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Exploitation du modèle fréquentiel

Chapitre 9 : Conclusion générale

9.1 Retour sur l’atteinte des objectifs

Le but de la thèse était de développer pour les décideurs et intervenants des outils facilitant la prise de décision, permettant une meilleure compréhension de la dynamique des glaces de mer aux échelles régionales (12,5 km) et locales (250 m), faisant appel à des approches de télédétection, de géomatique ainsi que de statistique.

Dans ce cadre, quatre objectifs spécifiques ont été définis pour cette recherche doctorale, soit :

1. Le développement, grâce aux données historiques (1978-2015) tirées de l’imagerie micro-ondes passives, d’un outil d’aide à la décision reposant sur la modélisation fréquentielle locale (12,5 km) de la variabilité spatiotemporelle des concentrations de glace de mer.

2. L’évaluation de la dynamique spatiotemporelle dans le système de la Baie d’Hudson grâce à l’outil d’aide à la décision IcePAC développé à l’objectif 1.

3. Le développement, grâce aux données de télédétection, d’une approche de cartographie de la présence des glaces de mer à haute résolution spatiale et temporelle, permettant de mieux documenter la fréquence d’occurrence et l’étendue couverte par les glaces de mer.

4. L’évaluation de la dynamique spatiotemporelle dans le système de la Baie d’Hudson grâce à l’approche de cartographie IceMap250 développée à l’objectif 3.

Des contributions scientifiques originales découlent des efforts mis pour atteindre ces objectifs de recherche.

L’outil probabiliste sur les concentrations de glace IcePAC, développé grâce à la méthode d’analyse fréquentielle afin de répondre à l’objectif 1, permet aux décideurs d’aborder la dynamique du couvert de glace d’une manière probabiliste en exploitant au

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maximum l’information tirée des observations de télédétection. C’est la première fois que la calibration et l’approche de modélisation fréquentielle est appliquée de manière systématique, pour chaque semaine de l’année, à des séries temporelles de concentrations de glace tirées de capteurs micro-ondes passives. La version initiale du modèle, développé sur la Baie d’Hudson, montre un potentiel intéressant pour fournir des données à valeur ajoutée sur la dynamique spatiotemporelle du couvert de glace. L’outil IcePAC est non seulement en mesure de fournir de l’information sur la concentration de glace probable pour une valeur de probabilité p, il permet également de visualiser et d’interpréter les comportements de la variabilité du couvert en présentant les données dans un contexte spatiotemporel. L’outil IcePAC permet de reproduire le comportement probable des conditions de glace et permet de percevoir la plus grande incertitude par rapport au comportement des glaces durant les périodes dynamiques d’englacement et de fonte, contrairement aux périodes de couvert stable.

Cette nouvelle perspective sur la dynamique des glaces permettra d’analyser, en complémentarité avec les données de modèles climatiques conventionnels, l’évolution du couvert de glace. Sous sa forme actuelle basée sur les observations micro-ondes passives ou sous une forme faisant appel aux données de conditions futures obtenues via des modèles climatiques, les données produites par l’outil IcePAC ont le potentiel d’être utilisées par les experts de multiples domaines comme les navigateurs, les climatologues ou les écologistes.

L’utilisation des données de l’outil IcePAC ont permis, tel que décrit par l’objectif 2, de caractériser la dynamique spatiotemporelle des glaces du système de la Baie d’Hudson. Grâce aux données probabilistes, il a été possible de caractériser les événements moyens pour chaque pixel du domaine mais également les événements le plus probables et les moins probables, donnant ainsi une information quant à la gamme des « possibles » pour chaque site. Une analyse a été faite afin de décrire les dates de fonte, correspondant à un passage sous le 15 % de glace et les dates d’englacement, correspondant à un passage au-dessus de 15% de glace. Il en ressort une estimation des dates possibles et des durées probables de saisons sans glace (et à l’inverse des saisons avec couvert de glace). Malgré les différences entre les sources de données d’IcePAC et du SCG, les cas moyens sont concordants. L’utilisation de l’outil IcePAC a ainsi démontré l’utilité des données et l’intérêt d’utiliser ce modèle en complémentarité avec d’autres sources de données comme l’atlas du SCG.

