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Exploitation du modèle fréquentiel

Chapitre 6 : Télédétection des glaces de mer

6.4 Approches de cartographie des glaces de mer en télédétection

6.4.1 Approches avec les capteurs du domaine visible, de l’IR et de l’IRT

L’imagerie visible, proche infrarouge et infrarouge thermique peut être utilisée, dans le cadre spécifique d’études sur les glaces de mer, pour estimer plusieurs paramètres géophysiques du couvert de glace. Les capteurs visibles et thermiques comme Landsat, AVHRR, MODIS et Sentinel-2 présentent les caractéristiques avantageuses de présenter un bon compromis entre la résolution spatiale et temporelle ainsi qu’un accès sans frais aux données (Loveland et al., 2012, Rundquist et al., 2006, Turner et al., 2003, Wulder et al., 2012), en temps quasi-réel. Grâce à la haute résolution spatiale, il est possible de réduire la contamination terrestre le long des zones côtières et également de détecter et délimiter plus précisément les ouvertures dans la glace et la présence de glace dans les zones d’archipels et les passages étroits (Shokr et al., 2015). Il est également fréquent que les données tirées des capteurs du visible et du thermique soient utilisées afin de valider des produits générés à partir de données SAR ou micro-ondes passives (Wiebe, 2007).

Le tableau 6 donne un sommaire des algorithmes les plus utilisés dans le domaine visible et thermique du spectre électromagnétique. Les diverses approches de cartographie du couvert de glace proposées reposent majoritairement sur l’utilisation séparée ou simultanée de deux critères distinctifs de la glace par rapport au reste de son environnement. Le premier critère clé est sa réflectance dans certaines bandes spectrales (comme le vert), plus élevée que celle de l’eau, qui permet généralement à un analyste de distinguer, sur un composé en couleurs réelles, l’eau et glace à l’œil nu (Riggs et al., 2001). Le second critère est la température de la surface qui est plus basse pour la glace que pour l’eau, permettant ainsi d’ajouter un niveau d’information permettant de distinguer le couvert de glace de son

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environnement (Hall et al., 2004b). Les deux critères cités ci-dessus sont particulièrement utiles pour la cartographie des concentrations ou de l’étendue du couvert. D’autres analyses, utilisant les données multi angulaires (Nolin et al., 2002) ou des analyses statistiques établissant des relations entre le PIR et l’IRT pour l’estimation de l’épaisseur et pour l’évaluation des types de glace ont été développés. Les données dans la partie optique du spectre électromagnétique offrent donc une large gamme d’applications possibles pour l’étude des glaces. Les usages possibles de l’imagerie dans la région visible et thermique du spectre électromagnétique sont restreints par l’impact de la couverture nuageuse sur la zone exploitable pour l’analyse (Gignac et al., 2017). C’est un facteur expliquant le faible nombre d’algorithmes qui furent développés et exploités systématiquement pour cartographier les glaces de mer à partir de l’imagerie optique et thermique. La majorité des usages de l’imagerie optique pour la cartographie des glaces portent sur des applications locales et ponctuelles dans le temps. Il est donc difficile d’assurer une continuité spatiotemporelle des informations sur la glace à partir des capteurs du visible et du thermique uniquement.

Tableau 6: Quelques algorithmes de cartographie des glaces de mer avec l’imagerie visible, IR et IRT

Auteurs Paramètre du

couvert gla- ciel

Capteur Caractéristiques de l’algorithme de classification

Hall et al. (2001) Étendue MODIS Arbre de décision hiérarchique

Combine thermique et visible Utilise le NDSI

Su et al. (2013) Étendue MODIS Utilise les caractéristiques de texture (GLCM)

Massom et al. (1994) Stades de

croissance AVHRR Basé sur une discrimination dans le PIR et IRT

Nolin et al. (2002) Stades de

croissance

MISR Utilise les données multi angulaires de MISR

Classification ISODATA

Drüe et al. (2004) Concentration MODIS Estimation de la concentration basée sur la tempé-

rature de surface.

Parmi ces méthodes, l’approche proposée par Hall et al. (2001) est la seule étant utilisée opérationnellement, c’est-à-dire, produite systématiquement. En effet, la NASA procède à la production d’un produit sur l’étendue de glace, nomme MOD29, à partir de l’algorithme IceMap. IceMap utilise les bandes visible (1 et 4), proche infrarouge (2 et 6) et thermique (31 et 32) de MODIS (Terra et Aqua) pour déterminer si la glace est présente, et ce avec une résolution spatiale de 1 km. Le critère principal pour discerner la présence de glace

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est basé sur l’idée suivante: si la neige est détectée à la surface de l’eau, un couvert de glace sous-jacent est présent. La détection de la neige est réalisée grâce au ratio spectral

