PARTIE II : Le recours à l’assistance médicale à la procréation
E. Complications de l’assistance médicale à la procréation
2. Risque thromboembolique veineux et artériel
a. Définition du risque
Le risque thromboembolique fait partie des effets indésirables de l’AMP connus depuis longtemps, il est le plus souvent associé au SHO. Les modifications biologiques liées à l’AMP, au SHO, aux traitements par les œstrogènes et/ou à la grossesse participent à l’augmentation de ce risque. Elles induisent une hypercoagulabilité qui est plutôt en faveur d’une prédisposition aux thromboses veineuses. Elles sont plus prononcées en cas de SHO sévère et sont globalement corrélées à l’œstradiolémie. Ces thromboses ont la particularité d’avoir souvent une localisation inhabituelle. Le tableau 18 décrit les caractéristiques de ces thromboses, qu’elles soient veineuses ou artérielles.
Tableau 18 : Caractéristiques des thromboses veineuses et artérielles
Thromboses veineuses (2/3 des thromboses) Thromboses artérielles (1/3 des thromboses) Incidence lors d’AMP
Le risque est estimé à 0,26 %. En cas de SHO, ce risque passe à 1,78 %.
Le risque par rapport à une grossesse hors AMP est multiplié par 4 pour une grossesse unique et par plus de 6 pour une grossesse gémellaire.
En l’absence d’études épidémiologiques, leur incidence n’est pas connue.
Une grossesse est associée aux thromboses dans 41 % des cas.
Localisation -Veine jugulaire -Veine sous-clavière -Veine axillaire
-Thrombose veineuse profonde des membres
-Embolie pulmonaire
-Infarctus cérébraux -Infarctus du myocarde
-Occlusion artérielle des membres
Moment de survenue
Entre 2 jours et 11 semaines après l’hyperstimulation
Dans les 2 semaines suivant le déclenchement de l’ovulation ou le transfert d’embryon
b. Facteurs de risque de thrombose
L’évaluation des facteurs de risque de thrombose doit être faite avant l’AMP, en début et en cours d’AMP et en cas de grossesse suivant l’AMP. En cas de risque de thrombose avéré, il est recommandé d’adapter le protocole de stimulation de l’ovulation pour l’AMP, et/ou de mettre en place un traitement anti-thrombotique préventif. Le tableau 19, présenté ci-dessous traite des facteurs de risques de thrombose liés à la technique d’AMP et liés aux caractéristiques personnelles de la patiente.
89 Tableau 19 : Facteurs de risque de thrombose veineuse et artérielle (65)
Facteurs de risque Thrombose veineuse Thrombose artérielle
Facteurs de risque de thromboses liés à l’AMP
SHO sévère
Prise d’œstroprogestatif pour la programmation des cycles
Prise d’œstroprogestatif pour la programmation des cycles
Œstrogènes par voie orale Œstrogènes par voie orale
Facteurs de risque de SHO Facteurs de risque de SHO (sauf âge inférieur à 30 ans)
Facteurs de risque de thrombose liés à la femme
Age supérieur à 35 ans Age supérieur à 35 ans
Antécédent personnel d’évènement thromboembolique veineux (ETEV)
Antécédents personnels d’accident vasculaire cérébral (AVC) ou d’infarctus du myocarde
Tabagisme (controversé) Tabagisme
Chirurgie, plâtre, immobilisation Hypertension artérielle Grossesse ou prise d’éthinyl œstradiol
quelle que soit la voie ou d’œstradiol par voie orale
Migraine avec aura Population noire Long voyage en avion ou voiture,
obésité, tabac, varices
Diabète, obésité, dyslipidémie Thrombophilie héréditaire Consommation élevée d’alcool Syndrome des antiphospholipides Utilisation de drogues illicites Antécédent familial sévère d’ETEV chez
apparenté(e) de 1er degré avant l’âge de 50 ans.
Antécédent familial sévère d’AVC ou d’infarctus du myocarde chez apparenté(e) de 1er degré avant l’âge de 50 ans.
Une concertation pluridisciplinaire associant les spécialistes concernés (gynécologue-obstétricien, endocrinologue, médecin vasculaire, hématologue) est recommandée avant l’AMP pour chaque patiente ayant des facteurs de risque de thromboses veineuses ou artérielles. Cette concertation peut aboutir à une contre-indication à l’AMP si les risques sont trop élevés.
c. Prise en charge Thromboses veineuses
Traitement préventif
Un traitement préventif par anticoagulant peut être mis en place dès la phase de stimulation de l’ovulation et poursuivi en cas de grossesse, ou interrompu au bout d’une semaine en l’absence de grossesse. Dans le cas d’une FIV, afin de ne pas augmenter le risque de saignements lors de la ponction ovocytaire, il est conseillé de débuter le traitement préventif après la ponction.
Les héparines constituent le traitement anticoagulant préventif de 1er choix puisqu’elles peuvent être poursuivies en cas de grossesse (aucun risque tératogène). Les héparines de bas poids moléculaire (HBPM) sont préférées à l’héparine non fractionné (HNF) en raison de leur plus grande maniabilité, de leur surveillance biologique allégée et du risque plus faible de thrombopénie et
90 d’ostéoporose. Les HBPM sont administrées le plus souvent à dose préventive (4 000 UI d’énoxaparine, 5 000 UI de daltéparine ou 4 500 UI de tinzaparine par jour). En cas de risque de thrombose très élevé, il est conseillé de recourir à des doses curatives d’HBPM : 100 UI/kg d’énoxaparine 2 fois par jour ou 100 UI/kg de daltéparine 2 fois par jour, ou 175 UI/kg de
tinzaparine une fois par jour.
Dans tous les cas, l’ajout d’une compression veineuse médicale est fortement recommandé. Traitement curatif
A la phase aiguë, le traitement par HBPM est préféré à l’HNF, sauf s’il existe une contre-indication aux HBPM (insuffisance rénale sévère, allergie par exemple). Les HBPM sont administrées à dose curative adaptée au poids de la patiente lors de la thrombose (énoxaparine 1mg/kg soit 100 UI/kg ou daltéparine 90 UI/kg à 100 UI/kg) à raison de deux injections par jour. Ce traitement est poursuivi pendant toute la grossesse si celle-ci survient, et prolongé au moins 6 semaines post-partum. Si l’AMP n’est pas suivi de grossesse, le traitement est poursuivi pendant un minimum de 3 mois. Une surveillance de l’activité anti-Xa n’est pas recommandée à titre systématique chez les patientes traitées par HBPM.
Thromboses artérielles Traitement préventif
La correction des facteurs de risques, lorsque cela est possible (arrêt du tabac, de la consommation d’alcool ou de drogues) constitue la base du traitement préventif.
Une prévention primaire des accidents artériels par un antiagrégant plaquettaire comme l’aspirine à faible dose est possible mais est susceptible d’augmenter le risque de saignements lors de la ponction ovocytaire (dans le cas d’une FIV).
Traitement curatif
La survenue d’un syndrome coronaire aigu, d’un infarctus cérébral ou d’une thrombose artérielle des membres reste exceptionnelle chez une femme en âge de procréer. Ces patientes seront hospitalisées en milieu spécialisé (cardiologie, réanimation, neurologie) selon les recommandations habituelles de prises en charge des patients atteints de thromboses artérielles.