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The oriquement, la ville et le milieu urbain ont toujours e te conside re s comme des espaces qui offrent les meilleures ame nite s et les meilleures conditions sociales comme par exemple la voirie, les transports, l’alimentation en eau, l’assainissement et l’e lectricite . Pourtant en Afrique, les villes sont particulie res car leur urbanisation ne e de la colonisation diffe re des autres villes du fait d’une croissance souvent mal maî trise e. Elles peuvent offrir le pire comme le meilleur des environnements pour la sante et le bien e tre : tout est question de milieu social. Le risque sanitaire s’y pose alors avec d’autant plus d’acuite et en particulier les risques sanitaires hydriques. Si au de but des anne es 1980 Ge rard Salem se plaignait du manque de culture des ge ographes sur les proble mes de sante publique en milieu urbain en de veloppement, de nombreuses recherches ont depuis permis d’e laborer un cadre the orique et me thodologique sur les risques sanitaires en milieu urbain en PED (Salem, 1998). La pre sente recherche porte sur une e tude de cas, Antananarivo, la capitale de Madagascar. Comme le souligne Sy (Ibrahima, Moussa, 2014), l’essentiel des recherches mene es jusqu’a pre sent concernent des me gapoles alors que les me tropoles de moindre importance comme Antananarivo restent de loin les plus nombreuses. Et donc cette recherche prend alors tout son sens et son inte re t.

La ville en pays en de veloppement, un syste me e pide miologique particulier Envisage e sous l’angle de la sante , la ville est un syste me e pide miologique particulier dans les pays en de veloppement. En effet, dans le cadre de sa the se sur Brazzaville au Congo, Elisabeth Dorier-Apprill (Dorier-Aprill, 1993) re pertorie trois risques pathoge nes majeurs en milieu urbain en de veloppement. Le premier est lie aux complexes pathoge nes propres au climat tropical humide. En effet, souvent la croissance de la ville en PED n’a pas occulte le caracte re irre versible de ses traits e cologiques avec une ve ge tation abondante et des cours d’eau propices aux gî tes larvaires et insectes vecteurs aux maladies infectieuses telles que le paludisme (cf. les cours d’eau et les sols d’apports, Figure 10). D’ailleurs a Antananarivo, la pre dominance des paysages de rizie res contribue a forger aupre s de la population une vocation agricole de leur ville (Fournet-Gue rin, 2007). « Ces espaces relevant de la non-ville » re ve le « une de finition de la ville floue et e quivoque » (Fournet-Gue rin, 2007) et interroge son statut. On peut dans ce premier facteur interroger la pre sence toujours en filigrane du caracte re de terministe de l’analyse des relations entre les milieux (domine s par leurs dimensions physiques) et l’ine gale re partition des maladies. L’expression d’un climat tropical humide est variable et ne pre sente pas la me me expression notamment ici dans un contexte de hauts plateaux.

Figure 10 - Les traits écologiques de la ville d'Antananarivo

Le second type de risque est directement lie aux carences des infrastructures urbaines. De nombreux e crits soulignent la particularite de l’acce s aux soins dans la ville africaine ge ne ratrice d’une forte ine galite territoriale. Dans le cas d’Antananarivo, le constat des logiques d’implantation des offres de sante est celui d’une tendance a l’effritement de l’offre publique au profit du secteur prive (Figure 12). L’offre prive e non lucrative, le « troisie me secteur » (Crampton, 2001), assure e par le secteur confessionnel en grande majorite et les ONG joue un ro le important en re e quilibrant la carte sanitaire de la ville en particulier dans les « de serts me dicaux » des quartiers populaires (Harang, 2007). Ces dispensaires sont re partis a Andohalo, Antanimena, Ampasanimalo, Anosipatrana, Isotry central, Ambohimanarina, Ambohipo, Mahamasina, Analamahitsy, Isotry (Figure 1). Nombre de quartiers de la plaine sont souvent conside re s comme de favorise s. Guide s par des impe ratifs sociaux, plus que par le marche , ces structures sont distribue es selon une logique d’installation qui s’appuie sur le de senclavement me dical des lieux isole s et de laisse s (Figure 11).

