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Revascularisation coronarienne à cœur battant

Chapitre 1 : Définitions et approches de la cardiomyopathie ischémique sévère

1.7 Approches chirurgicales

1.7.3 Revascularisation coronarienne à cœur battant

La chirurgie de pontage sous CEC (« on-pump coronary artery bypass », ou ONCAB) a longtemps été la seule technique de revascularisation utilisée chez les patients présentant une diminution de la FÉVG, et ce, jusqu’au perfectionnement de la chirurgie de revascularisation à cœur battant (« off-pump coronary artery bypass », ou OPCAB). Afin de minimiser les risques associés à la CEC chez ces patients à haut risque, la chirurgie OPCAB a fait d’importants progrès au cours des dernières années57, 58. Plusieurs controverses alimentent encore le choix optimal de la stratégie de revascularisation chez les patients présentant une diminution de la FÉVG. D’un côté, plusieurs chirurgiens préfèrent utiliser la CEC pour diminuer les risques d’instabilité hémodynamique, d’hypotension, d’arythmie ventriculaire, ou d’arrêt cardiaque, phénomènes fréquemment rencontrés dans cette population chirurgicale à haut risque9, 10. En revanche, certains avancent que la CEC pourrait exacerber les dommages au myocarde chez les patients présentant une diminution de la FÉVG. Ces effets pourraient être partiellement causés par l’activation de médiateurs inflammatoires, par la géométrie « non physiologique » du VG au cours de la CEC, ou par la diminution de la fonction du septum interventriculaire post- CEC59, 60.

1.7.4 Résultats de la revascularisation à cœur battant

Plusieurs résultats à moyen terme avec la technique OPCAB ont encouragé la population chirurgicale à étendre les indications de cette technique de revascularisation aux patients présentant une dysfonction ventriculaire gauche61. Plusieurs méta-analyses ont à ce jour examiné les résultats obtenus des différentes études comparant la chirurgie ONCAB à la technique OPCAB. Généralement, les patients qui subissent une revascularisation OPCAB ont une évolution au moins comparable à celle des patients opérés sous CEC en ce qui concerne la mortalité périopératoire, le risque d’AVC, l’incidence postopératoire de FA, le besoin de transfusions sanguines ou la durée d’hospitalisation62-66. Néanmoins, peu de données se rapportent à l’évolution des patients avec dysfonction du VG qui subissent une chirurgie de revascularisation OPCAB. Suzuki et ses collègues ont rapporté une survie à moyen terme (5 ans) de 60 %, un résultat comparable à ceux obtenus avec la revascularisation ONCAB67. Youn et coll. ont aussi

rapporté une survie à 6 ans supérieure à 65 % dans cette population de patients68. L’utilisation de cette technique et l’évolution à long terme des patients avec dysfonction grave du VG demeure, à ce jour, encore à déterminer. Un des déterminants essentiels à la récupération post-revascularisation demeure la démonstration de viabilité du myocarde. À ce titre, Allman et coll. ont démontré dans une méta-analyse de 3088 patients (FÉVG ≤ 30%) que la présence de viabilité après une chirugie de revascularisation amenait une réduction de près de 79% de la mortalité cardiaque à 25 mois69.

1.7.5 Reconstruction ventriculaire

Les patients qui présentent un IDM transmural subissent un remodelage ventriculaire progressif et peuvent manifester une dilatation ventriculaire importante, laquelle peut mener à un amincissement de la paroi ventriculaire et à la formation d’un anévrysme du VG70. Ces changements produisent une augmentation de la tension murale et une dysfonction ventriculaire gauche par différents mécanismes : 1) une augmentation de la consommation d’oxygène en raison de l’augmentation de la tension murale; 2) une augmentation des cytokines pro-inflammatoires circulantes; 3) une stimulation de la réponse neuro-hormonale et du remodelage ventriculaire; 4) une contraction ventriculaire inefficace et déséquilibrée (« ventricular mismatch »); et 5) une hypoperfusion sous- endocardique70. La reconstruction ventriculaire vise à exciser le segment infarci dyskinétique affectant le myocarde afin de freiner ces mécanismes délétères qui mènent à une perte progressive de fonction du myocarde. La technique de reconstruction dite de « Dor » (d’après Vincent Dor) figure parmi les stratégies les plus fréquemment utilisées pour exciser le myocarde infarci et reconstruire le ventricule anévrysmal à l’aide d’une pièce de péricarde endoventriculaire71. De nos jours, on utilise de préférence une technique de Dor modifiée qui consiste en une ventriculotomie partielle et une reconstruction ventriculaire par l’utilisation d’une pièce de péricarde circulaire endoventriculaire72. Les résultats les plus probants concernant cette reconstruction nous

proviennent de deux études qui s’opposent mutuellement dans leurs conclusions. L’étude rétrospective RESTORE (« Reconstructive Endoventricular Surgery returning Torsion Original Radius Elliptical shape to the left ventricle ») a connu un franc succès suite à sa publication73. De 1998 à 2003, 1198 patients ont subi une chirurgie de reconstruction du

VG pour une dilation anévrysmale du VG. Les résultats publiés ont démontré une amélioration d’environ 10 % de la FÉVG en période postopératoire, associée à une mortalité opératoire de 5,3 %. La mortalité à moyen terme rapportée dans cette étude était de 68,6 ± 2,8 %. Malgré ces résultats prometteurs, l’étude prospective randomisée « STITCH », publié par Jones et coll. en 2009, a jeté un doute considérable sur l’impact de la chirurgie de reconstruction ventriculaire chez les patients présentant une CMI et un anévrysme du VG74. De 2002 à 2006, 1000 patients avec une dysfonction du VG

(< 35 %) ont été randomisés en deux groupes : pontages seuls ou pontages avec reconstruction ventriculaire gauche. À cinq ans, aucune différence n’a été observée entre les deux groupes en ce qui concerne la mortalité, le nombre d’hospitalisations, ou le nombre de ré-hospitalisations pour causes cardiaques (figure 1). Ces résultats contradictoires traduisent la difficulté de traitement des patients avec défaillance ventriculaire gauche grave et illustrent bien la nécessité d’explorer de nouvelles avenues de traitement (voir chapitres suivants). Néanmoins, certaines critiques en lien avec la sélection des patients, l’expertise chirurgicale de chacun des centres hospitaliers et la validité de la randomisation des patients sont venues jeter un voile sur les résultats obtenus.

Figure 1.

Tiré de Jones et al., 200974. Courbe de Kaplan-Meir présentant l’évolution des patients en fonction de la probabilité de survenue de l’issue primaire (« STITCH TRIAL »). Aucune différence n’a été observée en ce qui a trait à l’issue primaire de mortalité ou de ré-hospitalisation 5 ans après randomisation entre une intervention de pontage seul (Coronary Artery Bypass Graft, CABG), ou une chirurgie de pontage combinée à une reconstruction ventriculaire gauche (« Surgical Ventricular Reconstruction », SVR).

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