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Chapitre 4. L’expérience du syndrome de stress post-traumatique

4.1. Le retour de mission

Les militaires rencontrés lors de mon terrain ont tous vécu des missions à l’extérieur que ce soit comme soldat, infirmier ou encore psychologue. Ils ont donc tous été confrontés à la réalité de ce métier, aux traumatismes et à la violence que cela peut engendrer. Cependant, les soldats rencontrés ont tous pu revenir dans leur environnement familial après leurs missions d’une durée de quatre à six mois. Ce retour leur a demandé une réadaptation : « Donc, progressivement, il a fallu que je me réadapte à la vie. Le combat était à 9 000 kilomètres de là. J’entendais plus le tactac tactac. J’entendais plus le truc qui éclatait. » (Fabien)

Afin de discuter de ces retours de missions, je commence par présenter un élément assez récent en France qui sert de transition entre le théâtre des opérations et le retour à la vie civile : les sas de décompression. Par la suite, je traite de la question du témoignage afin de savoir si les soldats de retour de mission parlent des expériences vécues en zone de combat.

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4.1.1. Les sas de décompression

Les militaires qui participent à des missions extérieures sont soumis à de nombreux changements d’environnement. Ils passent d’un milieu violent et stressant propre au théâtre des opérations à leur vie auprès de leurs proches, au sein d’un pays et d’une culture qui sont les leurs. Jusqu’à récemment le passage entre ces deux milieux de vie se faisait d’une manière abrupte ne laissant pas le temps au militaire de se réadapter adéquatement. Cependant, depuis 2009, l’armée française a mis en place un sas de décompression à Chypre où les soldats rentrant d’Afghanistan passent trois jours. Logés dans un grand hôtel, ils peuvent se détendre, faire du sport, participer à des séances d’information sur le stress post- traumatique, rencontrer des psychologues, etc. Cette mesure a été prise afin de permettre aux soldats de rentrer plus sereinement dans le milieu civil et rejoindre leur famille (Bobbera, 2013).

Sur les 11 personnes que j’ai rencontrées, sept sont passées par ces sas de décompression. Ils ont expliqué combien ce séjour avait été bénéfique. Pour Gilles, « le sas de décompression est obligatoire. Ça, c’est un truc qui est, en ce qui me concerne, incontournable ». Cela leur permet de passer du temps entre soldats ayant vécu le même théâtre d’opérations, de retourner à une vie pleine de confort et de profiter de plusieurs activités de détente. Les soldats sont également en mesure de rencontrer des psychologues en groupe ou individuellement. Enfin, ils participent à des séances d’information sur les risques du stress post-traumatique lors de leur retour chez eux leur permettant, parfois, de détecter leur propre stress post-traumatique. Nous voyons donc ici l’importance de cette mesure pour la santé psychique des soldats revenant de missions extérieures. Les sas de décompression sont, pour le moment, grandement apprécié par les militaires qui peuvent ainsi se préparer à leur retour chez eux. Cette première étape est sans aucun doute importante dans la détection de futurs troubles psychologiques ainsi que dans la prévention du développement de ces troubles.

4.1.2. Parler de son expérience traumatique

Les missions extérieures marquent les soldats, ils reviennent transformés de par ce qu’ils ont vu et vécu. Mais expriment-ils les expériences traumatiques de leurs missions à leurs proches

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? Les militaires que j’ai rencontrés ont expliqué qu’ils arrivaient à discuter des événements traumatisants à leurs collègues et plus précisément à ceux qui avaient fait les mêmes missions qu’eux. Christophe a précisé qu’il pouvait même y avoir une sorte de hiérarchie en fonction des opérations extérieures (OPEX) vécues. Il explique que lorsqu’il rencontre une personne portant telle ou telle médaille référant à une mission semblable à une des siennes alors il est possible d’en parler. Une sorte de mémoire collective se met en place entre soldats ayant la même expérience du terrain : ils se comprennent.

Dans cette situation, le traumatisme peut aussi devenir un secret amenant le soldat à se renfermer sur lui-même et ne jamais s’exprimer à propos de son expérience traumatique. Ce secret survient principalement lorsqu’il est question d’en discuter avec la famille. Plusieurs préfèrent ne rien dire afin de protéger leur entourage familial. Il se lie ici avec la notion de mémoire sélective : il y a ce que l’on peut raconter et ce qui est indicible : « Tout ne se raconte pas. » (Christophe)

Enfin, un dernier élément apparait lorsqu’il est question de parler du traumatisme. Pour

Christophe, le fait de ne pas parler de ce qui s’est passé sur le théâtre des opérations peut

également être un moyen de se protéger soi-même. En effet, le soldat revit son expérience traumatique à travers son expression. De ce fait, la majorité des soldats rencontrés expliquent qu’ils ne discutent quasiment jamais de leurs traumatismes ou, s’ils sont amenés à le faire, ce n’est uniquement qu’avec quelques collègues soigneusement choisis. En bref, les difficultés rencontrées lors du retour de mission sont les mêmes, peu importe si le militaire est atteint ou non de SSPT. Toutefois, pour cinq des militaires rencontrés, le trouble est survenu et a apporté de nouvelles étapes à franchir.

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