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L’algorithme IceMap250 (Gignac et al., 2017), développé pour répondre à l’objectif 3, constitue une approche novatrice, permettant d’obtenir automatiquement (sans intervention humaine), une cartographie de la présence de glace sur une base journalière ainsi qu’avec une couverture spatiale de 250 m qui s’avérait jusque-là indisponible aux décideurs à partir de données MODIS. De plus, IceMap250 utilise un ratio spectral différent qu’IceMap pour la détection de la glace. Ce ratio, le NDSII-2, fait appel à la bande infrarouge ondes-courtes plutôt qu’au proche infrarouge et permet d’obtenir un excellent pouvoir de discrimination de la glace, compatible avec les deux plateformes MODIS. Les validations tant quantitatives que qualitatives tendent à prouver que les sorties IceMap250 sont des sources d’informations pertinentes et fiables aux échelles journalières et hebdomadaires. Une approche hybride de gestion de la couverture nuageuse, le masque VIS, est utilisé dans IceMap250 et permet d’augmenter la zone cartographiable en tenant compte du couvert nuageux. Dans tous les cas de figure rencontrés, IceMap250 a respecté les patrons glaciels observables dans les images et a permis d’obtenir rapidement, dès que l’imagerie MODIS est disponible, de l’information sur la présence de glace (quasi temps-réel) et ce, à une échelle locale, ce qui est plus en phase avec les besoins des décideurs. L’algorithme IceMap250 maintient une précision élevée en toutes saisons avec des valeurs Kappa systématiquement supérieures à 90 %. Ces caractéristiques permettent de croire qu’IceMap250 constitue un excellent point de départ pour des études sur les glaces de mer et que cet algorithme présente un bon potentiel pour de nombreuses applications scientifiques et opérationnelles.

Enfin, l’utilisation des données tirées d’IceMap250 pour caractériser l’évolution du couvert pendant la période 2002-2016 montre une hausse de la durée des saisons sans glace, dus à des englacements tardifs ou à des fontes précoces. La résolution spatiale du produit IceMap250 et sa résolution temporelle permet d’identifier des phénomènes et des spécificités locales sur la dynamique du couvert (e.g. exutoires de rivières ou des polynies) qui ne sont pas identifiables dans des données à des échelles spatiales plus grossières comme les produits dérivés des images microondes passives ou les cartes du SCG produites par les analystes des glaces (dérivées de plusieurs sources, mais principalement d’images SAR).

Les données dérivées de cette recherche doctorale offrent donc, tel que souhaité dans l’objectif global du projet, une meilleure compréhension de la dynamique spatiotemporelle du couvert de glace et constituent un outil d’aide à la décision pertinent.

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En résumé, les innovations de cette thèse peuvent être perçues sous trois angles. D’abord sous un angle conceptuel, de par la mise en place d’une approche novatrice d’analyse probabiliste combinant une perspective spatiale et le traitement de données massives et par le développement d’un nouvel algorithme de cartographie de la présence de glace opérationnel et automatisé offrant des résultats à une résolution jusque-là indisponible. Ensuite sous un angle thématique, de par la capacité d’analyser avec une perspective probabiliste la dynamique spatiotemporelle des glaces grâce à l’outil IcePAC, entre autre pour l’analyse de la durée probable des saisons sans glace, des englacements et des fontes et également grâce aux cartes IceMap250 qui offrent un niveau de détails qui permet de déceler des événements qui n’étaient pas perçus par les données micro-ondes passives et qui n’étaient pas répertoriés par le SCG. Enfin, techniquement, la création d’algorithmes entièrement automatisés et d’une interface interactive, modelée selon les besoins des utilisateurs potentiels (voir sondage en annexe 1), pour l’interrogation et la consultation des données produites dans le cadre de ce projet de recherche constitue une valeur ajoutée.

