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4. OPERATIONNALISATION DES RESULTATS

4.1. RETOUR SUR LES BESOINS OPÉRATIONNELS

Qu’il s’agisse d’extraction ou de transformation, les différentes phases d’un projet minier incluent une diversité d’acteurs tant du côté des populations impactées par le projet que du côté des mineurs. L’identification des besoins opérationnels a reposé sur la volonté d’affiner ces catégories en incluant dans notre réflexion, les acteurs miniers et non miniers qui participent de la mise en œuvre des projets, et donc, au-delà des mineurs et des populations locales affectées et/ou parties prenantes du projet, les pouvoirs publics, les bureaux d’études et les organisations de la société civile.

Les différents ateliers menés tout au long du programme ont soulevé plusieurs problématiques concernant notamment la question de la valeur, de l’appréhension du risque par rapport à des évènements et de la négociation à propos en particulier de la compensation. Les réflexions sur l’opérationnalisation des résultats de ces ateliers ont ainsi porté sur trois questions complémentaires :

1. Comment définir la valeur des lieux, dès lors qu’il s’agit de prendre en compte le contexte océanien, la diversité des catégories de lieux, des critères permettant de les qualifier et les hiérarchies changeantes de ces valeurs en fonction des acteurs ? 2. Comment identifier et qualifier les variables à prendre en compte dans l’appréhension

de l’évènement et des risques qu’ils suscitent ?

3. Comment normer et définir les processus temporels en jeux dans la négociation autour de la valeur des lieux ?

4.1.1. LE BESOIN DE DÉFINIR LA VALEUR DES LIEUX

L’équipe du projet est partie des contributions des études de cas, de revue bibliographique et des réflexions antérieures pour établir un certain nombre de constats quant à la définition, à la qualification et la quantification de la valeur/des valeurs attribuées à des lieux, sites ou

espaces, à l’intérêt de la notion de valeur des lieux par rapport à d’autres notions. Le groupe a ainsi constaté l’artificialité des classements et typologies prédéfinies de la valeur, la diversité des critères permettant de qualifier la valeur d’un lieu et des hiérarchies à la fois entre ces critères et ces valeurs, le fait que coexistent plusieurs catégories de lieux et l’importance de la compréhension du contexte océanien pour les saisir. Enfin, a été soulignée l’aporie que représentait la notion de services écosystémiques, non spatialisée, niant ou ne prenant pas en compte la place de l’homme dans la construction de la valeur, et négligeant de ce fait l’idée clef selon laquelle il n’existe pas de valeur intrinsèque (à un lieu ou tout autre objet). Pour définir la valeur des lieux, a été posé comme postulat de départ que la variation de la valeur d’un lieu à l’intérieur d’un groupe d’acteurs est inférieure à la variation entre groupes d’acteurs différents. Second point, le lieu constitue le socle d’analyse des valeurs et il s’agit sur cette base de partir des acteurs pour identifier et comprendre quelles valeurs (nature, intensité) ils accordent au lieu. Pour ce faire, les outils mobilisés sont ceux des sciences sociales et des enquêtes participatives : entretiens, observations participantes ou non, cartes mentales et graphes cognitifs. Il s’agit d’appréhender et de repérer les concordances et discordances entre les discours des différents groupes d’acteurs en matière d’attribution d’une valeur à un lieu, pour in fine, organiser les discussions entre les acteurs sur les valeurs des lieux, sur la base d’une analyse partagée.

4.1.2. LE BESOIN DE MIEUX APPRÉHENDER LES ÉVÈNEMENTS ET LES RISQUES QU’ILS SUSCITENT

Partant du point précédent, l’élaboration de propositions opérationnelles passe par l’identification et la qualification des variables à prendre en compte, et, au préalable, par une définition des deux notions d’évènement et de risque. L’évènement est conçu comme une perturbation – une rupture, un tournant – plus ou moins rapide et brutale, mais insérée dans des processus, des chaînes d’évènements. La difficulté réside ici dans les cas où le changement est très progressif, pouvant impliquer des appréciations variables sur le moment de l’évènement. On peut faire ici la distinction entre l’évènement comme fait et l’évènement comme perception et jugement (ce qui « fait évènement » dans une conjoncture spécifique). Concernant le risque, on peut distinguer deux registres : le risque comme aléa probabilisable (contrairement à l’incertitude) ; l’appréciation normative (positive ou négative) des effets potentiels d’un évènement. Ce dernier point renvoie à la question cruciale du consentement (le « consentement préalable libre et informé » de la déclaration sur les droits des peuples autochtones) : consentir à quoi, selon quelles règles du jeu ?

