LUTTE CONTRE LA CORRUPTION
e benchmarking sur les différents modèles existants de lutte contre la corruption nous a permis de faire ressortir que tous ces modèles ont des principes de base en commun mais aussi des éléments distincts dans leur concept et mise en application. Le choix des éléments du modèle et leur mise en application est critique afin de donner de la crédibilité au programme proposé.
Cette section permet d’identifier l’ensemble des points à considérer et des actions à réaliser lors de la création d’un modèle d’action collective de lutte contre la corruption. Pour certaines caractéristiques (durée du programme, projets concernés, adhésion et accréditation), plusieurs options sont identifiées.
Il sera par la suite important de faire un choix quant à ces différentes options. La consultation auprès des entrepreneurs en construction du Québec a été essentiellement faite sur ces différentes caractéristiques pouvant être retenues pour le modèle d’action collective.
Pour les autres caractéristiques, différentes avenues de mise en place sont proposées Des recommandations et des mises en garde sont formulées concernant certaines erreurs à éviter.
Ainsi, pour chaque caractéristique abordée, voici la présentation qui sera utilisée :
• Les différentes options possibles associées à la caractéristique
• Fréquence d’utilisation de ces options dans les différents modèles étudiés dans le volet précédent
! Des suggestions / avantages-‐inconvénients des différentes options
! Des recommandations / erreurs à éviter quant au choix d’une option (entre parenthèse)
L
146 Chapitre : Principaux éléments à prendre en compte pour mettre en place un modèle d’action collective de lutte contre la corruption
7.1 D
UREE DU PROGRAMME• Le programme pourrait être à court-‐terme (0-‐2 ans) ou à long-‐terme
• Tous les modèles étudiés sont à long-‐terme, sauf l’Integrity Pact at Berlin Airport qui concerne un seul projet.
! Un programme à long-‐terme semble plus adapté car c’est la preuve d’un engagement durable et non d’un programme mis en place dans le but de minimiser les conséquences de la crise.
7.2 T
YPE DE PROJETS CONCERNES• Le programme pourrait visé tous les projets ou certains projets spécifiques/particuliers (par exemple, il peut s’agir spécifiquement de projets impliquant le secteur public, impliquant beaucoup de parties prenantes ou encore des grands projets, etc.)
• Tous les modèles étudiés concernent l’ensemble des projets des entreprises membres de l’action collective (sauf l’Integrity Pact at Berlin Airport, modèle mis en place pour un projet en particulier, la construction de l’aéroport).
! Option « Programme appliqué à tous les projets » : Le programme serait plus crédible et les nouvelles procédures seront plus rapidement intégrées aux processus de l’entreprise.
! Option « Programme appliqué à certains projets spécifiques »: Le programme serait moins contraignant à mettre en place au quotidien mais il faudrait déterminer des critères de choix des projets concernés.
! Un compromis entre les deux options semble être plus adapté. Le programme pourrait alors concerner tous les projets mais certaines procédures (étude des partenaires commerciaux, procédures financières…) pourraient être adaptées selon les risques du projet.
7.3 A
DHESION• L’adhésion au programme pourrait être volontaire ou obligatoire
• Tous les modèles d’action collective étudiés sont implantés sur la base d’une adhésion volontaire, avec une demande d’adhésion à présenter à un Comité d’examen.
147 Chapitre : Principaux éléments à prendre en compte pour mettre en place un modèle d’action collective de lutte contre la corruption
! L’adhésion volontaire : elle permettrait de différencier les entreprises prêtes à faire des démarches concrètes des autres mais le projet pourrait ne pas avoir la visibilité et la portée espérées si peu d’entreprises sont prêtes à faire ces démarches.
! L’adhésion obligatoire : elle permettrait de placer l’ensemble des entreprises membres de l’ACQ sur un pied d’égalité et de mettre en place une action qui s’identifiera au groupe entier (plus de poids) mais certaines entreprises seraient alors contraintes à mettre en place le programme et elles pourraient ne pas jouer le jeu entièrement, ce qui diminuerait la crédibilité du programme.
7.4 P
ROCESSUS D’
ACCREDITATION• L’accréditation pourrait être réalisée par un comité d’examen interne (dépendant de l’organisme responsable du programme) ou externe (organisme indépendant) ;
• Le processus devrait être documenté, et pourrait être matérialisé par :
! un audit prouvant la mise en place d’un programme de lutte contre la corruption efficace et adapté et l’application de règles de conduite et de procédures,
! un examen de documents fournis par l’entreprise (procédures, code de conduite, comptabilité…) ;
• Il pourrait être demandé aux entreprises de réaliser le processus une seule fois pour adhérer au programme. Dans certains cas, un renouvellement pourrait être exigé à une fréquence déterminée (modèle du Programme de Normes d’Imagine Canada : renouvellement tous les 5 ans).