9.2 Perspectives

IcePAC

La validation de la saison de glace 2015-2016 a montré que les résultats fournis par IcePAC sont fortement dépendants des données d’entrées utilisées pour construire les séries temporelles et que le pas de temps de modélisation et le scénario de retrait des tendances ont également un impact majeur sur les résultats. Le choix de ces paramètres doit être réévalué dans le cas où la donnée d’entrée, le produit OSI-409 (concentration de glace) d’une résolution spatiale de 12,5 km et une résolution temporelle journalière serait modifiée et remplacée par des sorties de modèles climatiques à haute-résolution ou des cartes de concentration de glaces dérivées de l’algorithme IceMap250.

L’une des perspectives d’application future pour l’outil IcePAC repose sur l’utilisation comme intrant au modèle de simulations des conditions futures de glace tirées de modèles climatiques à haute-résolution (400 m). L’utilisation d’une telle source de données permettrait d’avoir non seulement une information sur les conditions attendues dans le futur mais également d’y attacher une information probabiliste, ce qui n’a pas encore été fait. Puisqu’il est plus pertinent de tirer des modèles climatiques des informations sur la tendance du climat plutôt que de prendre pour acquis chacune des observations ponctuelles qu’ils fournissent,

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l’apport d’une approche par probabilité comme avec l’outil IcePAC permettrait de visualiser spatialement les différents scénarios d’évolution probable du couvert de glace dans le futur.

Le développement d’une approche de modélisation modifiée, basée sur la création d’une distribution Bêta « non-stationnaire » constituerait également une innovation prometteuse considérant la potentielle applicabilité de cette approche non seulement aux données de glace (SIC) mais également aux autres données sous forme de pourcentage.

L’extension du domaine de modélisation de l’outil IcePAC à l’entièreté de l’Arctique, voire de l’Antarctique constituerait également un développement intéressant à mettre de l’avant. La modélisation à partir des images microondes passives pour l’ensemble de l’hémisphère Nord permettra de tirer des conclusions sur l’évolution présente et escomptée du couvert de glace arctique à une échelle spatiale plus fine que celle des modèles globaux du climat. Grâce à ces données, des analyses dans des domaines comme la prévision de routes de navigation ou la climatologie globale dans lesquelles la connaissance du couvert de glace est un paramètre clé pourront être menées, et ce avec un nouveau regard probabiliste sur la dynamique glacielle, ce qui à ce jour est inédit.

IceMap250

Également, le transfert de l’algorithme IceMap250 vers d’autres capteurs de plus grande résolution spatiale, tels Sentinel 2-A et Landsat 7 et 8 constituerait une avancée intéressante permettant ainsi d’élaborer un historique encore plus raffiné des conditions de glace. Une autre application à développer serait l’utilisation des données d’étendue du couvert pour en dériver un produit de concentrations de glace, ce qui permettrait de mesurer un paramètre stratégique supplémentaire grâce aux cartes IceMap250.

Interface de diffusion des modèles et des produits

Les outils développés dans le cadre de cette recherche doctorale permettent d’avoir une perspective originale sur la dynamique temporelle des glaces dans le complexe d’Hudson. Une interface de diffusion et d’interrogation des données découlant des outils développés dans le cadre de cette recherche doctorale a aussi été conçue (voir annexe 1), créée et mise en ligne (https://icepac.ete.inrs.ca). Cette interface web, offre l’avantage de rassembler en un seul et même endroit les données et les modèles produits dans le cadre de cette recherche doctorale et de les rendre accessibles. L’interface est basée sur des outils web et géomatiques open-source, elle est flexible et pourra évoluer au fur et à mesure de l’intégration de nouvelles données et de nouveaux outils. En effet, afin de prétendre être en

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mesure de suivre adéquatement un phénomène dynamique comme l’évolution du couvert de glace, il est important que les données utilisées pour la cartographie ou la modélisation soient constamment mis à jour. Ainsi, afin de pérenniser l’interface et les outils IcePAC et IceMap250, le laboratoire TENOR de l’INRS doit trouver les moyens d’intégrer et de mettre jour les données satellitaires ainsi que de développer des approches d’automatisation qui permettront à l’algorithme de cartographie ainsi qu’à l’outil probabiliste IcePAC de se maintenir automatiquement à jour.

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