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2. Le cas d’un modèle technique présentant un risque de verrouillage

2.2. Risques de verrouillages liés à l’AC

En dépit de cette expansion et de l’intérêt des politiques publiques pour l’AC, il subsiste

des controverses sur l’efficacité environnementale de certaines techniques. Cette situation

pose problème au regard du risque de verrouillage technologique dont le modèle est

porteur.

2.2.1. Contraintes techniques et utilisation de produits phytopharmaceutiques

en AC

L’impact des techniques d’AC sur le niveau d’utilisation de produits

phytopharmaceutiques et en particulier d’herbicides est l’objet d’inquiétudes.

Plusieurs études montrent une dépendance voir une augmentation du recours aux

pesticides sur des exploitations converties à l’AC

31

. Dans certains cas le « paillis » produit

dans certains systèmes conduits en AC (le couvert végétal « mort » constitué des résidus

végétaux) peut en effet favoriser l’augmentation de parasites et de ravageurs, et donc

l’utilisation de pesticides nécessaires à leur élimination. Dans le cas de la France, on

observe un recours accru aux pesticides en non labour (Richard et al., 2001 ; Aubertot et

al., 2005 ; Agreste 2014). Cette dépendance est plus ou moins élevée selon les cultures :

elle est notamment particulièrement problématique dans le cas des cultures de colza (voir

29

Empresa Brasileira de Pesquisa Agropecuaria.

30

Programa ABC, Agricultura de Baixa Carbono.

31

Dans certains pays du Sud on voit l’augmentation voire l’introduction de l’usage des herbicides dans des

exploitations jusque-là autonomes vis-à-vis de l’utilisation de ce type d’intrants (en Zambie et au Ghana

par exemple, Boahen et al., 2007, Baudron et al., 2007). Ces résultats ont donné lieu à une controverse

importante dans la communauté scientifique (voir en particulier l’article de Giller et al., 2009) qui a conduit

à remettre en cause la promotion de l’AC par les organisation internationales, et notamment la FAO,

auprès des agriculteurs familiaux des pays du Sud.

59

par exemple en France Agreste, 2010 : « Le colza est très dépendant des pesticides dans

les rotations courtes sans labour »).

Une partie des systèmes conduits en AC est en particulier dépendante de l’utilisation

d’herbicides pour gérer plusieurs types de problèmes techniques (voir hors-texte 5) :

- gestion des adventices (mauvaises herbes) pour remplacer l’effet du labour et gérer

le « stock de semences » en surface du sol qui a tendance à augmenter lorsque les

horizons du sol ne sont plus retournés profondément ;

- destruction des couverts végétaux avant le semis de la culture.

Hors-texte 5 : Herbicides et gestion des mauvaises herbes en sans labour

Les herbicides sont utilisés en interculture pour détruire les levées de mauvaises herbes et pouvoir

semer dans un sol « propre ». Cette utilisation est surtout liée à la période de transition entre

systèmes en labour et systèmes en AC, où l’on peut alors observer une augmentation des

quantités utilisées. A la suite de cette période un équilibre peut se mettre en place entre ravageurs

et auxiliaires, qui permet alors de réduire les intrants. Des analyses pointent cependant du doigt

certaines pratiques en SCV ou SD qui remplace l’action du labour mécanique par ce que certains

appellent un « labour chimique ». D’une manière générale, un désherbage régulier est nécessaire

pour éviter un retour à la charrue et la perte des bénéfices engrangés par ailleurs grâce à l’arrêt du

travail du sol.

Les herbicides peuvent aussi être utilisés pour la destruction de certains couverts végétaux avant

le semis de la culture. Cette destruction peut être faite au moyen d’herbicides dits dessicants.

Les données des enquêtes « Pratiques culturales » menées en France depuis 2001 et les

données disponibles pour le Brésil montrent une dépendance voire une augmentation de

la consommation d’herbicides en sans labour, glyphosate

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en tête (voir annexe n°1). Il

existe des alternatives à l’utilisation d’herbicides face à ces contraintes techniques mais

elles sont peu développées. Des expériences montrent qu’il est possible d’intégrer des

pratiques de gestion des mauvaises herbes sans herbicides (désherbage mécanique, rôle de

l’élevage, maîtrise des couverts végétaux par l’association de plantes de couverture…). De

même pour la gestion des couverts végétaux des solutions moins polluantes existent mais

qui sont plus complexes et longues à mettre en place (utilisation de plantes gélives en

France, de techniques de désherbage mécanique, réintroduction de l’élevage sur

l’exploitation pour que les couverts soient consommés par le bétail).