Figure 11 - Photographies de CSB2 (public, privé)

Enfin, les risques socio-pathoge nes lie s a la pauvrete comple tent le panorama. Me me si aucun lien univoque n’est atteste entre sante et pauvrete , Salem identifiera par exemple l’existence de « villes dans les villes » (Salem, 1998). Ainsi, « la sante de certaines populations marginalise es par leur localisation et leur situation sociale est parfois plus me diocre que celles des populations rurales » (Salem, 1998). Des facteurs sociaux, comme la barrie re de la langue, les pre juge s vis-a -vis des personnels de sante

peuvent e galement empe cher les pauvres et marginalise s, en particulier les migrants, d’acce der aux soins. Selon l’enque te me nages, la pauvrete repre sente 76,5 % de la population malgache et 54,2 % en milieu urbain (INSTAT, 2010).

Figure 12 - Répartition des structures sanitaires par secteur

(Conception/réalisation : C.O ; source : BDA)

De plus, en milieu urbain, la complexite est renche rie du fait de processus et de fonctionnements inhe rents a l’entite urbaine et de leur combinaison. Il est en effet difficile de distinguer dans un tel contexte ce qui rele ve d’une vulne rabilite lie e aux

phe nome nes naturels, d’une vulne rabilite engendre es de phe nome nes sociaux strictement urbains. Les ge ographes utilisent ainsi le terme ge ne rique de « risque urbain». L’e tude de ce risque est ainsi mene e autour de l’identification des e le ments vulne rables et des facteurs de risques.

Les re seaux techniques d’eau et d’assainissement, des infrastructures critiques, e le ments et facteurs de vulne rabilite du fonctionnement urbain

L’approvisionnement en eau et l’assainissement peuvent e tre ainsi envisage s comme des indicateurs de la vulne rabilite urbaine puisque ces derniers sont des composantes essentielles du fonctionnement urbain. On retrouve cette ide e dans la litte rature sous la notion d’ « infrastructures critiques »18. Divers retours d’expe rience ont montre la de pendance du syste me urbain a ces re seaux techniques et une diffusion de effets des ale as via ces me mes re seaux. L’organisation des re seaux ne se re duit pas seulement a celle d’un syste me technique mais interfe re dans l’organisation spatiale de la ville. Ils sont a la fois vulne rables aux risques et propagateurs de perturbations a cause de leurs interde pendances et de leur extension (Reghezza-Zitt, Rufat, 2015). La vulne rabilite renvoie a l’ide e qu’il existe au sein de tout territoire des e le ments localisables susceptibles d’engendrer ou de diffuser leur vulne rabilite a l’ensemble de leur territoire provoquant des effets qui peuvent perturber, compromettre voire interrompre son fonctionnement (Metzler, D’Ercole, 2011). Dans cette logique, l’analyse de vulne rabilite territoriale vise prioritairement a identifier, caracte riser et hie rarchiser les espaces a partir desquels se cre e et se diffuse la vulne rabilite au sein du territoire. Tout signe de dysfonctionnement peut e tre interpre te comme facteur possible de crise (Hardy, 2009).

Il existe deux types de vulne rabilite de ces approvisionnements. Elle est d’abord line aire. En effet, les re seaux d’eau et d’assainissement de pendent d’un fonctionnement en syste me d’amont en aval. Une perturbation sur l’un de ces maillons peut engendrer une crise sur l’ensemble du syste me. Ainsi a Antananarivo, l’artificialisation ancienne de l’Ikopa et de sa plaine a ge ne re des risques et des facteurs de rupture de l’e quilibre e cologique comme l’atteste les inondations des quartiers de la plaine en saison pluvieuse

et cyclonique (Figure 53). Cette rupture est issue d’une contrainte hydraulique forte de l’urbanisation d’Antananarivo (Figure 13). La plaine d’Antananarivo est le point de convergence de cinq rivie res en un seul cours d’eau l’Ikopa. Ce cours d’eau sort de la plaine par le de versoir naturel que constitue le seuil rocheux des chutes de Farahantsana. Or, la caracte ristique essentielle de ces rivie res est que suite aux diffe rentes vagues d’endiguements19, celles-ci coulent au-dessus de leur plaine d’inondation. Ceci engendre une perturbation forte du re gime hydraulique de la plaine lors de pre cipitations intenses. Les bas-fonds intra-muros concentrent alors les eaux use es engendrant des conditions propices aux risques sanitaires et alimentaires notamment par le de bordement des canaux d’e gouts a l’air libre et par la contamination des cultures de ces « zones basses ». L’approvisionnement en eau et l’assainissement deviennent de s lors des e le ments de la vulne rabilite urbaine.

