• Aucun résultat trouvé

Dans la section 3.2.2. Processus de modélisation scientifique, nous avons présenté une liste des étapes du processus de modélisation scientifique. Bien que cette liste soit suffisante pour appuyer une discussion épistémologique ou didactique, elle doit être opérationnalisée pour pouvoir servir de grille de modélisation des actions des élèves et être utilisable par notre environnement d’apprentissage pour enregistrer ces actions. Dans cette section, nous nous proposons donc de préciser la liste afin qu’elle puisse rendre compte avec suffisamment de clarté de tous les cheminements possibles à l’intérieur de l’environnement d’apprentissage.

Nous allons donc reprendre la liste des étapes (dans le même ordre que précédemment, c’est-à-dire d’abord les étapes du raisonnement inductif puis les étapes du raisonnement déductif) en associant chacune d’elles à une ou plusieurs actions. Il est à noter que, de la même façon qu’il était impossible d’obtenir une liste strictement chronologique pour les étapes du cycle de modélisation scientifique, il est aussi difficile d’établir un ordre strictement chronologique pour les actions décrivant chacune de ces étapes : c’est pourquoi les actions d’une même étape seront présentées selon un ordre arbitraire. Pour chacune des étapes, nous allons commencer par donner une description sommaire suivie des raisons qui nous amènent à l’associer à une ou plusieurs actions, nous allons poursuivre en discutant des limites possibles de ces associations. Il est à noter que l’environnement d’apprentissage identifiera les actions des élèves en utilisant cette grille et les

Modèle d’action 93

consignera dans un fichier en ajoutant la date et l’heure où chaque action a été effectuée.

On peut se demander pour commencer ce qui motive l’élève à utiliser l’environnement développé. La réponse est multiple. Comme nous l’avons exposé dans la section 3.3.4. Situation-problème, une première piste pourrait être le professeur au moyen d’une directive, d’une mise en situation ou d’une question. En effet, c’est souvent le professeur qui propose aux élèves des situations susceptibles de favoriser un apprentissage. Cependant, le contexte de l’environnement développé nous amène à ne pas nous restreindre à cette possibilité. L’élève pourrait aussi vouloir utiliser l’environnement pour répondre à une de ses propres interrogations concernant la mécanique ou même à une question provenant d’un autre élève. Ce que nous voulons ici, en toute généralité, ce n’est pas de déterminer pourquoi l’élève utilise l’environnement mais plutôt de rendre compte aussi fidèlement que possible de son cheminement lorsqu’il se décide à utiliser l’environnement, peu importe ce qui le motive. Ceci étant écrit, un exemple de motivation sera aussi présenté pour servir de support au propos.

Pour illustrer de façon aussi concrète que possible l’association des étapes du processus de modélisation scientifique avec les actions de l’élève, nous allons proposer des exemples d’enregistrements obtenus pour un scénario fictif. Dans ce scénario, un élève étudie le mouvement d’un projectile, c’est-à-dire un objet qui effectue un mouvement à deux dimensions en subissant une force constante. Dans l’environnement d’apprentissage, l’élève pourrait choisir un objet familier (par exemple, une balle ou un ballon) et le mettre dans une situation vraisemblable (par exemple, lancer la balle dans un gant ou le ballon dans un panier). Pour lancer la démarche d’apprentissage de l’élève, on pourrait lui proposer de répondre à une question choisie par le professeur pour rendre nécessaire une analyse du mouvement. Dans ce cas particulier, on pourrait demander à l’élève, par exemple : quelles équations représentent le mieux l’évolution des composantes de la vitesse de l’objet? Évidemment, plusieurs autres questions pourraient aussi être posées.

5.2.1. Choix d’un phénomène réel à étudier

Cette première étape marque le début d’un processus de raisonnement inductif où l’élève choisit le phénomène à étudier. Évidemment, ce choix peut être suivi d’un certain nombre d’actions cognitives effectuées à l’extérieur de l’environnement d’apprentissage et que nous ne pouvons évidemment pas espérer enregistrer directement. Ce que nous cherchons, c’est la première action effectuée à l’intérieur de l’environnement qui peut signifier que le choix du phénomène a effectivement été fait dans le but d’entreprendre une démarche inductive. Nous proposons donc que la création d’une image affichée dans la fenêtre de simulation (par exemple une séquence vidéo ou une image représentant une situation) serve de point de repère pour cette étape. Ce choix nous apparaît raisonnable, parce qu’il est effectivement nécessaire pour amorcer un raisonnement inductif à l’intérieur de l’environnement et que le choix d’une image représentant un contexte précis suppose effectivement que l’élève ait choisi un contexte pour l’expérimentation. On pourrait évidemment imaginer des situations où l’élève choisirait des images au hasard, sans intention particulière mais, dans ce cas, la démarche entreprise par l’élève ne serait

94 Chapitre 5

vraisemblablement pas fructueuse et la suite de l’enregistrement permettrait d’en rendre compte. Il faut aussi considérer que l’élève pourra aussi modifier cette image ultérieurement, c’est pourquoi la création d’une image ne pourra servir à identifier l’amorce d’un raisonnement inductif que lorsqu’elle aura lieu avant toutes les autres actions.