7.5 D
OCUMENTS SOUTENANT LA DEMARCHEL’organisme responsable du programme doit définir et rendre public les objectifs du modèle, de façon claire et précise. Plusieurs documents doivent consignés les différentes directives du programme. Trois types de documents sont présentés ici. Il est important pour une entreprise d’avoir une trace écrite des objectifs du programme d’intégrité qu’elle veut implanter et des moyens mis en œuvre pour y arriver.
Chacun de ces documents devrait servir de support à la démarche.
148 Chapitre : Principaux éléments à prendre en compte pour mettre en place un modèle d’action collective de lutte contre la corruption 7.5.1 REDACTION D’UNE CHARTE (OU PACTE)
• Une Charte explicite généralement les valeurs des membres (éthique, intégrité, transparence, respect de la loi…), les principes à respecter, ainsi que des directives et des actions concrètes à mettre en œuvre par chaque membre, en tenant compte des objectifs définis ;
• La Charte est la plupart du temps rédigée par l’organisme responsable du programme ;
• Dans tous les modèles d’action collective étudiés, la Charte est un document public, disponible par exemple sur le site internet de l’organisme.
7.5.2 ENGAGEMENT DE L’ENTREPRISE
• Plusieurs types de formalisation des engagements de l’entreprise sont possibles.
! Déclaration d’engagement rédigée par chaque entreprise et propre à chacune, définissant ses valeurs : elle montre un engagement personnel de chacune.
! Engagement de chaque entreprise par signature de la Charte ou d’une déclaration d’engagement commune au groupe. Un tel engagement commun devrait permettre une plus grande unité.
! L’Engagement devrait être public et communiqué à l’externe.
7.5.3 REDACTION D’UN CODE DE CONDUITE
• Le Code de Conduite définit les règles internes régissant l’ensemble des opérations de l’entreprise ;
• Il est rédigé la plupart du temps par chaque entreprise ;
• Une aide ou une assistance peut être fournie par l’organisme responsable du programme pour sa rédaction (exemples sur son site internet, ateliers de formation) ;
• Un Code de Conduite peut aussi être développé pour les partenaires des entreprises.
7.6 F
ORMATIONSDES EMPLOYES
• Il est important de définir quelles sont les personnes concernées par la formation au sein de chaque entreprise.
! Personnes concernées : surtout les employés occupant des fonctions à risque (commerciaux…) et les personnes responsable de la mise en place du modèle de lutte
149 Chapitre : Principaux éléments à prendre en compte pour mettre en place un modèle d’action collective de lutte contre la corruption contre la corruption, mais elles peuvent aussi être dispensées à tous selon les risques
particuliers de l’entreprise.
• La formation peut être donnée sur différents supports : formation électronique, formation
« en classe » ou encore formation du subordonné par son supérieur hiérarchique.
! Formation électronique : il pourrait s’agir d’une formation interactive contenant par exemple une partie cours sur la corruption pouvant être adaptée selon le poste de la personne concernée et les risques associés, et une partie d’études de cas concrets, avec des questions et un test pour vérifier que la formation a bien été assimilée ;
! Formation « en classe » : il pourrait s’agir d’une formation permettant d’expliquer aux employés leurs tâches et rôles dans le cadre du programme, pouvant contenir des études de cas concrets adaptées au groupe ciblé (comportement attendu en cas de situation sensible…), sous forme de séminaires ou de réunions par exemple ;
! Formation du subordonné par son supérieur hiérarchique : il faudrait pour cela dispenser une formation particulière et adaptée aux « top managers », qui formeraient eux-‐mêmes leurs manageurs subordonnés, et ceux-‐ci formeraient leur équipe (voir l’approche du « dialogue de conformité » de Siemens), sous forme de discussions programmées et de réunions en face-‐à-‐face, privilégiant le dialogue.
• Il est important de définir le contenu et la fréquence de la formation : le contenu peut être le même pour tous ou adapté en fonction du poste ; la formation peut être faite une fois ou de façon régulière, selon le degré de risques de la fonction concernée.
! Un compromis efficace pourrait être de former une fois au moins tous les employés, avec un contenu très général (définition et types de corruption, risques…) et fournir en plus une formation personnalisée plus régulière aux personnes ayant une fonction à risque.
Il serait important de ne pas trop « marteler » le même message, au risque de rendre la formation inutile voire de provoquer un rejet des employés qui finiraient par la connaitre par cœur. Chaque entreprise devrait trouver une fréquence adaptée et devrait modifier les contenus à chaque formation de façon à ce que les employés ne réalisent pas plusieurs fois la même.
