• Aucun résultat trouvé

RITUEL, ROUTINE, SUPERSTITION, RÉPONDRE À UN BUT OU UNE FIN

B// RENOUVELEMENT DES SACRÉS DANS L’ART

1) RITUEL, ROUTINE, SUPERSTITION, RÉPONDRE À UN BUT OU UNE FIN

avec le design en ce qu’il est construit également par des bricolages.

On peut supposer que la redéfinition du sacré a invité l’art et le design à se fondre dans d’autres attentes, caractéri- sées par les logiques plus consuméristes produisant des œuvres en quantité et répondant au plus grand nombre. La place et la fonction du rituel peuvent être interrogées dans ces nouvelles manières de penser l’art et le design. Il se peut que ce que l’on considère comme les nouvelles formes de rituels se confonde avec de la routine ou de la superstition (18). Pour les distinguer, on pourrait se deman-

der de quel motif relève leur accomplissement. Est-ce la réponse à un but, à une fin ? Si la réalisation répond à un but, cela signifierait qu’il s’agit d’une simple action dont le résultat est possible et réalisable, elle n’a donc pas de sens. Certains rituels (Noël…) sont déformés à la suite de la baisse de valeurs religieuses, ils semblent maintenus entre autre par le besoin de faire consommer. Tandis que s’il s’agit de répondre à une fin, il faut admettre qu’elle puisse être inaccessible, qu’elle soit de l’ordre d’un idéal donc de l’inatteignable.

L’artiste ou le designer sont susceptibles de s’accomplir à la force d’un optimisme inébranlable et s’engageant dans la quête d’une fin menaçant à chaque étape de leur échapper. C’est en tous cas ce qui les porte, les motive, les contient. L’exemple de certaines œuvres dépendant du mouvement de l’art conceptuel peut sembler intéressant puisque son fondement réside dans le concept plus que la réalisation matérielle finale. C’est donc dans la démarche de mettre en lumière un concept pour répondre à un objectif défini qu’un ensemble d’actes sont accomplis. Pourtant le résultat n’est pas garanti, l’artiste a le courage de prendre un risque.

(18) Voir ces défini-

52

► Exposition de certaines toiles de Roman Opalka à la Galerie Yvon Lam- bert, à Paris : Opalka 1965/1 à l’in- fini, plusieurs détails, peinture acrylique sur toile de coton, 196 x 135 cm. Possibilité d’ob- server le détail n°3324388-3339185 au Centre Pompidou de Paris.

Lorsque Roman Opalka s’engage dans la tentative d’illustrer le temps, il n’est pas certain que ses œuvres pourront pré- tendre à cela. Il fait confiance au rituel pour le soutenir dans une œuvre qui devient obsessionnelle.

La menace qui pèserait sur la société actuelle est de ne pas distinguer les rituels et la routine. La routine d’après ses racines vient de « route », ce serait donc un cheminement pré tracé qui consisterait en l’accomplissement d’actions sans réflexions. Elles seraient devenues spontanées car très codées. Une formule A entraine la réplique B. Elles répondent à un but, sans logique d’idéal à accomplir. Leur résultat n’a alors pas de sens. Le rituel, puisqu’il est parfois difficile à expliquer par ses propres acteurs et répondant souvent à des traditions, présente une position ambigüe. Il est accompli par espèce d’automatismes et par obligations, ce qui laisse imaginer qu’il serait dénué de sens.

« Pour les spécialistes de l’histoire des religions, et notamment ceux de l’histoire romaine, le rite ne serait précisément que «ritualisme », un cadre formel vide de sens pour les acteurs ». (19)

Toutefois, il peut sembler délicat de considérer que le rituel soit vide de sens dans la mesure où il est riche en sym- boles et qu’il honore un sacré. S’il se réfère à des systèmes de croyances (religion ou simplement croyance indivi- duelle), c’est qu’il s’agit de répondre à un espoir, un idéal pour lesquels les réponses sont en suspens. C’est pourquoi il tenterait de répondre à une fin. Toutefois, Martine Segalen trouble cette idée lorsqu’elle dit :

« Le rite est activité pure, sans signification ni but et sa seule valeur est intrinsèque. […] Ce qui importe, c’est le respect des gestes et des paroles. » (20)

La distinction précédemment faite entre rites et rituels pourrait aider à comprendre la difficulté à définir le dessein de ces derniers. Nous y disions que le rituel, l’ensemble de règles à suivre, était assez souple car l’opérateur pouvait l’adapter selon ses besoins et le sens qu’il lui donnait. En revanche, le rituel serait constitué de rites auxquels nous choisissons de faire appel au non. Eux, seraient figés et dénués de sens s’ils ne composent pas, ensemble et ras- semblés, un rituel.

(19) SEGALEN, Mar-

tine, Rites et rituels contemporains, 2005, Paris, Ed. Armand Colin, Coll. Cursus, 2017, p.20.

54

Le respect d’un sacré participe à la définition d’un rituel. Nous avons vu précédemment qu’il pouvait sortir du cadre religieux et qu’en ce sens la notion de ritualité profane n’était pas un contresens. En revanche, une autre caractéristique peut troubler leur interprétation, il s’agit du caractère répétable des rituels et répétitif des rites. Notam- ment lorsqu’il s’agit de remarquer leurs nouvelles formes dans un contexte séculier. Afin de proposer des outils qui permettraient de les mettre en évidence, il est nécessaire de les distinguer des habitudes et des routines qui animent nos quotidiens.

Pour commencer, il y a les habitudes qui paraissent profi- tables à notre existence. Ce sont nos manières d’être, de sentir, de faire. Soit notre manière d’être au monde, à la fois l’environnement et les personnes côtoyées. Adopter des habitudes, c’est s’habituer, c’est habiter. Par les habitudes, la répétition de petits gestes, l’humain s’établit sur un lieu. Elles sont bien souvent effectuées machinalement et sur ce point, elles se distinguent des rituels, supposés être plus interrogés. Un beau jour, lors d’un voyage en voiture, un grand-frère qui avait pour habitude de s’asseoir derrière le conducteur, décide de se placer entre ses petits frères qui ne cessent de se disputer sur la banquette. L’action porte ses fruits car les cadets ne se querellent plus. Ils ont gran- dis et leur tempérament ne les pousse plus à se chamailler, pourtant, par « habitude », le grand frère continue de se pla- cer entre eux. La démarche a perdu tout son sens mais est devenue habituelle car c’est une manière de faire qui serait troublée si l’un des frères venait à prendre un autre siège.

2) LA RÉPÉTITION, CARACTÉRISTIQUE DU