• Aucun résultat trouvé

Chapitre 2. Formalisation du REX : Proposition d’une structure type de rapport d’accident

2.2. Le Retour d’EXpérience

2.1. Introduction

Comme cela a été évoqué dans le chapitre précédant, et dans le cadre de l’opérationnalisation de la méthode IRAD, la question à laquelle nous devons répondre est : Comment formaliser le Retour d’EXpérience (REX) ? Dans le contexte de l’amélioration de la sécurité des systèmes, toute information sur les circonstances d’une altération de la sécurité d’opérateurs utilisant un système peut s’avérer essentielle. Dans le contexte agricole, le ministère en charge de l’agriculture et les assureurs collectent ce type d’informations dans le cas d’accidents graves. Ces informations sont retranscrites dans un rapport d’accident. Cependant, il n’existe pas de rapport d’accident type et les données collectées ne sont souvent pas assez précises pour être exploitées afin d’améliorer le système incriminé. Nous proposons ici de combler ce manque de formalisme.

Avant de décrire la méthode proposée pour atteindre cet objectif, nous proposons dans la section suivante (section 2.2) un état de l’art sur le REX. Tout d’abord, nous introduisons la notion de REX. Ensuite, nous détaillons les classifications du REX et précisons leur intérêt pour nos travaux. La section 2.3 détaille la structure type proposée d’un rapport d’accident. La section 2.4 présente le cas d’application de notre recherche, les liaisons tracteurs-outils. Ensuite, la section 2.5 décrit comment compléter la structure de rapport proposée à partir de deux accidents différents, un premier incriminant un arbre de transmission à cardans et un second impliquant la liaison trois points. Pour finir, la section 2.6 comprend la conclusion et les perceptives de cette partie.

2.2. Le Retour d’EXpérience

2.2.1. Qu'est-ce que le Retour d'Expérience ?

Il existe différents travaux portant sur le Retour d’EXpérience (« Experience Feedback » en anglais) ainsi que de nombreuses définitions. Selon [Ghemraoui, 2009], les connaissances issues du REX sont relatives au fonctionnement d’un produit connu, dans un contexte spécifique, pour un utilisateur et une activité spécifique.

[Rakoto, 2004] précise que le « REX est construit à partir de la description de l’événement lui-même et de l’environnement dans lequel il est apparu, de l’expérience acquise pour pallier ou favoriser l’occurrence de l’événement et de la création de connaissances ».

Selon [Mazouni, 2008] « Le REX est le fait d’exploiter des connaissances historiques archivées afin de dégager un savoir-faire en matière de management de la sécurité ». L’auteur propose une méthode de management des risques (Management Préliminaire des Risques - MPR) basée sur une ontologie générique permettant de canaliser les mécanismes de capitalisation et d’exploitation des connaissances relatives aux scénarios d’accident. Cette méthode comporte quatre phases : la phase d’identification des scénarios d’accident, la phase d’estimation des risques, la phase d’évaluation des risques et la phase de maitrise des risques.

[Kamsu Goguemn et al., 2008] ont défini le retour d'expérience comme « un processus de capitalisation et d’exploitation des connaissances visant essentiellement à transformer la compréhension acquise par l’expérience en connaissances ». Ils ont proposé de formaliser ces connaissances sur le REX en utilisant l’ontologie. Les auteurs proposent un cadre du REX qui distingue cinq types d’information : l’événement, le contexte, l'analyse, la solution et les leçons apprises.

Se basant sur [Rakoto et al., 2002] et [Clermont et al., 2007], [Béler, 2008] propose la définition suivante : « Le retour d’expérience est une démarche structurée de capitalisation et d’exploitation des connaissances issues de l’analyse d’événements positifs et/ou négatifs. Elle

29

met en œuvre un ensemble de ressources humaines et technologiques qui doivent être organisées pour contribuer à réduire les répétitions d’erreurs et à favoriser certaines pratiques performantes ». Il présente les différentes entrées et sorties du processus de capitalisation et d’exploitation des connaissances (figure 2.1).

Il définit deux catégories d’entrées : les événements positifs et négatifs. Parmi ces entrées, les REX « événementiel » (accidents, événements à perte)) sont les plus courants. Il classe ensuite le REX en trois grandes classes [Béler, 2008]:

- Retour d’expérience positif ou négatif. Cette classe distingue les situations considérées anormales (écart à la norme et au fonctionnement normal du système) et les bonnes pratiques;

- Retour d’expérience statique ou dynamique. Contrairement à l’approche dynamique, l’approche statique permet de collecter et de diffuser la connaissance sans traitement « intelligent ». ;

- Retour d’expérience statistique ou cognitif. Le REX statistique est utilisé lorsque les informations stockées le sont en quantité suffisante. Dans le cas contraire, il devient nécessaire d’y adjoindre des connaissances issues d’analyses expertes.