D’une manière générale la gestion des adventices constituent un problème important dans

les systèmes sans labour parce que les solutions alternatives aux herbicides nécessitent la

mobilisation de connaissances agronomiques nouvelles et spécifiques. Par exemple dans la

construction de rotation de cultures/intercultures limitant la prolifération des mauvaises

32

Le glyphosate est une molécule d’herbicide total (non sélectif), c’est-à-dire efficace sur l’ensemble de la

végétation (adventices et espèces cultivées). Elle a été mise au point par la firme Monsanto au début des

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herbes ; dans l'élaboration de solutions de désherbage mécanique ; dans la mise en place

de faux semis

33

; ou encore dans les avantages de la réintroduction de l’élevage

(notamment pour la destruction des couverts végétaux). Or les recherches sur ces

techniques alternatives, et en particulier en agriculture biologique, sont moins développées

(Peigné et al., 2007).

Autrement dit, certains travaux d’agronomie tendent à montrer qu’une maîtrise de la

technique du semis couvert pourrait permettre de contourner l’usage massif de pesticides

sous certaines conditions, notamment si l’on trouve des rotations de culture adaptées aux

conditions du milieu (Tourdonnet et al., 2007). Toutefois, dans les conditions actuelles de

la pratique, pour toutes exploitations agricoles confondues, les données disponibles

montrent qu’à l’échelle nationale la réduction du labour s'accompagne d'un accroissement

du recours aux pesticides, notamment d’herbicides.

2.2.2. Dynamiques historiques favorisant l’utilisation d’herbicides et de paquets

technologiques associés.

Cette situation de dépendance à l’égard de l’utilisation d’herbicides s’explique d’une part

par les conditions initiales du développement de l’AC, et d’autre part par l’existence de

rendements croissants lors de l’adoption de « paquets technologiques » autour de

l’utilisation de ces produits, favorisés par les effets d’apprentissage au sein des réseaux. On

retrouve en effet dans l’histoire du développement de l’AC une caractéristique classique

des situations de verrouillage technologique : la complémentarité entre technologies

(David, 1985), ici entre AC et nouveaux herbicides.

Historiquement les systèmes en non labour se sont développés avec l’arrivée sur le

marché d’herbicides de nouvelle génération (dits herbicides totaux* ou non sélectifs) et

bon marché. C’est aux Etats-Unis que la firme Monsanto a proposé le premier herbicide

total non sélectif (à base de glyphosate) au début des années 1970. Cette innovation fut un

facteur important de la diffusion des systèmes en semis direct. Avant cela, de nombreux

échecs en sans labour étaient dus à l’impossibilité de gérer les adventices et de trouver un

remplaçant au labour. Dans les années 2000, le passage dans le domaine public de la

molécule produite et brevetée par Monsanto, et donc la baisse du prix des herbicides

totaux, a aussi favorisé la diffusion du semis direct, en particulier en France. Cette

complémentarité entre technologies a aussi concerné des semoirs adaptés aux techniques

sans labour

34

, et plus récemment des semences (semences résistantes aux herbicides

33

La technique du faux semis vise à réduire le stock de semences d’adventices (mauvaises herbes) en

dormance dans les sols. Elle consiste à préparer le sol comme pour un semis, afin de laisser germer les

graines de mauvaises puis de les détruire, avant de réaliser le semis des plantes de culture.

34

Le développement des techniques d’AC produit des besoins en machines spécifiques (en particulier des

semoirs). Le machinisme associé aux nouvelles pratiques en sans labour est très important, en matière de

qualité technique mais aussi d’un point de vue symbolique. En France, Goulet (2008) analyse ainsi

l’importance des valeurs symbolisées par la maîtrise de ces nouveaux outils perfectionnés (et par la remise

en cause de la pratique ancestrale du labour), pour les exploitants en grandes cultures qui traversent une

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totaux ou semences de plantes de couverture

35

). Dans certains pays d’Amérique Latine

dont le Brésil, la mise en œuvre des systèmes de semis direct est aujourd’hui souvent

associée à un ensemble de technologies calibrées sur l’utilisation d’herbicides. On parle

alors de « paquets technologiques »* comprenant un semoir adapté aux techniques de

travail du sol en AC, un herbicide total, et des semences génétiquement modifiées (GM)

résistantes à cet herbicide.