Dans le scénario fictif de l’étude du mouvement d’un projectile, supposons que pour amorcer sa démarche de modélisation, l’élève décide de filmer une séquence où une balle est lancée. Il crée donc une séquence vidéo dans la fenêtre de simulation et à ce moment, l’environnement ajoute la ligne suivante dans le fichier d’enregistrement des actions :

2003/02/20 13h30, I-1, créer image=projectile.avi

Cette ligne comporte la date, l’heure, l’identification de l’étape (I-1 signifie 1ere étape

en induction) et une brève description.

5.2.2. Définition du système

Comme nous l’avons mentionné précédemment, nous utilisons la notion de paramètre (dont la liste a été présentée dans le Tableau VIII de la page 90) pour désigner les propriétés de l’environnement d’apprentissage qui peuvent être associées à des concepts physiques. Ainsi, la définition du système qui correspond à l’identification par l’élève des concepts permettant de décrire le phénomène pourra être associée à l’identification des paramètres de l’environnement. Selon la situation, les paramètres pourront être soit des constantes du mouvement, soit des variables du mouvement. Pour faciliter l’enregistrement de cette étape, nous ferons en sorte que l’élève doive explicitement afficher les paramètres qu’il veut utiliser. De cette façon, l’affichage des paramètres pourra servir de point de repère pour cette étape. Il faut aussi considérer que l’élève pourra vouloir afficher un paramètre ultérieurement (au moment où il se rend compte qu’il en a besoin). Dans ce dernier cas, et dans la mesure où il n’a pas amorcé un raisonnement déductif (que nous discuterons plus loin), nous proposons d’associer quand même cette action, même si elle est ultérieure12, à la définition du système puisque c’est ce que fait effectivement l’élève en affichant le paramètre.

Dans le scénario fictif de l’étude du mouvement d’un projectile, on peut imaginer qu’à un certain moment l’élève choisit d’afficher le paramètre de la composante x de la vitesse de l’objet. L’environnement ajoute alors la ligne suivante dans le fichier d’enregistrement des actions :

2003/02/20 13h45, I-2, afficher par=vx. Cette ligne utilise la même syntaxe que précédemment.

12 Il faut bien comprendre ici que, comme nous l’avons mentionné précédemment, l’ordre de présentation des

étapes est conceptuellement pratique mais n’est pas nécessairement chronologique. De plus, toutes les étapes ne sont pas nécessairement présentes dans un cheminement réel d’élève.

Modèle d’action 95

5.2.3. Observation des interactions entre les concepts

À cette étape est associée une première observation non contrôlée de l’interaction des concepts pouvant être destinée à formuler des hypothèses sur les interactions entre ces mêmes concepts. Pour pouvoir observer ces interactions, l’élève devra nécessairement avancer dans le temps. Il peut le faire de deux façons : en modifiant les images (pour les remplacer par des images prises à un autre moment) ou (ce qui revient au même) en avançant dans la séquence vidéo. Ainsi, il pourra observer directement l’évolution du phénomène dans le temps et tenter de déterminer (sans le mesurer explicitement) l’effet de cette évolution sur les paramètres qu’il a choisi de considérer lors de la définition du système. Cette observation l’amènera peut-être à réviser ses choix de paramètres qui n’ont pas nécessairement été judicieux. Il est à noter que l’observation de l’interaction des paramètres se distinguera de l’expérimentation (comme nous l’expliquerons plus loin) par la mesure explicite des paramètres.

Dans le scénario fictif de l’étude du mouvement d’un projectile, on peut imaginer que l’élève visualise la séquence vidéo une première fois. L’environnement ajoute alors la ligne suivante dans le fichier d’enregistrement des actions :

2003/02/20 13h31, I-3, avancer vidéo t=1.

Bien que l’identification de cette ligne corresponde à la troisième étape de l’induction, elle pourrait apparaître, par exemple, en deuxième position dans le fichier d’enregistrement des actions puisque les étapes peuvent être effectuées dans tout ordre vraisemblable.

