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Une méthodologie basée sur des études de cas 2.1.

La principale limite à cette étude est l’absence de base de données actualisée des agriculteurs dans la zone étudiée. En effet, depuis le dernier recensement agricole général effectué en 1996, le paysage agricole a changé avec le développement rapide de l’irrigation et l’opérationnalisation du PMV. En 2014, le gouvernement marocain a lancé une campagne de recensement pour évaluer l’impact des investissements publics et privés en agriculture, et mieux planifier l’activité agricole, mais ses résultats ne sont pas encore disponibles.

Pour pallier ce manque de données de base, nous avons opté pour une méthode de collecte de données par entretien appliquée à un échantillon diversifié de 40 agriculteurs. Cette méthode, basée sur un questionnaire structuré et des entretiens approfondis, a été utilisée dans différents contextes en Grèce (Daskalopoulou et Petrou, 2002), en Espagne (Castel et al., 2003), en Italie (Usai et al., 2006) ou au Chili (Carmona et al., 2010). L’ensemble des agriculteurs enquêtés a été maintenu durant toute l’étude, et a été sollicité aux cours des trois phases correspondant aux trois questions de recherche. Nous avons choisi de dresser des typologies d’exploitation à chaque phase de questionnement, cet outil se révélant efficient pour comprendre et ordonner la diversité de situations, à l’œuvre dans un contexte donné (Moreno- Pérez et al., 2011; Marshall et al., 2014).

Il est en effet intéressant de regrouper les exploitations (Lesschen et al., 2005), dès lors que chaque système est différent dans sa structure et unique dans sa façon de gérer et de prendre des décisions (Mądry et al., 2013). Ainsi, la typologie permet (i) de connaître et de comprendre les caractéristiques et les conditions semblables à chaque type (stratégies, pratiques, systèmes de production, structures, perceptions) ;(ii) de faire émerger les processus mis à l’œuvre en termes de décisions des agriculteurs ainsi que les points forts et les faiblesses de chaque type de systèmes (diagnostic) (Köbrich et al., 2003); (iii) d’intervenir par des

119 recommandations adaptées à chaque type, dans un compromis entre conseil individuel et recommandation standard à toutes les exploitations (Aboudrare, 2009).

La richesse des données quantitatives et qualitatives collectées en lien avec les différentes questions de recherche, nous a permis de dresser des typologies répondant aux objectifs de chaque questionnement. Ainsi, nous avons manipulé des méthodes d’analyses tant qualitatives basées sur l’étude approfondie de chaque cas et la compréhension des mécanismes liés aux systèmes d’exploitation (raisonnement, choix stratégiques, perceptions, lien entre composantes du système) (Eisenhardt et Graebner, 2007), que statistiques en utilisant des méthodes multivariées comme l'analyse des composantes principales (ACP) (pour les données quantitatives), ou l’analyse en composantes multiples (ACM) (pour les données qualitatives et quantitatives) et la classification ascendante hiérarchique (Lesschen et al., 2005). Dansune perspective d’interventions publiques, il serait nécessaire de compléter les typologies réalisées par une évaluation du poids des différents types dans l’ensemble de la population agricole régionale, ce qui suppose l’existence d’un recensement ou de disposer de moyens pour travailler sur de grands échantillons.

Evaluer la durabilité 2.2.

Dans la littérature, l’évaluation de la durabilité permet le passage de la théorie de la « durabilité » à la pratique (Von Wirén-Lehr, 2001) et constitue un important outil d’aide à la décision pour un gain en durabilité (Schindler et al., 2015). Cependant, face au foisonnement des méthodes, rares sont les travaux qui ont permis une réelle adoption d'outils d'évaluation de la durabilité, ainsi qu’une opérationnalisation des résultats et des recommandations issues des évaluations (Macintosh et Ashton, 2003; Blackstock et al., 2007; Rey-Valette et al., 2007; Binder et al., 2010; Triste et al., 2014). La majorité des publications sur l'évaluation de la durabilité se rapportent à des études de cas ponctuelles (Bond et al., 2012). Les rares cas d’opérationnalisation des résultats des évaluations, concernent des applications spécifiques par exemple pour les carburants (Zhou et al., 2012), les paysages urbains (Deng et al., 2012) ou l’industrie minérale (Shields et al., 2011).

120 Pour les agriculteurs, l’intérêt des méthodes d’évaluation fait débat (Coteur et al., 2016), mis à part certaines méthodes utilisées dans des processus de certification (Schader et al., 2014) donc rendues obligatoires de fait. Différentes raisons ont été mises en avant pour expliquer ce manque d’appropriation des méthodes d’évaluation, tels que les inadéquations entre les valeurs de jugement des agriculteurs et des concepteurs de méthodes (Gasparatos, 2010, Triste et al., 2014, Van Meensel et al., 2012), ou des facteurs liés à l’aspect procédural de la méthode tels que la disponibilité et la qualité des données, les délais et les coûts de réalisation des évaluations, ainsi que les terminologies scientifiques peu familières aux agriculteurs (Van Meensel et al., 2012; Marchand et al., 2014). Pour autant, les auteurs s’accordent sur un point fort de ces méthodes, à savoir l’apprentissage et la diffusion du concept de durabilité (Bond et al., 2012). En effet, leur utilisation amène les agriculteurs à discuter d'un large éventail de thèmes en lien avec le concept et à réfléchir sur leurs pratiques (Subedi, 2006 ; de Olde et al., 2016b). Ainsi, ces outils représentent une importante base de transmission de connaissances entre toutes les parties prenantes (Frick et al., 2004; Kaiser et Fuhrer, 2003).

Face à ce constat contrasté entre, d’une part, le manque d’appropriation de ces outils, et d’autre part, leur intérêt en terme d’apprentissage, un appel a été lancé par un nombre de chercheurs, pour opérationnaliser les connaissances développées par les évaluations de la durabilité (Binder et al., 2010). Ces approches partent des résultats des évaluations pour élaborer des plans de développement ciblés (De Mey et al., 2011 ; de Olde et al., 2016b), ainsi qu’un accompagnement et un appui à l’agriculteur (Le Gal et al., 2011). Cette initiative peut être portée par différents acteurs tels que les chercheurs, les conseillers locaux ou les agents des structures de développement.

Quels futurs pour les exploitations du Saïs?

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