La diffusion de ces technologies présente les caractéristiques associées en théorie à

l’existence de rendements croissants à leur adoption. Ces rendements sont soutenus non

seulement par les effets de la création de réseaux d’apprentissage entre agriculteurs, mais

aussi par des dynamiques nouvelles de coordination de la R&D. De nombreuses études

en sciences sociales montrent le rôle central qu’y ont joué les firmes d’amont (par exemple

au Canada [Coughenour, 2003] ; au Brésil [Ekboir, 2003] ; en France [Goulet, 2008]).

Le Brésil est en ce sens un cas exemplaire. L’implication des firmes dans les communautés

de pratique de l’AC et en particulier auprès des coopératives de producteurs de

l’agro-négoce a pu favoriser la production de références techniques partagées sur les paquets

technologiques. L’agrandissement des communautés est alors favorable à l’existence de

rendements croissants en réduisant le coût de la technologie, dans sa dimension matérielle

hardware »

36

) (économie d’échelle sur la fabrication des semoirs, des herbicides, des

semences) et immatérielle (« software ») (réduction des coûts d’apprentissage grâce aux

réseaux d’utilisateurs). Les « paquets » précédemment décrits incluent aujourd’hui aussi

les références techniques adéquates pour mettre en place ce système. Ils sont au cœur de

l’expansion rapide des surfaces cultivées par l’agro-négoce, en particulier de la culture du

soja (Hernandez, 2007).

Selon Ekboir (2003), un système d’innovation particulier s’est mis en place autour de

partenariats entre des firmes d’amont (vendeuses d’intrants et de semoirs), le secteur de

« crise identitaire » dans le contexte actuel de crise environnementale, économique et sociale de la

profession agricole dans le pays. Les semoirs (semoirs à disques, semoirs à dents, à herses…) sont

notamment un outil important. Ils réalisent pour la plupart à la fois un travail superficiel du sol et le semis,

ce qui permet à l’agriculteur de réduire le nombre de ses passages. Dans les années 1970 les semoirs sont

souvent importés des Etats-Unis, et parfois élaborés en collaboration avec les firmes phytosanitaires qui

produisent les herbicides totaux nécessaires à la mise en place d’un certain type de semis direct (Cas de

l’entreprise fabriquant le semoir Sulky Burrel dans les années 1970, qui travaillait avec des agents de

l’INRA [Goulet 2008]). Les communautés d’utilisateurs de semoirs, encadrés parfois par les firmes ou les

coopératives, ont constitué un lieu important d’accumulation de références techniques sur les innovations

développées en AC.

35

Les firmes semencières montrent leur intérêt pour le développement d’un autre marché de semences lié

à l’agriculture de conservation. Des semences spécifiques pour la culture de couverts végétaux, pratique

associée aux techniques d’AC, ont ainsi faits leur apparition sur le marché en France. Pour les firmes

semencières, la diffusion de ces pratiques de couverture des sols représente un marché prometteur, en

parallèle au développement de la législation incitant à la couverture des sols agricoles.

36

Au sens de David (1985), qui identifia des réductions les coûts liés à la diffusion du clavier QWERTY

dans leur dimension hardware(économie d’échelle dans la fabrication industrielle des machines à écrire) et

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l’agro-négoce et des chercheurs. Selon lui, les liens resserrés entre les acteurs impliqués sur

le terrain, ayant des intérêts convergents (besoin de l’agro-négoce de disposer d’un modèle

technologique permettant d’allier productivité et conservation des sols ; intérêts

commerciaux des fournisseurs d’intrants) ont permis la diffusion rapide des technologies,

leur amélioration simultanée par les praticiens, les acteurs de la R&D et les firmes

d’agro-fourniture, ainsi que des apprentissages mutuels entre ces acteurs. Cependant, la

formation de tels réseaux d’innovation et d’apprentissage autour des praticiens de l’AC a

aussi facilité l’appropriation des technologies produites par les firmes de l’agrochimie, au

détriment de pratiques et d’innovations alternatives.