Figure 2.1. Vue d'ensemble des applications du retour d’expérience [Béler, 2008].

Selon [Kjellén, 2000], le retour d'expérience joue un rôle central dans la prévention des accidents. Selon elle, il regroupe des informations provenant de différents canaux comme les rapports d’accident et de pré-accident et l'inspection de la situation de travail. Il se base sur un modèle de système d’information SHE (SHE pour Safety, Health and Environment) présenté à la figure 2.2.

Un système d’information SHE assure les fonctions de prévention des accidents suivants:

1. Collecte de données sur les risques d'accident en utilisant les rapports d’accident et quasi-accidents, inspections de la situation de travail, audits et analyses des risques. Les méthodes de collecte de données comprennent l’observation, des entrevues, l'auto-évaluation, des discussions de groupe, etc.

30

2. Stockage de données dans une mémoire (fichier papier, électronique, etc.) et la récupération de données à partir de celui-ci.

3. Traitement de l'information, c'est-à-dire la récupération et l’analyse des données, la compilation en informations utiles, le développement de mesures correctives, etc.

4. Distribution des informations aux décideurs dans l'organisation.

Figure 2.2. Flux de l'information dans un système information SHE [Kjellén, 2000].

Des effets positifs sur la sécurité ne sont obtenus que lorsque la boucle est bouclée. C'est à dire lorsque les résultats de ces décisions sont mises en œuvre d’une manière qui affecte les situations de travail (existantes ou futures).

2.2.2. Utilisation du REX dans notre recherche

L’intérêt du REX dans notre recherche peut être vu selon trois angles différents : - REX et sécurité : Du point de vue sécurité, le REX permet d’obtenir des informations

sur les accidents. En effet, il permet de recueillir les faits reliés aux éléments d’une situation de travail qui ont mené à l’accident. Les connaissances sur l’accident doivent être extraites à partir de ces éléments.

- REX et conception : Du point de vue conception, le REX permet de déterminer le système ou la partie du système impliquée dans un accident. Les connaissances sur la conception doivent être extraites en analysant le système ou la partie du système identifiée.

- REX et aide à la décision : Le REX permet de regrouper les informations sur les différents accidents impliquant un système ou une partie du système. Le stockage de ces informations dans une base de connaissances peut ensuite servir à évaluer le niveau de sécurité du système pour enfin aider à la décision parmi les choix de solutions dans le cadre de la reconception sécuritaire de ce système. Ces informations peuvent également être utilisées pour la conception sécuritaire d’un nouveau système similaire à celui pour lequel les informations ont été récoltées.

Traitement Collection des données Distribution Système d’information SHE Décisions Production du système Mémoire Flux de l’information

31

2.2.3. Conclusion

Dans notre travail et comme dans [Mazouni, 2008] et [Kjellén, 2000], nous nous intéressons au REX sur l’accident. Nous reprenons la catégorisation du REX de [Béler, 2008] en trois grandes classes : REX positif ou négatif, REX statique ou dynamique et REX statistique ou cognitif. Dans notre contexte, notre démarche est basée sur un REX négatif, statique et cognitif ; négatif car nous basons nos travaux sur la prise en compte des causes des accidents, statique car nous considérons l’expérience pour la génération de connaissances et cognitif car le manque d’informations sur les causes des accidents nous amène à intégrer des éléments clés d’analyses expertes.

Un des documents clés du REX sur l’accident est le rapport d’accident [Kjellé, 2000], sur lequel nous proposons de nous pencher davantage. Celui-ci détaille les faits liés aux éléments d’une situation de travail et à des événements qui ont mené à l’accident. Dans le contexte de la conception sécuritaire de machines agricoles, les connaissances issues de rapports d’accidents s’avèrent prépondérantes afin d’améliorer la sécurité au plut tôt lors du processus de conception. Cependant, les contenus de ces rapports sont très hétérogènes et, pour cette raison, souvent inexploitables.

Le but de la section suivante est de répondre à ce problème en proposant une structure type de rapport d’accident. D’un rapport correctement complété, il est possible d’extraire des connaissances utiles et applicables afin de les utiliser dans le processus de reconception du système ou de la partie du système impliquée dans l’accident. En effet, nous allons analyser cette structure type de rapport d’accident proposée afin d’extraire les connaissances sur l’accident et sur la conception du système.