• Aucun résultat trouvé

Etudier cette question de la chasse par le biais de rites d’in- teraction peut être intéressant. La chasse est une image, presque un archétype, des pratiques qui permettent une cer- taine cohésion dans les lieux de drague. Tout d’abord, resi- tuons rapidement cette image de «rites d’interaction». Elle s’intéresse à l’interaction sociale qui serait le produit de deux personnes qui se prennent en considération et respectant un certain nombres de codes. Erving Goffman, dans ses pre- miers travaux accorde une part de sacralité assez importante à l’objet, c’est à dire à la personne, au visage, en face. Il cite à de nombreuses reprises des travaux d’Émile Durkheim « La personnalité humaine est chose sacrée ; on n’ose la violer, on se tient à distance de l’enceinte de la personne, en même temps que le bien par excellence, c’est la communion avec autrui ». On peut se demander si, dans le cas des lieux de drague la question de la sacralité se pose ou non dans les rites d’interaction ? La question de la figuration chez Goffman est- elle compatible avec une pratique de désir, de chasse ? On peut faire l’hypothèse que oui, malgré la recherche d’effica- cité et de rapidité qui peut animer les protagonistes, le corps occupe, quand le temps le permet, une place importante et presque sacrée comme nous le verrons dans la partie qui s’intéresse à la question de la nature. Une sacralité également dans la mesure où les lieux de drague peuvent être abordés comme des lieux cultuels, entre la nature et la culture, un état d’entre-deux abritant un certain nombre de rites, de répéti-

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU DROIT

D'AUTEUR

tions et de mythes. Assez rapidement, E. Goffman propose de redéfinir certains éléments : « J’emploie le terme rites, car cette activité, aussi simple et aussi séculière soit-elle, repré- sente l’effort que doit faire l’individu pour surveiller et diriger les implications symboliques de ses actes lorsqu’il se trouve en présence d’un objet qui a pour lui une valeur particulière » Par cette définition il introduit la question du respect qui est récurrente dans les lieux de drague et qui n’est pas incom- patible avec le désir érotique. Il est souvent présenté par les protagonistes comme élément pilier de toute activité. En dépit des jeux de rôles, des faces que chacun présente il est indispensable que toute relation soit basée sur cette question de respect.

Le respect entre les individus mais aussi envers le site. Les témoignages à ce sujet on été nombreux et c’est probablement une des première raison qui pourrait trahir quelqu’un sur sa présence. «des gays viennent nettoyer parfois au printemps, ils ramassent les capotes, taillent les branches... Il y a même le sidaction qui vient parfois pour sensibiliser

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU DROIT

D'AUTEUR

...À L’ÉTHOLOGIE »

Plus tard, il (Goffman) dit : « Plus important encore, ils (les éthologues – sic) ont mis au point un travail sur le terrain qui les conduit à étudier les conduites animales de très près, en gardant le contrôle d’idées préconçues. Ils en ont retiré l’aptitude à découper à ses points d’articulation le flux de l’ac- tivité animale apparemment fortuite, et à isoler des schémas naturels. Il suffit de faire remarquer ces séquences comporte- mentales à l’observateur pour que sa vision en soit changée» C’est par cette vision éthologique de la question du rituel, que la compréhension des rites d’interaction dans les lieux de drague, devient la plus saillante. Cette vision détache l’indivi- du de sa culture, de son histoire et ainsi le place directement dans les lieux de drague.

Nous disions au début de ce mémoire que les lieux de drague sont des lieux d’expériences libres entre hommes, de tout âge et de tout horizon. Il n’y a pas, de la part des individus, de connaissance des histoires, des statuts, des revenus, des âges et des cultures, des personnes qui sont en face d’eux. Ainsi, tout reste à construire, chacun y propose son histoire, sa face, qui n’est pas celle qu’il présente dans son quotidien. Seules les voitures peuvent peut-être renseigner, on retrouve des ber- lines comme des camionnettes, qui potentiellement peuvent, à minima, faire référence à une profession et (ou) à un revenu. C’est en ça que l’emprunt à l’éthologie permet de comprendre les interactions car elles ne sont pas basées sur des connais- sances mais sur des individus étrangers qui présentent une face inédite et adaptée au lieu. Cette ignorance peut

également nous rapprocher à nouveau de la question de la sacralité des individus qui serait alors le motif unique du res- pect en dépit de toute autre connaissance de l’individu. Mais

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU DROIT

D'AUTEUR

ce qui motive ces rites c’est également une acceptation dans un groupe, de ne pas avoir de comportement déviant et ain- si de montrer le «pourquoi» de sa présence. C’est également dans le but de se faire accepter dans une dualité entre indivi- dus, dans le but d’un rapprochement, qu’il soit sexuel ou non. On peut alors se demander, qu’est-ce qui motive le rapprochement, en sachant qu’il n’y a pas de connaissance de l’individu en face. Nous avons vu ici, et nous le verrons tout au long de ce mémoire, qu’il y a un certain nombre de mé- canismes pour interagir, au sein du groupe mais aussi à une échelle plus réduite, celle de la dualité. C’est un lieu de ren- contre et cette recherche de face à face reste, on peut en faire l’hypothèse, le motif de toute présence. Mais nous pouvons nous demander : Plaire oui, mais à qui et pourquoi ?

ECOLE

NATIONALE

SUPERIEURE

D'ARCHITECTURE

DE NANTES

DOCUMENT

SOUMIS

AU DROIT

D'AUTEUR

L'autre.