Normalized Difference Snow Index (NDSI) (Dozier, 1989) utilisant les bandes du vert (MODIS

bande 4) et du proche infrarouge (MODIS bande 6). Ce critère de détection est ensuite complémenté par deux critères spectraux supplémentaires avec les bandes 1 (rouge) et 2 (proche infrarouge). Si un pixel présente un NDSI > 0,4, une réflectance en bande 2 > 0,11 et une réflectance en bande 1 > 0,1, ce pixel est considéré comme étant de la classe « glace couverte de neige ». IceMap fait également appel à la température de surface pour discriminer la présence de glace à la surface, qu’elle soit ou non couverte de neige. La température de surface est estimée grâce à l’approche « split-window » (Hall et al., 2004b, Hall et al., 2001, Riggs et al., 2001, Riggs et al., 2004) utilisant les bandes 31 et 32 du capteur MODIS. La glace est réputée présente lorsque la température mesurée est inférieure à 271,5 K (-1,8°C), soit la température de congélation de l’eau salée à 33 PSU (Neumann et

al., 1966, Reynolds et al., 1993). L’erreur moyenne quadratique (en anglais : Root Mean Square Error ou RMSE) de la température de surface estimée est entre 1 à 3°K et ce dans

des conditions idéales (Hall et al., 2004b). Néanmoins, il est difficile, dû à l’hétérogénéité de la météo polaire, de s’attendre à obtenir des mesures constantes de température de surface de la glace. Ce facteur d’incertitude peut engendrer des erreurs d’estimation significatives, particulièrement dans un milieu où la présence de jeune glace est importante, comme la Baie d’Hudson. En résumé, l’algorithme IceMap présente comme principale qualité sa facilité d’implémentation, une applicabilité globale, des critères à la fois spectraux et thermiques qui sont complémentaires ainsi qu’une autonomie complète en ce sens qu’aucune intervention humaine ne soit nécessaire. Malheureusement, à notre connaissance, aucune étude ne présente une analyse quantitative de la précision de l’algorithme IceMap (Riggs et al., 2015). Néanmoins, des évaluations qualitatives sous conditions de ciel dégagé montrent qu’IceMap permet de discerner avec précision les détails de l’étendue du couvert de glace. En contrepartie, le fait que la bande 6 (PIR), utilisée pour le calcul du NDSI, soit non- fonctionnelle à 70 % sur la plateforme Aqua (Hall et al., 2007, Wang et al., 2006), que la résolution spatiale soit limitée à 1 km et que les estimations de température de surface soit peu fiables dès que les conditions climatiques sont peu favorables (couvert nuageux, humidité, etc.) posent des limites considérables pour l’algorithme. C’est néanmoins le seul algorithme qui est actuellement utilisé de manière systématique, étant bien établi dans le

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système de production de la NASA où des cartes de glace sont produites à chaque jour et ce pour chaque produit « swath » acquis aux 5 minutes.

Comme avec l’algorithme IceMap original, Drüe et al. (2004) font appel à la température de surface, mais cette fois avec l’objectif de déterminer directement, sans d’abord établir la présence/absence, la concentration de glace par pixel. Faisant appel à un algorithme nommé MODIS Potential open water Algorithm (MPA), les auteurs déterminent la concentration à une résolution de 1 km avec une erreur approximative estimée à 10 % lorsque leurs données sont rééchantillonnées à une résolution spatiale de 25 km et ensuite comparées aux données micro-ondes passives de SSM/I traitées par l’algorithme NASA- Team (Cavalieri et al., 1984). Malheureusement, la comparaison avec des données à plus haute résolution, comme par exemple Landsat-7, rééchantillonnées à la résolution du produit de MPA à 1 km n’a pas été réalisée. Il est donc difficile d’estimer la précision réelle de cet algorithme pour estimer la présence/absence de glace à la surface à sa résolution native.

L’approche proposée par Su et al. (2013) fait appel au concept de texture pour discriminer la présence de glace à la surface et ce en utilisant les bandes 1 et 2 de MODIS, à une résolution spatiale de 250m. Les tests effectués dans la mer de Bohai, en Chine, montrent que, en conditions calmes et en absence de grandes quantités de sédiments en suspension, la méthode proposée fonctionne avec une bonne précision, estimée à 81,42 % avec un coefficient Kappa de 0,626. Malgré le fait que cette méthode permet d’obtenir une résolution spatiale de 250 m, elle s’avère toutefois très sensible aux facteurs climatiques qui influencent la radiométrie et qui, du même coup, altèrent la perception de texture dans l’image.

De l’évaluation des diverses méthodes proposées dans la littérature (tableau 6) pour l’estimation de la présence ou de la concentration de glace ressortent des cibles pour le développement d’une nouvelle approche. Parmi ces cibles notons la constance des résultats, de hautes résolutions spatiales et temporelles, une indépendance accrue aux aléas du climat, une applicabilité globale et une indépendance face à l’intervention humaine.