• Aucun résultat trouvé

Le risque de détournement de la prohibition des compensations

Dans le document RAPPORT N° 306 (Page 50-53)

A. DES RISQUES IMPORTANTS

2. Le risque de détournement de la prohibition des compensations

Le projet de loi prévoit d’insérer un nouvel article 37-2 de l’ordonnance de 2005. Le texte proposé par cet article a pour objectif de permettre aux acheteurs publics de décider souverainement, au cas par cas, d’ouvrir ou non la procédure de passation aux opérateurs de pays tiers.

Votre rapporteur ne peut que souscrire à cette affirmation de la souveraineté nationale.

Toutefois, il est vrai que dans sa rédaction actuelle, cette disposition pourrait ouvrir la porte à deux séries de candidats non sollicités :

- les « faux-nez » : c’est-à-dire des établissements juridiquement établis sur le territoire de l’Union qui ne sont en réalité que de simples « boites à lettres » d’opérateurs économiques de pays tiers à l’Union.

- les « mauvais européens » : c’est-à-dire les vraies entreprises européennes qui importent spécifiquement des technologies provenant de pays tiers à l’Union ou qui sous-traitent hors de l’Union l’essentiel de leur production.

Le projet de loi mériterait donc d’être précisé sur ce point important, afin de ne pas donner prise à une multiplication des contentieux.

2. Le risque de détournement de la prohibition des

candidats potentiels et s’assimilent à des mesures discriminatoires à l’égard des opérateurs économiques, ne sauraient être tolérées sur le marché intérieur.

La Commission européenne y attache une importance particulière. A cette fin, elle a d’ailleurs précisé, lors des « lignes directrices » qu’elle a présenté aux « ateliers de la transposition » de la directive 2009/81/CE en 2009 et 2010, que l’acheteur public ne peut exiger ou inciter, par quelque moyen que ce soit, des candidats, des soumissionnaires ou des titulaires, qu’ils s’engagent à :

- acheter des biens ou des services auprès d’opérateurs économiques situés dans un Etat membre spécifique ;

- attribuer des sous-contrats à des opérateurs économiques situés dans un Etat membre spécifique ;

- procéder à des investissements dans un Etat membre spécifique ; - générer de la plus value sur le territoire d’un Etat membre spécifique.

Quel que soit l’Etat membre dont il est ressortissant, l’acheteur public qui recourt aux compensations dans le cadre d’un marché de défense ou de sécurité, contrevient donc aux règles communautaires. Si à ce jour, la Commission n’a pas encore mené des poursuites contre des compensations rien n’interdit qu’elle le fasse à l’avenir.

(2) La directive 2009/81 ne traite pas expressément des offsets mais prévoit des dispositions permettant d’empêcher leur mise en œuvre

x L’acheteur public ne peut imposer au titulaire le choix d’un sous-contractant

C’est sur le fondement du principe de non discrimination, rappelé à l’article 4 de la directive, que l’article 21.1 prévoit que le titulaire ne peut se voir imposer par l’acheteur public de faire de la discrimination en fonction de la nationalité des sous-contractants potentiels.

Le point 1 de l’article 21 de la directive dispose en effet que :

« Le soumissionnaire retenu est libre de choisir ses sous-traitants pour tous les contrats de sous-traitance qui ne sont pas couverts par les exigences visées aux paragraphes 3 et 4 ; il ne peut pas, notamment, être exigé de lui qu’il se comporte de façon discriminatoire à l’égard de sous-traitants potentiels en raison de leur nationalité ».

Par ailleurs, l’article 51 de la directive rappelle que :

« Le soumissionnaire retenu agit dans la transparence et traite les sous-contractants potentiels sur un pied d’égalité et de manière non discriminatoire. »

L’acheteur public, quel que soit l’Etat membre dont il est ressortissant, ne peut donc prévoir que le titulaire réserve l’attribution des

sous-contrats aux opérateurs économiques d’une nationalité déterminée, c'est-à-dire se comporte de façon discriminatoire.1

x Le rejet des sous-contractants doit se fonder sur des critères non discriminatoires

En application du paragraphe 5 de l’article 21 de la directive, l’acheteur public peut rejeter un sous-contractant, notamment s’il ne présente pas les garanties suffisantes en termes de capacités techniques, professionnelles et financières. Il doit s’agir des mêmes garanties que celles exigées pour les candidats du marché principal.

Comme le souligne le considérant 61, les critères permettant de vérifier l’aptitude des candidats et de les sélectionner doivent être non discriminatoires.

L’acheteur public ne peut donc pas rejeter un sous-contractant sur des motifs tenant à sa nationalité, pour favoriser, par exemple, un sous-contractant de sa propre nationalité.

x Les conditions d’exécution relatives aux sous-contractants ne peuvent être directement ou indirectement discriminatoires

En application de l’article 20 de la directive, l’acheteur public peut imposer des conditions d’exécution dans le marché, parmi lesquelles celles relative aux sous-contractants.

Comme le rappelle le considérant 41, les conditions d’exécution d’un marché sont toutefois compatibles avec la directive pour autant qu’elles ne soient pas directement ou indirectement discriminatoires

b) Le risque de détournement

En théorie les compensations seront donc prohibées, pour les acheteurs européens.

Elles ne le seront pas évidemment pour les acheteurs du reste du monde qui pourront continuer à exiger et à obtenir des compensations pour tout ou partie du marché, comme l’a montré la négociation des 36 avions de combat pour le Brésil.

En revanche, les acheteurs européens ne pourront pas exiger des compensations des opérateurs économiques de pays tiers à l’Union.

Que cela soit bien clair, rien n’interdira, par exemple, à un producteur américain de répondre à un marché en incluant dans ce marché des compensations au profit des sous-traitant nationaux de l’Etat-membre dans lequel le marché est lancé.

1 Toutefois, la lecture de l’article 20 point 4 de la directive peut induire à de mauvaises interprétations. Cette disposition prévoit qu’afin de casser la nature oligopolistique du marché, les acheteurs publics peuvent imposer aux candidats de sous-traiter une partie du marché, qui ne peut excéder 30 %. Lorsqu’ils le font, les opérateurs économiques doivent mettre en concurrence les sous-traitants et les choisir de façon non discriminatoire.

Mais la directive interdit sans ambiguïté à l’acheteur européen de les prendre en considération.

Par ailleurs, le risque existe qu’en utilisant l’article 346 du TFUE, et dans le cadre d’une procédure de gré à gré, il soit plus intéressant pour les acheteurs européens d’acheter des biens d’équipement à des opérateurs économiques de pays tiers, ce qui leur garantirait un retour industriel plus important qu’en passant par un opérateur économique d’un Etat membre.

Le « marché du siècle » lancé par le Danemark, la Belgique, les Pays-Bas et la Norvège en 1975 pour un nombre total de 348 appareils et qui a vu le F-16 américain de General Electric triompher du mirage F1 de Dassault et du JA 37 Viggen de Saab, a donné lieu à de larges compensations industrielles qui ont contribué à développer une industrie aéronautique dans ces pays. Les liens transatlantiques ainsi tissés ont sans doute pesé dans la coopération de certains de ces pays (Danemark, Norvège et Pays-Bas) au programme actuellement en cours d’avion de combat Joint Strike Fighter (JSF) de Lockheed Martin.

Dans le document RAPPORT N° 306 (Page 50-53)