5.2.4. Formulation d’hypothèses sur les interactions

Cette étape correspond au moment où l’élève formule des hypothèses sur les interactions entre les concepts. Ces hypothèses peuvent être formulées au début de la démarche dans le but de la conditionner ou à la fin de la démarche dans le but d’expliquer les régularités observées. Il s’agit d’hypothèses susceptibles d’être mises à l’épreuve par l’expérimentation, peu importe qu’elles soient vraisemblables ou non. L’élève devant pouvoir mettre à l’épreuve ce qu’il imagine, même si cela est incohérent. Dans l’environnement d’apprentissage, l’élève pourra formuler ses hypothèses en utilisant le modéliseur pour proposer et afficher des relations entre les paramètres. Nous croyons que c’est au moment où il crée des relations en se servant du modéliseur qu’il formule ses hypothèses. Ces relations pourront être ajustées ultérieurement à la situation lors de l’analyse des mesures que nous présenterons plus loin.

Dans le scénario fictif de l’étude du mouvement d’un projectile, on peut imaginer que l’élève crée une courbe théorique sur le graphique de la vitesse en fonction du temps. L’environnement ajoute alors la ligne suivante dans le fichier d’enregistrement des actions :

2003/02/20 13h47, I-4, créer relation=1, vx=A.

Cette ligne devrait évidemment apparaître après celle où l’élève choisit d’afficher le graphique de la vitesse en fonction du temps.

96 Chapitre 5

5.2.5. Construction d’un schème de contrôle des variables

Cette étape correspond au moment où l’élève planifie l’expérimentation de façon à formaliser la mise à l’épreuve des hypothèses par une expérimentation. Il doit pour cela déterminer quels paramètres seront observés et, parmi ceux-ci, lesquels varieront et lesquels devront demeurer constants. Dans notre contexte, l’identification par l’environnement d’apprentissage doit considérer les trois cas suivants, soit :

a) une hypothèse a été préalablement formulée (au moins dans l’esprit de l’élève même s’il n’a effectué aucune action en ce sens;

b) aucune hypothèse n’a été formulée, car l’expérience a été planifiée non pas pour mettre à l’épreuve une hypothèse, mais plutôt pour obtenir une loi dépendant de plusieurs paramètres qu’on fait varier un par un en contrôlant les autres à mesure que

l’expérimentation progresse;

c) aucune hypothèse n’a été formulée et l’élève ne vérifie le contrôle des paramètres que postérieurement à l’expérimentation afin de valider celle-ci. Dans ce dernier cas, il ne s’agit évidemment pas de construire un schème, mais bien d’en vérifier la construction a posteriori.

La vérification de l’évolution ou de la constance des paramètres étant grandement facilitée par la consultation des graphiques, nous proposons que la création et l’affichage des courbes expérimentales soient associés à l’étape de la construction ou de la vérification du schème de contrôle des variables. Bien entendu, on pourrait aussi imaginer que la vérification du schème de contrôle se fasse en consultant les valeurs des paramètres sous leur forme numérique, mais nous avons déjà associé l’affichage des paramètres à la définition du système. Nous devrons donc nous contenter de cette limite qui n’est pas très contraignante, puisque la consultation de la série des valeurs numériques pour en tirer des conclusions directement est une entreprise difficile, même pour un expert.

Dans le scénario fictif de l’étude du mouvement d’un projectile, on peut imaginer que l’élève choisit d’afficher le graphique de la vitesse en fonction du temps. L’environnement ajoute alors la ligne suivante dans le fichier d’enregistrement des actions :

2003/02/20 13h46, I-5, créer courbe=vx.

Si plusieurs graphiques différents sont affichés, plusieurs lignes légèrement différentes seront écrites.

5.2.6. Expérimentation permettant d’obtenir des mesures

Comme nous l’avons mentionné précédemment, l’expérimentation se distingue de la simple observation par la mesure explicite des paramètres. Ainsi, nous cherchons à identifier le moment où l’élève entreprend d’obtenir les valeurs mesurées. Dans l’environnement d’apprentissage, ces valeurs s’obtiennent en cliquant sur l’image, pour chaque instant, à l’endroit correspondant à la position des objets étudiés. Cette

Modèle d’action 97

séquence est lancée en cliquant sur un bouton approprié13. Les autres paramètres sont ensuite calculés à partir des mesures des positions. Il apparaît donc naturel d’associer l’action de cliquer pour obtenir des mesures à l’étape de l’expérimentation.

Dans le scénario fictif de l’étude du mouvement d’un projectile, on peut imaginer que l’élève choisit d’obtenir les mesures des coordonnées de l’objet sur la séquence vidéo. L’environnement lui demande alors de cliquer sur le centre de l’objet pour la première image de la séquence vidéo. L’environnement ajoute ensuite la ligne suivante dans le fichier d’enregistrement des actions :

2003/02/20 13h34, I-6, objet=1, x=0.1, y=-0.05, t=0.1 .