150 Chapitre : Principaux éléments à prendre en compte pour mettre en place un modèle d’action collective de lutte contre la corruption
• La formation peut être élaborée par l’organisme responsable du programme et/ou par chaque entreprise membre
! Formation organisée par l’organisme responsable du programme et commune à tous les membres : c’est le cas par exemple du Programme de Normes d’imagine Canada, avec des formations disponibles sur le site internet de l’organisme. Cette façon de faire devrait garantir que la formation est suivie et que toutes les informations essentielles sont communiquées.
! Formation réalisée par chaque entreprise : c’est le cas du Business Pact du Brésil et de l’EMB en Allemagne. Dans cette approche, l’entreprise développerait et mettrait en place ses propres programmes, et elle désignerait des responsables pour réaliser la formation, eux-‐mêmes ayant été formés. Cela devrait permettre de dispenser une formation plus adaptée aux risques et activités de l’entreprise ainsi qu’aux fonctions des employés.
! Un compromis intéressant est développé dans le Pacto Etico Comercial. En effet, des ateliers de formation et conférences sont réalisés par l’organisme pour « former les formateurs » de chaque entreprise et aider celles-‐ci à développer et mettre en place un programme de formation efficace et adapté.
7.7 C
OMMUNICATIONINTERNE
• Il est important de communiquer à l’interne le message de tolérance zéro et l’engagement de l’entreprise, de diffuser et expliquer les lois (risques encourus, etc.) et les règles internes et procédures. Une communication à l’interne serait également souhaitable sur le suivi du programme (résultats, améliorations) et les outils mis en place (guides, centres d’assistance et de support, etc.).
• La communication peut se faire selon différents moyens : supports écrits, communication orale et formations et/ou centre de support et assistance.
! Supports écrits : publications sur l’intranet ou dans des magazines de l’entreprise, dépliants de présentation, posters et flyers, guides de bonne pratique…
! Communication orale (rencontres avec la direction, discussions avec les supérieurs hiérarchiques ou les responsables du programme) et formations
! Outils pour poser des questions, demander des conseils : centre de support et d’assistance, FAQ…
151 Chapitre : Principaux éléments à prendre en compte pour mettre en place un modèle d’action collective de lutte contre la corruption
! Elle devrait être réalisée par l’entreprise et elle pourrait aussi être faite par l’organisme responsable du programme pour certains types de communication, concernant par exemple les lois, la Charte et le message de tolérance zéro (distribution possible de brochures, publications…).
7.8 C
OMMUNICATION EXTERNE• La communication externe s’adresse aux partenaires des entreprises (fournisseurs, consultants…), aux clients et à un public plus large.
• La communication à l’externe peut être réalisée par chaque entreprise et / ou par l’organisme responsable du programme.
! Par l’entreprise : communication possible de leur déclaration d’engagement, du code de conduite, des résultats du programme.
! Par l’organisme responsable du programme : il pourrait s’agir de la communication des objectifs du modèle, de la Charte contenant les valeurs communes (éthique, intégrité, transparence…), de la liste de ses membres, du progrès et des résultats (nombre de membres, chiffres concernant les formations, les cas de corruption, …). Cette communication donnerait plus de poids au modèle que la communication individuelle (meilleure visibilité) et elle montrerait la force de l’organisation.
! La communication externe devrait être essentielle car elle permet de rétablir la confiance du public.
• Moyens possibles :
! Présentations du projet, des avancées, et de rapports de résultats lors de conférences, à des associations industrielles, à la presse,
! Supports écrits : publications sur les sites internet des entreprises et de l’organisme responsable du programme, mentions sur les documents destinés aux partenaires et clients,
! Logo pour identifier les membres,
! Goodies pour faire connaitre le programme (cartes de visites, affiches, brochures).
152 Chapitre : Principaux éléments à prendre en compte pour mettre en place un modèle d’action collective de lutte contre la corruption
7.9 P
ROCEDURES ET OUTILSLes procédures et outils peuvent être développés et mis en place dans les entreprises adhérant au modèle pour améliorer l’efficacité de leur programme de lutte contre la corruption et aider les employés à le mettre en œuvre. Certaines pourraient être développées et mises en œuvre par l’entreprise, et d’autres par l’organisme responsable du programme de façon centralisée. Ci-‐dessous une liste non exhaustive de procédures et outils pouvant être élaborés
• Procédures d’analyse de risques : analyse des opérations commerciales de l’entreprise, dans le but d’identifier les risques et de mettre en place des mesures adaptées pour les minimiser;
• Outils pour conseiller, soutenir les employés et répondre à leurs questions : mise en place d’un centre d’assistance et de support (en ligne ou par téléphone, mise en relation possible avec des experts…), d’une FAQ ;
• Procédure concernant les situations à risque (cadeaux de partenaires, dons…) : réalisation d’un guide pratique, procédures d’approbation par un supérieur hiérarchique pour certaines situations;
• Procédures concernant les partenaires commerciaux : processus de due diligence pour la sélection (recueil de données clés, analyse de risques… : voir annexe 4 du dossier), procédure d’approbation, de contrôle après que le contrat soit passé ;
• Procédures pour se tenir informé de l’évolution des lois et des bonnes pratiques des autres entreprises (veille règlementaire) ;
• Procédures financières et de contrôle de la comptabilité : enregistrement de registres comptables avec justifications des paiements et des gains, mécanismes d’approbation pour certaines transactions et de contrôle par des audits ;
• Procédures d’alerte, en cas de préoccupation concernant une violation du programme : mise en place possible de différents outils :
Il serait important de porter une attention particulière au contexte : en temps de crise, la communication devrait être adaptée pour ne pas être perçue négativement, pour éviter que le modèle ne soit vu que comme un moyen de minimiser les conséquences d’un scandale.
