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3. Revue critique des principaux outils multicritères

3.3. Les outils d’analyse multicritères

L’analyse multicritère (dont les usages ne se réduisent pas à l’opérationnel) répond à cette

nécessité en permettant d’atteindre un compromis – à savoir la solution optimale dans un

contexte de négociation donné –, et en combinant variables quantitatives et qualitatives (Roy,

1985). Selon Ben Mena (2000), dans un cadre projet, l’analyse multicritère peut s’organiser en

4 grandes étapes :

1. Dresser la liste des actions potentielles

2. Dresser la liste des critères à prendre en considération

3. Établir le tableau des performances

4. Agréger les performances.

De nombreuses méthodes s’y rattachant ont ainsi vu le jour : elles diffèrent essentiellement par

le type d’agrégation utilisée. On peut en distinguer trois.

Les méthodes d’agrégation complète supposent que tous les jugements sont commensurables,

ce qui est peu satisfaisant. La somme ou moyenne pondérée de notes est l’exemple le plus

connu de ces techniques. Citons encore : le goal-programming (Ignizio, 1978 ; Spronk, 1981),

les déclassements comparés (Le Boulanger, Roy, 1970), les méthodes “politiques” (dictature,

hiérarchie, démocratie parfaite), MAUT (Multiple Attribute Utility Theory) (Fishburn 1970,

1982 ; Keeney, Raiffa, 1976), UTA (Utilités Additives) (Jacquet-Lagreze, Siskos, 1982). Ces

deux dernières méthodes considèrent chaque critère comme une fonction d’utilité à intégrer

dans une super-fonction d’utilité.

Les méthodes d’agrégation partielle, appelées aussi « approche du surclassement de synthèse

acceptant l’incomparabilité » (Roy, 1985 ; Maystre et al., 1994) ou « méthodes de

surclassement » (Vincke, 1989). Il s’agit de comparer les actions deux à deux et à vérifier si,

selon certaines conditions préétablies, l’une des deux actions surclasse l’autre ou pas et ce, de

façon claire et nette. À partir de toutes ces comparaisons, on tente ensuite de réaliser une

synthèse. On peut citer les outils ELECTRE I, II, III (voir les travaux de Roy) ou encore

Prométhée (Brans, Vincke, 1985).

Les méthodes d’agrégation locale : utilisées lorsque le nombre d’actions potentielles est très

grand, voire infini lorsque les actions varient en continu. Il s’agit alors de partir d’une solution

de départ (aussi bonne que possible) et de voir autour de cette solution s’il n’y en a pas de

meilleure. On pratique donc une exploration locale et répétitive de A. D’où son nom de

technique d’« agrégation locale itérative » (Schärlig, 1985). Ces méthodes sont en outre

souvent interactives entre l’homme d’étude et le demandeur. C’est pourquoi on les nomme

aussi « approche du jugement local interactif avec itérations essais-erreur » (Roy, 1985 ;

Maystre et al., 1994) ou encore « méthodes interactives » (Vincke, 1989). De nombreuses

méthodes, souvent complexes, ont ainsi vu le jour : la méthode STEM (Benayoun et al., 1971)

ainsi que d’autres méthodes itératives fondées sur la programmation linéaire multicritère

(PLM).

D’autres outils méthodologiques très sophistiqués permettant une évaluation intégrée de

l’incertitude ont été développés : le NUSAP (Numeral, Unit, Spread, Assessment, Pedigree ;

Funtowicz et Ravetz, 1990) ; le QAAT (Quality Assurance Assistant Tool) ; le KERBABEL,

évaluation sous la forme d’un dialogue autour des indicateurs et des futurs possibles ; la Foire

Kerbabel aux Indicateurs (FKI) ou encore la Matrice Kerbabel de Délibération (MKD) (voir

Van der Sluijs, et al. 2008).

Par exemple, « le processus et les résultats de l'évaluation dans MKD sont établis sous forme de

plusieurs niveaux de jugements (choix d’« indicateurs-candidats », signification attribuée à

chaque indicateur, poids de chaque indicateur, comparaison globale des options/scénarios par

rapport aux enjeux de performance, selon les points de vue des différents acteurs…). L’échange

entre ces derniers, lors du processus de délibération et de négociation, peut amener à des

modifications dans les choix et les jugements associés à chaque cellule de la Matrice » (voir

Figure ci-dessous).

« La structure de la Matrice met en évidence les besoins d'information pour, d'une part,

représenter la situation et ses possibles évolutions et, d'autre part, effectuer des jugements au

sujet de la situation actuelle et, éventuellement, future (par l'intermédiaire d'un ensemble

d’indicateurs). Elle fournit un cadre pour une discussion et une évaluation structurées des

évolutions politiques ou de gouvernance face aux différentes formes d'incertitude qui peuvent

être associées aux diverses catégories d'informations empiriques, aux modèles et aux résultats

de simulation introduits dans la délibération » (ibid.).

Yorghos, et al. (2010) illustrent comment peuvent être utilisés les outils de la Foire aux

indicateurs et la matrice Kerbabel. Leur usage est associé à une démarche plus globale,

Intégraal, qui « est une méta méthode d'analyse multicritères et multi acteurs appartenant à la

prenantes d'un débat ou d'une controverse cherchent à identifier leurs différences et les

solutions potentielles lors de discussions avec l'aide d'une troisième partie neutre ».

Dans ce cadre, la Matrice Kerbabel de Délibération a particulièrement attiré notre attention.

Son objectif est de faire apparaître les opinions des différents acteurs impliqués dans un

problème, afin de définir une option qui satisfasse au mieux chacun (ou du moins ans laquelle

chacun se retrouve). Plus concrètement, la Matrice permet de confronter trois éléments

représentés par les trois axes de la Matrice :

-

X Axe 1 acteurs,

-

Y axe 2 enjeux,

-

Z axe 3 scénarios.

Les recommandations d’action envisagées pour la gestion du problème sont décrits à travers

l’axe des scénarios » :

« l’acteur x, juge le scénario y à travers l’enjeu z »

La matrice est remplie par les acteurs (x), on leur demande leur avis sur papier, quel pourrait

être l’impact du scénario y (ou recommandations y) sur l’enjeu z ?,

Réponses par code couleur : vert bon, orange plus ou moins, rouge mauvais, blanc ne sait pas,

bleu cyan, ne me concerne pas…

Chaque réponse doit être complétée d’un commentaire justifiant le jugement formulé à l’aide

d’indicateurs. Les indicateurs fonctionnent alors comme des arguments mais ils ont l’avantage

d’être formalisés et (souvent) plus précis qu’un commentaire narratif et spontané. Les

indicateurs peuvent ensuite être pondérés à l’intérieur d’un enjeu afin de refléter la valeur que

l’acteur accorde aux différents critères. Ces indicateurs sont issus souvent de compromis.

Aucun n’est parfait et la pertinence de chacun par rapport à l’enjeu auquel il correspond peut

être soumise au débat, tant parmi les experts qu’aux parties prenantes de manière générale.

Ces outils présentent l’intérêt de permettre une certaine « réduction de la complexité » en

offrant une vision plus synthétique de la diversité des enjeux (que l’on pourrait imaginer

remplacés par des valeurs ?) selon les acteurs et un support pour mettre en débat les scénarii

d’évolutions (décisions à prendre : exploration, exploitation minière, fermeture, etc.) et leurs

impacts sur les valeurs des lieux. S’ils peuvent paraître assez hermétiques, ces outils n’en

demeurent pas moins intéressants à mobiliser.

4. Proposition d’outils méthodologiques sur la

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