Paralle lement, la vulne rabilite des approvisionnements est transversale car comme il a e te signale plus avant, la plupart de ces infrastructures critiques interagissent. La perte du syste me d’approvisionnement ou d’assainissement peut provoquer d’autres proble mes sur le fonctionnement du syste me urbain. L’engorgement du syste me d’e vacuation des eaux a engendre 32 000 sinistre s lors du passage du cyclone Enawo en mars 2017. Par ailleurs, un endommagement du site de production peut entraver aussi la production d’e lectricite situe e sur le me me site. L’approvisionnement et l’assainissement de l’eau sont donc aussi des facteurs de vulne rabilite urbaine.

Ce bien vital qu’est l’eau domestique e acquiert ainsi un statut ambivalent de ressource menace e et menaçante.

Aussi, les re seaux techniques doivent e tre analyse s comme des syste mes complexes car nombre d’entre eux peuvent interagir de façon non line aire et dans lesquels les relations de cause a effet ne sont pas toujours e tablies scientifiquement et ne cessitent une part d’intuition (Reghezza-Zitt, Rufat, 2015). Les re seaux techniques et critiques font figure d’e le ments strate giques de la re silience urbaine20. En effet, en e valuant la capacite

19 Cette situation est en partie le re sultat d’un plan d’urbanisme ve tuste par Razafy Andriamihaingo (1963) qui est encore applique de nos jours.

20 Ce terme a e te de fini en e cologie (Holling, 1973) pour de crire « la capacite d’un syste me a maintenir son inte grite et a conserver son e tat d’e quilibre lorsqu’il est soumis a perturbation ».

des re seaux a fonctionner en mode de grade , on peut identifier les dysfonctionnements possibles et la diffusion des effets de le te res. Samuel Rufat au cours de sa participation a l’ouvrage Résiliences, sociétés et territoires face à l’incertitude, aux risques et aux

catastrophes de finit les bidonvilles comme les territoires urbains les plus proches de la

de finition de ville re siliente car ils sont capables « de fonctionner en e tat de grade » ou car ils facilitent « une reconstruction rapide» (Reghezza-Zitt, Ruffat, 2015). Pour lui, ce sont dans ces territoires que se retrouvent le plus souvent les catastrophes. Loin des discours enthousiastes, cette « mauvaise re silience est « passe e sous silence mais constitue l’ordinaire des catastrophes urbaines. Elle est comme invisible car c’est le quotidien des habitants du co te de la ville ordinaire et du bricolage face a l’adversite plus que du co te spectaculaire des crises et des catastrophes » (Reghezza-Zitt, Ruffat, 2015). Ainsi les quartiers informels ou bidonvilles a l’e cart des re seaux de viabilite sont intrinse quement la structure qui peut le plus facilement fonctionner en e tat de grade . On peut e mettre l’hypothe se que ce soit effectivement le cas dans nombre de quartiers de la capitale malgache notamment en plaine.

Figure 13 - Carte de la contrainte hydraulique d'Antananarivo

Les risques sanitaires hydriques re ve lateurs des modes d’habiter tananarivien Ainsi, dans les pays en de veloppement, la manie re de vivre inte gre fre quemment le danger. On vit avec le danger accepte pour des raisons souvent e conomiques. La question de l’habiter en zone a risque pose donc celle des choix individuels, de l’action publique (ro le de l’Etat) et des modes de gestion des espaces dangereux. Peut-il y avoir de veloppement durable et durabilite en ge ne ral des lieux perçus comme dangereux ? Comment inte grer le risque dans la vie des individus, dans leur manie re d’habiter ? Comment re duire la vulne rabilite pour parvenir a un mode d’habiter durable ?