Deux postulats sont nés des discussions : (1) la valeur est instable, non intrinsèque, révélée ou transformée par un évènement et donc par les positionnements des acteurs ; (2) la perception du risque et le contexte d’incertitude influent sur les réponses locales qui sont faites aux propositions des acteurs miniers. Il s’agit dès lors de qualifier l’évènement « déclencheur » qu’il s’agisse d’environnement (interne au projet minier ou externe), d’un mouvement social, d’un potentiel projet minier, d’une règlementation, etc. Il s’agit aussi de saisir les risques qui lui sont associés pour les populations et donc de comprendre, les expressions des enjeux (qui peuvent aller de craintes sur l’environnement à l’appréhension de risques ontologiques de disparition d’une communauté en tant que telle), les formes de la mobilisation, les acteurs concernés et intéressés. In fine, d’un point de vue opérationnel, il faut :

• Garder à l’esprit la normalité de l’évènement et la nécessité d’organiser un suivi des changements et de leur appréciation (risques perçus).

• Prendre au sérieux l’option du refus d’une « proposition minière » : analyser avant de négocier (ce que font les entreprises minières de manière très habituelle).

• Qualifier et distinguer les éléments de risque et les situations d’incertitude, ce qui renvoie à la fois à l’organisation concrète d’un dispositif de « consentement libre, préalable et informé » et aussi aux prises en compte des risques et incertitudes au plan juridique et réglementaire.

4.1.3. LE BESOIN DE NORMER LES PROCESSUS DE NÉGOCIATION

Sur ce dernier point, la définition des processus et référentiels s’appuie sur une série de constats. Le choix de l’échelle de la négociation ne réduit pas le risque de mécontentement. L’environnement politique peut changer la perception, en termes d’appropriation du projet, et selon que l’on a affaire à un projet territorial plus global. L’identification des acteurs d’un lieu n’est pas toujours facile, même si le contenu des négociations intègre de plus en plus de formes différentes de valeurs et que la palette des acteurs concernés directement ou indirectement s’enrichit. Les populations locales et les autorités coutumières peuvent rencontrer des difficultés à formuler les valeurs et à les défendre. La définition de l’objet de la négociation ne va ainsi pas de soi, renvoyant à la définition des valeurs en lien avec des paysages (cf. la visibilité du problème), des récits, des écosystèmes, etc. Enfin, les formes de la compensation sont multiples, inséparables de la notion (et de formes) de responsabilité et de l’appréhension des risques pour les différents acteurs de la négociation.

L’atelier mené avec les bureaux d’études et les consultants travaillant dans le secteur minier va dans le sens de ces derniers constats. Il a souligné le manque de visibilité de ces acteurs sur le déroulement des projets miniers, et son pendant, à savoir la difficulté de mesurer le risque social et de l’anticiper. Les participants ont dans ce sens fait part selon eux d’une insuffisance des cadres règlementaires qui prévoient de la communication et des échanges trop tardivement par rapport à l’avancement du projet minier. Ils ont de ce point de vue fourni un certain nombre de récits de situations de blocages dont ils ont été témoins ou dans lesquels ils se sont trouvés pris. Ils ont également mis l’accent sur leurs difficultés à identifier les acteurs en jeux et les logiques à l’œuvre, leur manque de connaissance sur les territoires et leur histoire. Enfin, ils ont souligné que si parfois leurs perceptions du risque en particulier en matière environnementale ne leur semblaient pas prises en compte, ils avaient aussi le sentiment que les cahiers des charges qui leur étaient adressés manquaient de précision, que la qualité des études préliminaires menées pouvait être difficile à évaluer et qu’enfin le manque de normes et d’expertise en matière d’enquêtes sociales était important.

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