnage aléatoire (RDT), 83% des maisons montrant une concentration de l’échantillon proportionnel supérieure à 10 µg/L avaient des concentrations en mode RDT supérieures à 10 µg/L. Ce pourcentage diminuait à 76% pour les échantillons prélevés après 30 minutes de stagnation, et à 45% pour les échantillons prélevés après 5 minutes d’écoulement.

Clement et al. (2000) a eu recours à l’utilisation des robinets proportionnels pour la mesure des concentrations de plomb dans l’eau potable dans 9 maisons. L’auteur a notamment évalué la dose journalière de plomb ingérée par consommateur sur la base des concentrations en plomb mesurées par échantillonnage proportionnel, et comparé le résultat obtenu avec la dose calculée pour une concentration mesurée après stagnation (entre 3, 5 et 8 heures) et une eau fraîche n’ayant jamais stagné. Le volume consommé était fixé à environ 3 litres. Les résultats indiquent que l’exposition journalière au plomb calculée (au moyen d’une formule simple de calcul de masse en fonction du volume et de la concentration) sur la base des résultats d’échantillonnage proportionnel se situe entre la dose calculée pour une eau consommée après une longue stagnation et celle calculée pour une eau après écoulement. Par ailleurs, cette dose était proche, voire supérieure la dose hebdomadaire tolérable provisoire de 25 µg Pb/kg pc/semaine en vigueur à l’époque. Clement et al. (2000) insiste, tout comme van den Hoven and Slaats (2006), que l’exposition est hautement dépendante de la configuration de la plomberie et des habitudes de consommation des usagers. La qualité d’eau et l’état de corrosion du réseau qui en découle sont aussi des paramètres influents lors de la comparaison de différentes zones

d’approvisionnement en eau. Finalement, d’une maison à une autre et pour une qualité d’eau identique, les concentrations montrent une grande gamme de variation selon le taux d’occupation de la maison (nombre de personnes qui y vivent) et le volume contenu dans la plomberie interne.