153 Chapitre : Principaux éléments à prendre en compte pour mettre en place un modèle d’action collective de lutte contre la corruption
! Centre d’assistance : lignes d’alerte (par téléphone ou en ligne) gérées par un organisme indépendant garantissant la confidentialité,
! Ombudsman (instance impartiale et indépendante à laquelle les employés et tierces parties peuvent faire part de leurs observations) ;
• Procédures d’enquêtes en cas de plaintes et de signalements de mauvaise conduite : examen des allégations, enquête si nécessaire, mesures disciplinaires ;
• Procédures de vérification du respect des règles internes, de la mise en œuvre des procédures par des audits réguliers ;
• Procédures de surveillance du programme : évaluations pour surveiller l’efficacité et la bonne utilisation des outils et procédures par
! des audits,
! des réunions régulières avec les personnes concernées (équipe chargée de la mise en place du programme, manageurs…),
! des sondages auprès des employés ;
• Procédures de suivi général du programme : enregistrement des chiffres concernant les violations, les formations… ;
• Procédures de revue du programme et d’amélioration continue : processus pour remédier rapidement aux déficiences détectées (mise en œuvre des développements nécessaires, modification du programme, communication des nouvelles règles…) grâce aux informations fournies par les procédures de surveillance et de suivi général.
7.10 A
CCOMPAGNEMENT DES ENTREPRISESUne aide pourrait être apportée aux entreprises dans leur démarche, par l’organisme responsable du programme ou par un organisme externe indépendant, de la manière suivante :
Il serait important de ne pas mettre en place une trop grande quantité de règles et de procédures, ce qui risquerait d’avoir pour effet de diminuer la confiance des employés plutôt que de les aider. Il faudrait veiller à développer des procédures simples à mettre en place, permettant de responsabiliser les employés et de ne pas trop augmenter la bureaucratie.
154 Chapitre : Principaux éléments à prendre en compte pour mettre en place un modèle d’action collective de lutte contre la corruption
• Mise en place d’ateliers de formation pour aider les entreprises à mettre en place le programme et à rédiger leurs Codes de Conduite, ou encore pour former les formateurs;
• Mise à disposition d’exemples de déclarations d’engagement, de Code de Conduite, de procédures sur leur site internet pour aider les entreprises à rédiger leurs propres documents;
• Aide concrète apportée pour la mise en place du programme (liste de changements à apporter, de procédures à mettre en œuvre…) ;
• Développement d’outils mis à disposition des entreprises : centre de support et d’assistance, ombudsman, guides pratiques et manuel d’aide pour la rédaction et la mise en œuvre des règles internes et des procédures;
• Mise en place d’une plateforme de surveillance : les entreprises pourraient communiquer certains renseignements, ce qui permettrait de fournir un rapport individuel pour guider l'évolution de chaque société.
7.11 V
ERIFICATION DE L’
APPLICATION DU MODELE AU SEIN DE CHAQUE ENTREPRISEDeux modes de vérification de l’application du modèle peuvent être mis en place :
• Vérification régulière de l’application des règles de conduite et des procédures et examen des résultats (pourcentage de suivi des formations, cas de corruption…), ayant lieu à une fréquence déterminée par l’organisme responsable du programme,
• Vérification de l’application aléatoire, en cas de plainte à l’encontre de l’entreprise;
Les moyens pour vérifier l’application du modèle au sein de chaque entreprise sont nombreux. Il pourrait s’agir de :
• Audit réalisé en interne (par l’organisme responsable du programme) ou en externe (par un organisme indépendant),
• Autocontrôle interne de l’entreprise,
• Plateforme de surveillance : les entreprises communiquent certains renseignements permettant de vérifier qu’elles suivent leurs engagements. Cela permettrait de mettre en place un processus d’amélioration continue du programme.
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