Selon Ekboir (2003), l’adoption massive des techniques d’AC n’a été observée que dans

les régions où de telles méthodes de recherche et de développement qu’il qualifie de

« participatives » ont émergé. La mobilisation de l’idée de participation pour qualifier les

dynamiques d’innovation liées à la diffusion de l’AC revêt alors un caractère troublant.

D’un côté, elle est associée à un discours sur la nécessité d’une rupture avec les structures

d’encadrement technique et de R&D issues de la modernisation pour inventer des

solutions nouvelles pour l’agriculture, et sur la mise en valeur du rôle des agriculteurs dans

les dynamiques d’innovation. Ce discours est appuyé par certaines analyses de sciences

sociales (Ekboir, 2003) et par les promoteurs de l’AC (Bourguignon, 2002 en France ;

Landers et al., 2001 pour le Brésil) qui défendent le besoin de développer des dynamiques

d’innovation ascendantes (« bottom-up »)

37

.

D’un autre côté, ces dynamiques se caractérisent dans certains cas par l’implication étroite

de firmes d’amont dans les réseaux d’acteurs et les dynamiques d’apprentissage, qui sont

porteuses d’intérêts commerciaux liés à la diffusion de nouvelles technologies

38

. L’idée de

participation apparaît aussi dans les processus de politiques publiques comme moyen de

permettre des arbitrages technologiques mieux informés, et comme moyen d’organiser de

nouvelles formes de mobilisation et d’accès aux connaissances pour l’agriculture.

37

« Pour la première fois dans l’histoire de l’agronomie, les agriculteurs sont en avance sur les agronomes, et c’est de cette

innovation qui vient de la base que va sortir l’agriculture de demain ». (Bourguignon, 2002). Ces discours opposent

ces dynamiques à celles qui seraient issues de la modernisation agricole, qu’ils décrivent comme

hiérarchisées (les structures d’encadrement publiques ou gérées par la profession auraient diffusé les

innovations auprès d’agriculteurs simple « utilisateurs »), dépassées et inefficaces pour inventer des

solutions innovantes.

38

A ce titre, Frédéric Goulet dans sa thèse (2008) a évoqué cette ambiguïté dans son analyse des relations

entre certaines communautés de pratiques de l’AC en France et les firmes fournisseuses d’intrants : « Les

firmes contribuent à construire et à ‘mettre en scène’, en se rendant invisibles, l’image de l’innovation ascendante, qui viendrait

de la base et de la pratique. ‘Participation’ des acteurs du terrain et ‘écologie » se télescopent telles deux sphères vertueuses

(…) et offrent un cheval de Troie pour le développement d’artefacts controversés comme les herbicides ou les organismes

transgéniques. » (Goulet, 2008, p.316).

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3. La « participation » comme solution ?

Dans les domaines de l’agriculture et de l’environnement, face aux différentes dimensions

cognitives du risque de verrouillage que nous avons présentées, la « participation » est

souvent invoquée comme un instrument de gouvernement des choix technologiques

permettant de tenir compte du point de vue des acteurs et d’améliorer l’accès aux

connaissances pour la décision.

3.1. La « participation » comme moyen d’innover et de gouverner des

politiques publiques controversées ?

La remise en cause des pratiques intensives en agriculture et de leurs conséquences sur

l’environnement a entraîné un discours critique sur les sciences et techniques, et sur les

modalités de production et de diffusion des connaissances qui ont permis la

modernisation de l’agriculture (Bonneuil, Thomas, 2009 ; Lemery, 2003). Se développe

l’idée selon laquelle un certain modèle de développement est attaché à des modes

spécifiques de production des connaissances pour la décision technique et politique. Pour

changer de modèle, il faudrait donc une rupture dans les façons de mobiliser des

connaissances pour la décision et de faire de la recherche et du développement. Dans ces

débats l’idée de participation connaît un succès particulier. L’idée de la participation des

agriculteurs aux dynamiques d’innovation et de production des connaissances est souvent

déclinée dans des discours se revendiquant promoteurs de nouveaux modèles

d’agriculture durable : elle permettrait l’invention de solutions et techniques rompant avec

« l’agriculture conventionnelle ». C’est ainsi que, dans un rapport consacré à

l’agroécologie, le rapporteur spécial des Nations Unies sur le droit à l’alimentation (De

Schutter, 2010) énumère les avantages de la participation des agriculteurs à l’élaboration et

la mise en œuvre des programmes de développement ainsi qu’à la production de solutions

techniques innovantes en agriculture

39

. L’idée de participation est déclinée de la même

façon dans les réflexions autour du modèle de « l’intensification écologique » (Griffon,

2013), ou de l’Agriculture de Conservation (Bourguignon, 2002 ; Landers et al., 2001,

Landers, 2001).