Une ligne supplémentaire sera ajoutée pour chaque image supplémentaire de la séquence vidéo.

5.2.7. Analyse des mesures afin d’en dégager des lois

Durant cette étape, l’élève est amené à extraire des lois à partir de l’ensemble des paramètres mesurés et calculés. S’il a formulé des hypothèses précédemment, cette étape lui permet aussi de les mettre à l’épreuve pour les confirmer ou les rejeter. Il est à noter que le strict rejet d’une hypothèse suppose que des incertitudes ont été explicitement associées aux mesures ainsi qu’aux paramètres calculés. Dans l’environnement d’apprentissage, la comparaison et l’ajustement d’une relation à un ensemble de mesures se font à l’aide du modéliseur. Dans le cas où une hypothèse a été précédemment formulée sous la forme d’une relation, l’élève pourra l’ajuster, s’il le désire, pour la rendre aussi près que possible des valeurs mesurées. Si aucune hypothèse n’a été formulée, c’est le moment d’en faire une en choisissant une relation et de vérifier qu’elle s’ajuste bien aux données. Ainsi, nous proposons que l’ajustement des paramètres d’une relation associée au modéliseur indique l’étape de l’analyse des mesures afin d’en dégager des lois.

Dans le scénario fictif de l’étude du mouvement d’un projectile, on peut imaginer que l’élève modifie une courbe théorique affichée précédemment. L’environnement ajoute ensuite la ligne suivante dans le fichier d’enregistrement des actions :

2003/02/20 13h53, I-7, modifier relation=2, vy=At+B, A=-10, B=0. Cette ligne indique aussi la relation choisie.

5.2.8. Synthèse des lois permettant de proposer un modèle

Cette étape marque la fin d’un processus de raisonnement inductif. Elle correspond au moment où l’élève fait la synthèse des lois qu’il a obtenues, des hypothèses qu’il a confirmées et de celles qu’il a rejetées. Suite à cette synthèse, il peut être en mesure de proposer un modèle pour le phénomène à l’étude susceptible d’expliquer de façon consistante l’ensemble des lois obtenues. Ce modèle doit être plus qu’une simple énumération des lois. Il doit comporter des propositions explicatives du

13 Dans le cas de capteurs de position (que nous ne privilégions pas pour le moment mais que nous ne rejetons

98 Chapitre 5

phénomène que l’environnement d’apprentissage n’est pas en mesure d’enregistrer, à moins que l’élève n’amorce un raisonnement de type déductif associé à la simulation et crée des boules, des murs ou des chaînes tels que nous les avons définis précédemment. Dans la mesure où cette création se fait à la fin d’un raisonnement inductif, nous suggérons qu’elle serve à identifier l’étape de la proposition d’un modèle. L’ajustement des paramètres des objets créés sera associé plus loin à une étape du raisonnement déductif.

Dans le scénario fictif de l’étude du mouvement d’un projectile, L’environnement ajoute la ligne suivante dans le fichier d’enregistrement des actions lorsque l’élève crée le premier objet simulé :

2003/02/20 13h56, I-8, créer boule=1.

Cette ligne correspond à la dernière étape possible en induction.

Puisque nous venons de présenter la dernière étape du raisonnement inductif, nous avons résumé dans le tableau suivant l’ensemble des associations proposées pour ce type de raisonnement. Nous nous référerons à ce tableau synthétique dans la suite de notre discussion concernant la grille de modélisation.

Modèle d’action 99

Tableau X. Associations des étapes du raisonnement inductif avec les actions de l’élève dans l’environnement d’apprentissage

No Étape Action

I-1 choix d’un phénomène réel à étudier créer image I-2 définition du système afficher paramètre I-3 observation des interactions entre les concepts avancer/reculer vidéo modifier image I-4 formulation d’hypothèses sur les interactions créer relation I-5 construction d’un schème de contrôle des variables créer courbe expérimentale I-6 expérimentation permettant d’obtenir des mesures mesurer vidéo I-7 analyse des mesures afin d’en dégager des lois modifier relation

I-8 synthèse des lois permettant de proposer un modèle

créer boule créer mur créer chaîne

De façon plus graphique, la Figure 12 présente une copie d’écran de ce que pourrait être le cheminement de l’élève en induction pour le scénario fictif du projectile.

100 Chapitre 5

Figure 12. Copie d’écran en induction pour le scénario fictif du projectile

5.3.G

RILLE DE MODÉLISATION DES ACTIONS DE L

ÉLÈVE EN