La dimension individuelle : capacité de réponse et résilience

On en revient ici aussi a la notion de re silience et notamment a la capacite de re ponses de l’individu. Cette dimension est particulie rement inte ressante car en se plaçant a l’e chelle des individus on pre suppose qu’ils ont une certaine latitude dans leurs choix et inte grent les ale as dans leurs arbitrages. La vulne rabilite d’une personne face a diffe rents ale as est un construit social qu’on ne peut analyser sans prendre plus largement en compte les relations dynamiques de cette personne et son environnement. De l’environnement dans lequel il e volue de pendent les ressources qu’il est en mesure de mobiliser pour re pondre a ses besoins et ame liorer l’ordinaire. La vulne rabilite urbaine renvoie donc e galement a des facteurs de de stabilisation urbaine. Elle renvoie a une sorte de dialectique entre ville et environnement. Le concept de mode d’habiter permet aussi de rendre compte de ces interactions. Selon Nicole Mathieu (2012), il s’agit a la fois d’e valuer les proprie te s et les processus des «e cosyste mes» qui constituent les «habitats» des «humains» et de les qualifier par des degre s d’habitabilite et, corre lativement, de repe rer diffe rents modes d’habiter qui renvoient aussi bien aux repre sentations et pratiques individuelles qu’a celles collectives. En effet, le concept d’« habiter » recouvre la dimension ge ographique des pratiques associe es a des lieux. L’ensemble de ces pratiques de finit un mode d’habiter (Stock, 2006) lequel implique des repre sentations, un ou des re seau(x) de relations, des modes de vie au quotidien, un usage et des perceptions des lieux habite s. C’est un terme « englobant » qui renvoie a la fois a la manie re de garantir la sante , la se curite , l’intimite , la dignite des habitants, mais

aussi aux mobilite s des individus qui ne se contentent plus d’un ancrage unique. Mathis Stock utilise le terme de « polytopie » pour souligner ce multi-ancrage, la diversite des espaces de vie et les mobilite s associe es. Habiter c’est donc a la fois l’habitation, l’inte rieur, l’exte rieur, l’espace public proche, le rapport a l’espace et au lieu, c’est aussi un rapport aux autres qui recouvre ce que l’on nomme « cohabitation » (Le vy, Lussault, 2003). Notre regard doit donc se de centrer, porte a la fois sur le territoire mais aussi et surtout a la manie re des sociologues sur l’individu. C’est a travers les re cits de vie, des pratiques de l’espace qu’il est possible d’e valuer une partie des de terminants de sante lie s aux maladies d’origine hydrique. Or, ces re cits sont autant de re ve lateurs des modes d’habiter tananariviens que des conditions de vie des populations tananariviennes.

Risques urbains, développement durable et « habiter »

Pourtant, il ne faut pas oublier la dimension politique du risque. L’« habiter » en zone a risque engage aussi un dialogue entre les citoyens, et entre les citoyens et les pouvoirs publics pour trouver des solutions qui de passent le seul habitat et le seul individu. Habiter en zone a risque renvoie a aussi a des questions de pratiques de la de mocratie et d’appropriation. L’habiter dans les espaces dangereux renvoie aux citoyens, aux politiques, aux choix de gestion des territoires concerne s. En effet, les questions lie es a la sante doivent e tre conside re es comme l’un des aspects essentiels et fondamentaux du de veloppement, de l’e panouissement, du fonctionnement et ainsi que de l’e quilibre social de la ville. Les risques lie s aux maladies infectieuses hydriques peuvent devenir de puissants re ve lateurs d’antagonismes et de se quilibres au sein de la ville d’Antananarivo.

Conclusion

A la lumie re des e le ments apporte s dans ce premier chapitre, les risques sanitaires hydriques s’ave rent d’excellents re ve lateurs de la complexite et des dynamiques urbaines et environnementales. En effet, ces maladies sont des marqueurs des mutations urbaines en cours et notamment de la faillite des socie te s face aux pressions d’une urbanisation mal maî trise e. Dans un contexte de crises politiques et sociales ite ratives, le choix de la capitale malgache s’ave re pertinent pour l’analyse des rapports d’une socie te a son environnement.

Chapitre 2. Me thodologie critique de l’approche en

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