39

Dans ce rapport, l’idée de participation est étroitement associée à la notion de coconstruction des

savoirs : « La coconstruction est essentielle à la réalisation du droit à l’alimentation. Premièrement, elle permet aux pouvoirs

publics de tirer parti de l’expérience et de la contribution des agriculteurs. Au lieu d’être vus comme des assistés, les petits

agriculteurs devraient être considérés comme des experts dont les connaissances viennent compléter les compétences formelles.

Deuxièmement, comme l’a montré précédemment le rapporteur spécial lorsqu’il a décrit les méthodes participatives de

sélections des plantes, la participation permet de s’assurer que les politiques et programmes répondent véritablement aux

besoins des groupes vulnérables, qui remettront en cause tout projet n’améliorant pas leur situation. Troisièmement, la

participation autonomise les pauvres – ce qui est une étape déterminante vers l’atténuation de la pauvreté. » (De Schutter

O., 2010, Rapport du Rapporteur spécial sur le droit à l’alimentation, Nations Unies, 20 décembre 2010).

64

Cette idée de participation est ainsi au cœur d’une multitude de discours, mais aussi de

réglementations et de programmes de politiques publiques, en particulier dans différents

domaines liés à l’environnement et l’agriculture.

Depuis les années 1990, l’idée de participation est au cœur de débats au sein de l’Union

européenne, dans le cadre de réflexions sur la réforme de sa gouvernance, la refonte du

dialogue social entre les citoyens européens et les institutions, et sur une meilleure prise en

compte de la « société civile » dans les processus de décision. L’analyse des processus

sociaux qui ont conduit la participation à émerger comme norme pour l’action publique

communautaire (Saurugger, 2010) montre que la notion a donné lieu à différentes

interprétations. La référence initiale à une « démocratie participative », dans le Traité

constitutionnel de 2005 notamment, disparaît ainsi dans le traité de Lisbonne, où l’idée de

participation est associée à une obligation de dialogue et de « transparence », en particulier

par le moyen de consultations (article 8b du traité de Lisbonne).

Il est à noter qu’une partie de ces débats a porté sur la question spécifique de l’accès aux

connaissances pour la décision, dans le cadre des discussions autour de la publication du

Livre Blanc sur la gouvernance par la Commission européenne (25 juillet 2001). Ces

débats ont évoqué la question des moyens de garantir la représentativité des opinions et

connaissances mobilisées dans les débats, et d’améliorer l’utilisation des connaissances

scientifiques pour la décision

40

.

Dans les domaines des politiques environnementales et agricoles qui nous intéressent plus

particulièrement, l’idée de participation s’institutionnalise depuis les années 1990. Au

niveau international, la déclaration de Rio sur l’environnement et le développement en

1992, puis la convention d’Aarhus en 1998, font de la participation un droit de l’Homme

et incitent les gouvernements à l’inscrire dans leur législation comme une norme juridique

contraignante.

Pour le cas de la France, le niveau communautaire joue un rôle particulièrement

important. Plusieurs directives européennes rendent obligatoire à terme pour les Etats

membres d’organiser et améliorer la participation du public lors de l’élaboration de

certains plans et programmes relatifs à l’environnement (Directive-cadre sur l’eau

2000/60/CE ; Directive Participation 2003/35/CE). Dans ces textes, la conception et la

mise en œuvre des procédures de participation et d’accès aux connaissances pour les

parties prenantes sont cependant renvoyées aux Etats membres. (Voir annexe 3 : l’idée de

participation dans le traité de Lisbonne et la Directive Participation). L’organisation d’un

Grenelle de l’Environnement en France en 2007 est ainsi liée à l’application de la

Directive Participation. Le dispositif de concertation et de consultation prévu par le

40

C’est ce que révèlent les consultations menées pour la préparation du Livre Blanc sur la gouvernance

démocratique européenne, et en particulier sur la question de « Démocratiser l’expertise et créer des